Caripito, chargement dans la jungle ! retour  
 

Caripito est une petite ville du Venezuela, sur le rio de San Juan, qui se jette dans le golfe de Paria. Il y a sur place une raffinerie, mais il faut quand même exporter une cargaison de temps à autre. Nous étions affrété "au voyage", avec une nouvelle charte-partie à chaque voyage. Des chartes types, toutes similaires, et qui toutes excluaient Caripito de la zone de chargement. Je fus donc très étonné quand je reçus mes ordres "Chargement à Caripito". Puis on me donna les caractéristiques du poste de chargement, indiquant longueur maximum du navire 220 m (de mémoire). Je répondis aussitôt que ce n'était donc pas possible puisque le SULBY en mesurait 237. Réponse : correction, longueur max 240 m. Compris, si j'avais dit 245, on m'aurait annoncé 250. Je signale quand même au service commercial que c'est aventureux et que je ferai une lettre de réserve. Le taux de fret devait être juteux puisque personne ne voulait y aller.

   

On se présente donc un bon matin à l'embouchure du rio pour embarquer le pilote, et on embouque. La rivière est étroite, deux à trois cent mètres de large, bordée par une forêt dense. A un moment j'aperçois un grand arbre garni de magnifiques fleurs, rouge coquelicot, et je le montre au pilote. Il rigole et me dit "Yes, nice flowers" puis il donne un long coup de sifflet et toutes les fleurs s'envolent, de superbes oiseaux rouge vif, de la taille d'un canard. Il n'y a aucun balisage, on tient le milieu de la rivière et il n'y a pas de problème.

Le poste de chargement est à un endroit étroit, moins que la longueur du bateau. Il faut monter un peu plus en amont pour trouver un endroit assez large pour éviter. A peine assez large et il faut "beacher", piquer l'étrave dans la berge, et utiliser la machine et le gouvernail pour pivoter.

Photo empruntée à Internet

Le courant de flot aide la manœuvre et il faut finir avant qu'il s'inverse, ce qui ferait rater l'évitage. Le pilote, impressionné par la taille du bateau, avait fait un peu fort. L'étrave était bien plantée, la gaillard parmi les arbres, et nous avons eu un peu de mal à nous dégager. Il a fallu que je donne des grands coups de barre touut à gauche, puis toute à droite, pour élargir la souille et nous libérer. Du coup nous en étions presque à la renverse en nous présentant au poste, et l'amarrage était acrobatique. Les amarres étaient envoyées à la touline, pas d'embarcations. L'appareillage a été un peu sportif lui aussi. Là encore il fallait appareiller avec du courant de flot, et la renverse s'est produite avant que la dernière amarre soit larguée. On s'écartait du wharf, et il a fallu filer toute l'aussière pour que les lamaneurs réussissent à décapeler juste à temps..
Nous avons descendu la rivière à la tombée de la nuit, mais j'ai refusé de continuer dans le noir, sans aucun balisage et décidé de mouiller pour la nuit. Bien m'en a pris ! Le chef mécanicien en a profité pour examiner les prises d'eau et m'a ensuite informé qu'on ne serait pas allé beaucoup plus loin sans black-out, tant elles étaient encombrées de vase et de débris végétaux.