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1957 - 2000    ma carrière de marin.
Pilot Elève Lieutenant
1964
1970
Second
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Second
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Second
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Cdt
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Bahamas
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1994
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1999

Lieutenant

1963 -lieutenant
Après un mois et demi comme Elève, je suis enfin promu Lieutenant lors d'une escale à Anvers le 5 nov 1963. Peu de temps après le Champagne est vendu à la Compagnie d'Armement Maritime de Djibouti. Cette compagnie, appartenant à un avocat, Me Billaud (orthographe ?), qui a très mauvaise réputation. Le changement d'équipage se fait en cale sèche au Havre et révèle en effet des aspects curieux. Des marins viennent avec une convocation pour embarquer, font un peu le tour, demandent qui sera commandant ou Chef et certains repartent en disant que ça ne leur va pas. Le commandant arrive avec un gros rouleau de cartes marines sous le bras. Il explique que chez Me Billaud on ne sait jamais ce qu'on trouvera à bord. En tous cas le navire repart sous son nouveau nom de Montmajour qu'il conservera cinq ans.
Moi je rembarque sur le Roussillon, de nouveau à Anvers. Je ne suis pas dépaysé, c'est un sister-ship du Champagne et nous faisons la même rotation sur La Skhirra. Je fais un embarquement de cinq mois sans soucis. Le Roussillon finira mal, échoué à Tuapse en 1967, irrécupérable.

Roussillon échoué (1967)

Je débarque au mois de juillet et cela me donne du temps pour préparer l'année scolaire suivante. Le deuxième brevet dans la filière B est Lieutenant Marine Marchande, et pour préparer le diplôme je dois passer une année à Paimpol. Matériellement ce sera difficile, mes économies sont maigres et la SFTP m'accorde un prêt, remboursable, très modeste. Heureusement mes parents possèdent une petite maison à St Quay et nous la prête, nous pourrons passer l'année en famille, j'ai déjà trois enfants. Tous les jours il faut faire la route, 60 kms avec ma vieille 2CV. Je m'aperçois qu'un collègue de classe habite lui aussi à Saint Quay et il me propose de me transporter avec sa belle Simca.
Au point de vue scolaire je n'ai pas de problèmes, je suis au dessus du niveau demandé, sauf en ce qui concerne ce qui est maritime : trigo sphérique, cosmo, navigation ... Financièrement on tire le diable par la queue. Je ne peux pas m'offrir la cantine à midi et me prépare un sandwich le matin. Pour ma femme c'est affreux, coïncée dans cette maison sans grand confort, avec trois tout jeunes enfants, sans aucune distraction ni ami. Ausssi c'est avec soulagement que je termine l'examen et rembarque aussitôt. Cette fois ci c'est sur un magnifique bateau moderne le TOURAINE construit à La Ciotat en 1963. Plus de château, au milieu il y a un local pc cargaison, avec quelques télé-commandes de vannes et lecture des niveaux.
Le port en lourd est de 56 230 tonnes, au lieu de 15 000. La taille des pétroliers est en train d'augmenter, ce qui devait être un sister ship du Touraine passe à 71 000 t. Les pompes cargaison sont maintenant des turbo pompes, des pompes centrifuges actionnées par des turbines à vapeur. La propulsion est aussi assurée par une turbine de 21 000 cv, donnant une vitesse de 17 nds.
C'était une époque fastueuse pour les pétroliers, donc pour la SFTP, on construisait des bateaux luxueux. A bord du Touraine le luxe des emménagements du Commandant frisait le ridicule, avec fausses poutres apparentes et mobilier de style. Rien de sensationnel pour le reste de l'équipage.
Ce petit embarquement de deux mois seulement est juste un intermède entre deux années de cours. Après LMM deux voies s'ouvrent à moi. Je peux continuer la filière B avec Lieutenant Grande Navigation, puis Capitaine au Long Cours après plusieurs années de navigation. Ou bien je peux sur concours entrer en deuxième année de filière A pour devenir Elève au Long Cours, puis CLC après un temps de navigation beaucoup plus court. C'est la solution que je choisis et je suis admis en filière A, il faut donc aller passer une année au Havre. Là encore c'est la galère, très peu d'argent, toujours ma vieille 2CV, et nous trouvons un logement pas cher en haut de Sainte-Adresse. Pas cher mais pas confortable, un poêle à charbon, les wc à l'extérieur !
A part les soucis d'argent l'année se passe bien. Je craignais d'être mal accueilli par les élèves plus jeunes, mais au contraire ils ont de la considération pour les deux "anciens" venant de la filière B, et sont très sympas avec nous. Là encore je suis très largement au niveau et je termine avec un résultat brillant à l'examen, 17,5 de moyenne, ce qui me vaut le prix de la Ville du Havre, bof ! On me dira plus tard que le Directeur m'avait cherché pour me féliciter, mais 5 minutes après les résultats j'étais en route dans ma 2CV, et le lendemain nous déménagions. Me voilà donc diplômé Elève au Long Cours et aussitôt breveté Lieutenant au Long Cours puisque j'ai déjà le temps de navigation requis. Il ne reste plus qu'une étape sur ma route.

Moins d'un mois plus tard je reprends la mer. Embarquement à Lavera à bord du LANGUEDOC le 30 juillet 1966.C'est mon premier 20 000 tonnes, la SFTP possèdait six de ces bateaux à la silhouette caractéristique. Le chateau était très étroit et arrondi. On disaiit qu'ils avaient "une poitrine de vélo". Autre particularité ils étaient dotés d'un moteur Doxford à pistons opposés.
La vie à bord était modérément confortable. Le château logeait le commandant, les officiers pont, le radio et le maître d'hötel. Le commandant disposait d'un bel appartement, les cabines des officiers étaient très petites. Pour se conformer à la convention collective qui prévoit un lit et un canapé par cabine d'officier, la SFTP avait trouvé l'astuce de combiner les deux. Le lit basculait contre la cloison et révélait le canapé. Cabinet de toilette individuel mais wc commun. Les Cdt, Chef et Sd Capitaine mangeaient au milieu, tous les autres à l'arrière où se trouvait bien sûr la cuisine. En cas de mauvais temps le garçon devait braver les intempéries pour apporter les plats. Il fallait d'abord qu'il passe ce qu'on appelait le Cap Horn, l'angle des emménagements arrière, puis 50 m de passavant sans aucn abri, avec ses gamelles. A l'inverse les lieutenants devaient faire le même trajet pour aller au carré, mais au moins les mains libres. Par vraiment gros temps les relations entre avant et arrière étaient interrompues, à l'avant on vivait de conserves. Mais c'était très rare.

Coté cargaison ces bateaux étaient plutôt en retard. Les 24 citernes, en huit tranches, étaient réparties de part et d'autre de la chambre des pompes. Celles ci étaient deux pompes à vapeur alternatives Guinard, de 250 m3/h, plus une pompe d'assèchement, avec son tuyautage dédié. La cadence de déchargement était faible et de plus les pompes alternatives empêchaient le branchement à des bras articulés. A cause des à-coups il fallait se brancher à des flexibles. On entendait les coups dans les tuyautages à terre et certains terminaux n'aimaient pas ça du tout. L'avantage pour le Second c'est qu'au bruit on connaissait la cadence et on savait si la pompe désamorçait. Des onomatopées évoquaient très bien le bruit d'une pompe : quand on entendait "peti-clac-boum" la pompe était amorcée, et quand elle faisait "peti-clac-petit-clac..." elle avait décamorcé.

Un embarquement sans histoires, marqué seulement par la personnalité du commandant. C'est un monsieur très sympathique, pied noir d'Alger, qui a un comportement un peu particulier qui le fait soupçonner d'homosexualité. En tous cas il est original. Quand il fait beau, en Méditerranée il passe la journée en slip de bain, et se poste parfois pendant des heures assis à la proue, un fusil Mauser en travers des cuisses pour guetter les requins. S'il en aperçoit un il fait un carton ! Par contre en hiver, à l'ouest de Gibraltar, il reste enfermé dans son appartement et ne communique que par le porte voix avec la passerelle. Spécial ! Au demeurant un homme charmant. Je faisais le quart de 23 h à 03 h, et une nuit il m'a appelé : "Que dit le sorcier ?" -"Pardon ? " - "Le baromètre, que fait-il ?" - "Je ne sais pas !" - "Comment ! Vous êtes de quart et vous ne surveillez pas le baromètre !!! "


Souvenir magnifique, la remontée à Rouen en compagnie de mon épouse. Il fait un temps splendide et c'est une promenande touristique superbe. Nous profitons des paysages mieux qu'à bord des bateaux de promenade, grâce à la hauteur, et le pilote fait un guide compétent et sympathique.
1966-1968 j'enchaîne quatre embarquements, quatre bateaux . Après le Languedoc, le Vendée, puis l'Armagnac, le Sologne et le Poitou. Le Vendée fut une expérience désagréable passée entièrement en réparations à Gênes, j'avais juste bouché un trou. Je n'en ai gardé qu'un vague souvenir désagréable.

L'Armagnac fut plus plaisant. C'était un bateau plus moderne et plus grand, plus confortable aussi. Les cabines d'officiers ont leurs sanitaires complets. Il a une silhouette particulière, avec des coursives extérieures en fronteau, ce qui est assez rare. Nous faisions des voyages agréables, chargement en Méditerranée, déchargement souvent à Donges. Port d'escale apprécié par la majorité bretonne de l'équipage. Les épouses peuvent facilement venir pour passer 24 ou 36 heures. La compagnie ne restreint pas vraiment le nombre d'épouses autorisées à bord.
Techniquement le bateau est plus intéressant, les trois pompes de cargaison sont centrifuges, entrainées par turbine à vapeur. Mais il n'y a pas encore beaucoup de télécommandes de vannes ni de téléjauges.


Puis de nouveau un 20 000 tonnes, cette fois ci le Sologne. L'affrètement est un peu particulier nous faisons la navette Marseille -Tuapse (mer Noire), ou parfois Novorossisk. La fréquentation des ports soviétiques est très bizarre. La paranoïa des autorités est ridicule, mais il vaut mieux s'abstenir d'en rire. Le pétrole que l'on charge arrive du Caucase par trains et la cadence de chargement est donc variable et imprévisible, avec des arrêts et des reprises sans aucun préavis. Le terminal est incapable de calculer la quantité chargée, mais fait semblant. Alors ils nous demandent notre chiffre, partent "faire leurs calculs" er reviennent quelques heures plus tard avec un chiffre supérieur d'une tonne au notre. Une tonne, toujours la même différence !!! Dans un port normal c'est quelques dizaines.

Escales à Tuapse. L'ambiance de ces escales était vraiment dépaysante. En 1967 on était en pleine guerre froide, le monde soviétique était refermé sur lui même et voyait tout étranger comme un espion possible. Dès l'arrivée  sur rade c'était sensible. Un patrouilleur tournait autour des bateaux au mouillage et escortait ceux qui arrivaient. De nuit la baie était surveillée par de puissants projecteurs installés sur les collines environnantes et qui balayaient les environs. Quand on restait au mouillage la nuit l'équipage avait trouvé une blague amusante: dans une cabine, sans rideau au hublot, ils allumaient et éteignaient plusieurs fois la lumière. Aussitôt les projecteurs s'allumaient et fouillaient les environs. Et quelques minutes après on entendait le patrouilleur démarrer pour venir faire le tour du bord. Il naviguait feux éteints, mais son moteur faisait un tel barouf qu'on l'entendait venir de loin.
Quand on rentrait au port, si c'était de nuit, le pilote avait beaucoup de mal à voir devant, les projecteurs ne nous quittant pas une seconde, braqués sur la passerelle. Il fallait mettre un carton devant le malheureux pilote, avec des petits trous d'observation.
A l'arrivée à quai les formalités étaient délirantes. Un comité de six ou sept galonnés montait à bord pour inspection de l'équipage. Tout le monde était convoqué au salon du commandant, quelle que soit l'heure, le fascicule à la main. Pendant toute l'escale un militaire en armes était posté à la coupée et contrôlait le fascicule de ceux qui allaient à terre. Il ne fallait pas plaisanter. Le Second avait sauté sur le quai pour lire les tirants d'eau, sans passer par le contrôle . Le factionnaire avait aussitôt réagi en armant son fusil et hurlant des sommations.
Une fois à terre on se promenait sans problèmes et on découvrait la pauvreté du paradis soviétique. Il y avait un magasin de souvenirs, avec des produits de belle quailté, mais on ne payait qu'en dollars, c'était réservé aux étrangers. Des Russes entraient et nous regardaient faire nos achats avec envie ou admiration. Par contre les magasins ordinaires offraient des produits minables et rares. Je me souviens d'un espèce de super marché aux rayons presque tous vides, à l'exception d'un tas de sandales en plastique, taille 44 et au dessus. Il y avait une telle pénurie que donner un crayon Bic était un cadeau apprécié ou un objet de troc.
Le "Foyer du marin" organisait une soirée dansante avec des étudiants en français et du champagne de Crimée et envoyait un car chercher ceux qui voulaient et pouvaient venir. Le même car était proposé pour une balade dans les environs, où il n'y avait rien à voir! Ma femme avait fait un voyage et nous avions diné au restaurant, expérience curieuse. Le lieu était luxueux, avec des colonnes de marbre, et deux musiciens jouant de la musique de chambre. La serveuse nous a présenté un menu mais nous a indiqué par geste le seul plat disponible, qui s'est révélé une sorte de ragoût de poulet très décevant.
Au départ les fromalités recommencaient et le bateau était fouillé de fond en comble. Une équipe était spécialisée dans la fouille de la salle des machines et le faisait avec zèle. Tout cela laissait un souvenir mitigé, gâché par la paranoïa soviétique.


En arrivant sur rade un beau matin j'aperçois le Roussillon, à la côte, le long de la voie de chemin de fer. Je m'écrie à la cantonade "Il est au sec ce bateau !" Réponse spontanée "Mais non c'est le Roussillon ! ". Sous-entendu, un bateau à nous ne put pas être échoué. Hélas si ! Le Roussillon était au mouillage en attente quand un brutal coup de vent s'est levé en pleine nuit. Très vite il a dérapé et s'est retrouvé echoué le long du ballast de chemin de fer qui longe la côte. Les Russes, y voyant une possible manœuvre d'espions occidentaux ont aussitôt installé un poste de surveillance militaire. Le Capitaine d'armement est venu de Paris, via Moscou, pour organiser le rapatriement des marins. La moitié environ ont été hébergés chez nous pour retour à Marseille, les autres sont rentrés par avion. Le débarquement s'est fait au moyen de la bouée culotte et du va-et-vient, les Russes avaient refusé qu'on aille en embarcation le long du bord, trop suspect. Le débarquement des bagages et de quelques matelas n'a pas été facile et ensuite les marins ont dû faire un ou deux kilomètres à pied sur le ballast pour rejoindre un bus. J'aime beaucoup ces voyages Marseille - Tuapse. Ce n'est pas ennuyeux à la passerelle.

On passe par les Bouches de Bonifacio, le détroit de Messine, la mer Egée, les Dardanelles et le Bosphore. Il y a du spectacle tous les jours. Le commandant aime la navigation et par exemple il m'apprend à mémoriser les alignements pour franchir les Bouches sans aller regarder la carte. En plus la durée du voyage est juste bien pour pouvoir faire venir ma femme.


1968 - L'embarquement suivant sera encore plus touristique, et dès le départ de la maison ! Au mois de mai c'était un bordel épouvantable et la SFTP a deployé de gros efforts d'imagination pour organiser la relève complète du Poitou à Venise le 22 mai. Il n'y avait pas de téléphone automatique et pour appeler en province il fallait passer par un opérateur au 16. Ils ont réussi à appeler deux ou trois personnes dans le Morbihan qui ont fait le relais, et de proche en proche touit le monde a été prévenu. Pour le transport ils avaient affrété un car de Daoulas qui a fait toute la tournée de Bretagne pour récupérer les embarquants. Comme j'étais le plus près j'ai embarqué le premier à 4 heures du matin sur le place de Lesneven. Un car minable sans aucun confort ! Nous avons passé ensuite par Kerlouan, la région de Paimpol, Dinard pour récupérer le Commandant, Rennes pour le Second Capitaine, enfin Nantes pour le Chef mécanicien. C'est lui qui avait l'argent liquide pour payer les frais de route et c'est seulement à la sortie de Nantes à 15 h que nous avons fait halte pour déjeuner, dans un bon restaurant. J'avais déjà onze heures de route dans les reins. Encore 350 km pour atteindre Vierzon, réussissant à faire le plein de gasoil en route, où nous avons passé la nuit. Le lendemain Vierzon - Milan, 800 km, avec étape repas à Chambéry. Nous arrivons de nuit et trouvons difficilement un hôtel avec assez de chambres. Nous sommes d'ailleurs obligés d'être deux par chambre et je partage celle du Second. Je partage même son lit, heureusement c'est un lit matrimonial italien de 2 m de large. C'est donc le troisième jour que nous arrivons au port Marghera, avec environ 2 000 kms dans les reins, où on nous attendait avec inquiétude.
Le Poitou fait depuis deux ans des rotations Venise - Tripoli (Liban) - Venise. Quatre jours de traversée, deux ou parfois trois jours à Porto Marghera. On passe à chaque fois devant la fameuse place St Marc et le magnifique palais des Doges. Les escales sont assez longues pour pouvoir aller de temps en temps visiter Venise. Ma femme fait un voyage et profite bien de la balade au mois d'août, quand la situation en France est redevenue normale et que les trains roulent.
C'est l'été et en général la mer est assez calme pour utiliser la piscine. Tous les 20 000 tonnes ont bricolé ce petit bassin fait de madriers et de bâches, solidement arrimé au passavant par des câbles d'acier. On le rempli avec la pompe incendie, mais la bâche n'est pas tout à fait étanche et le pont est souvent mouillé, ce qui ne plaît pas beaucoup au Second. Le pont principal n'est pas peint, mais passé au bitume, qui ne tient pas longtemps contre la rouille. Ma femme n'est pas la seule à en profiter. On voit que les vannes de cargaison sont peintes suivant un code de couleurs Blanc : collecteur longitudinal, Bleu : traverse , Rouge ou vert : citerne latérale bâbord ou tribord.

Ceci me mène au mois de septembre 1968 où je vais rejoindre l'ENMM du Havre pour le cours de Capitaine au Long Cours. L'année scolaire sera dure matériellement, mais c'est la dernière! En effet je n'ai pas eu le temps de faire beaucoup d'économies, pas assez pour tenir 9 mois. Un an avant j'avais acheté une grande caravane et ce sera notre logement. J'avais obtenu des CRS le droit de camper sur un terrain à eux juste à coté de l'école. Mais quand je me suis pointé un officier m'a dit "Désolé mais le directeur de votre école a dit de ne pas vous laisser vous installer, le camping est indigne d'un officier !!!!" J'ai donc essayé le terrain de camping de Sainte Adresse, une horreur avec de la boue partout, il fallait marcher sur des planches. Heureusement j'ai une cousine à Montivilliers qui a de la place dans son jardin. On y est bien mais cela me fait 10 km de trajet matin et soir. Bref, on s'en tire et je suis reçu sans difficultés à l'examen. Me voilà diplômé et breveté Capitaine au Long Cours le 12 juillet 1969, car j'ai déjà la navigation nécessaire. C'est une grande satisfaction, fini les études, en route vers le commandement, le but final. Mais je sais que la route sera longue. Le nombre de navires, donc de commandants, diminue chaque année, à la SFTP comme ailleurs. Après réflexion je crois qu'il vaut mieux rester dans la même compagnie où j'ai déjà quelques années d'anciennté et où je suis bien noté.


1969 - Saintonge - Mon premier embarquement à la sortie de l'école c'est ce superbe bateau tout neuf. Construit à Saint Nazaire, Il est entré en service au début de l'année. C'est vraiment une autre dimension et une autre génération. 115 000 tonnes de port en lourd, vannes télécommandées, performances à la hauteur des critères de l'époque. Revers de la médaille, une escale de déchargement dure 24 heures, pas plus. Avec son moteur B&W de 23 000 cv il est donné pour 16,5 nds. Les emménagements sont confortables et il n'est pas trop bruyant.

        
Incident de ballastage. Le Second fait son premier embarquement et s'est laissé surprendre. Au départ du Verdon Il a fait déborder une citerne au cours du ballastage et c'est une petite marée noire. Beaucoup de travail de nettoyage, avec de la sciure de bois et de l'étoupe.
A l'époque on ne s'embarrasse pas, tout cela passera par dessus bord.
Pendant les premiers mois d'exploitation le moteur a donné des soucis. On voit ici un changement de culasse effectué en mer. En bleu le Second mécanicien, en marron l'ingénieur de garantie. L'opération est lourde et prend toute la journée. L'équipage aura l'occasion de s'entraîner, plusieurs seront changées jusqu'à ce que le problème de graissage soit réglé.
Les voyages au Golfe Persique par le Cap donnent du temps pour organiser des loisirs. La plage arrière est immense et permet l'installation d'une piste de pétanque. Le sol est constitué de tapis de coco, cousus ensemble, qui sont mouillés pour donner un sol convenable. Ce loisir est très populaire.
La piscine elle aussi est grande et a été bien utilisée pour ce passage de la ligne en grande pompe. Le commandant est le monsieur en short blanc et chemisette bleue.
1970 - Béarn. Petit embarquement de moins d'un mois sur ce beau bateau. La vie au château est très agréable, sans bruit ni vibrations. Juste le temps de faire un voyage à Novorossisk, et de prendre un sérieux coup de torchon en Méditerranée au retour. Nous arrivons à Lavera avec une embarcation en moins, arrachée par un paquet de mer. Un mâtereau sur le gaillard est parti lui aussi avec un m2 de tôle. Pendant mon quart de nuit les paquets de mer arrivaient si vilolemment sur la passerelle que je craignais qu'un sabord explose. Mais le commandant n'osait pas prendre la décision de ralentir !