L'accident du ferry Napoleon Bonaparte à Marseille, Oct 2012.
(Emmanuel Bonici)

Le ferry Napoléon Bonaparte, fleuron de la SNCM, était en hivernage amarré au poste 116 de la digue du large à Marseille. Ses machines étaient à l'arrêt et l'énergie pour faire fonctionner ses divers systèmes indispensables lui était fournie par une alimentation électrique venant du quai. Un gardien était en permanence sur le quai pour assurer sa surveillance, ainsi qu'un officier sécurité à bord.

Caractéristiques principales :
  IMO 9104835
  Dimensions 172,00 x 30,40 x 9,30 m
  Tirant d'eau 6,60 m
  Jauge brute / nette 44 307 / 29 330 ums
  Port en lourd 3 538 tonnes
  Capacité 2462 pax, 708 voitures,
  Motorisation 4 Pielstick 18PC2-6BV-400
  Propulsion 2 hélices à pas variable
  Puissance max / vitesse 43 092 kW / 23,8 nds
  Construit 1996 par les Chantiers de l'Atlantique
Dans la nuit du 27 au 28 Octobre 2012, le vent monte progressivement en puissance, dans la direction la plus défavorable. Le nez du navire est tourné vers le nord et le vent frappe de deux quarts sur bâbord. L' amarrage est conséquent, huit aussières à l'avant plus la chaîne d'ancre frappée sur un bollard. Le NB comme tous les ferries offre une prise au vent énorme. Pour parer à toute éventualité l'officier sécurité appelle en urgence plusieurs membres d'équipage, le vent continue de monter. Vers 1h30 il souffle à près de 80 nœuds en rafales et les amarres commencent à casser, entre temps l'équipage arrivé sur place démarre un premier groupe électrogène mais les aussières cassent les unes après les autres et l'équipage de sécurité présent à bord n'a plus le temps de démarrer les autres groupes ou les moteurs de propulsion qui sont froids.

Un premier remorqueur disponible arrive mais le NB dérive très vite et avec un seul propulseur d'étrave et un remorqueur il n'est pas possible de contrer la phénoménale puissance du vent qui souffle en tempête. En quelques minutes le NB traverse le bassin de Pinède et va alors frapper l'arrête du quai opposé juste à côté du pont basculant  Pinède distant de seulement 230 mètres.
 
 
Le choc sur le côté tribord provoque une déchirure sur son flanc tribord, ce qui occasionne une importante voie d'eau, qui par malchance est à cheval sur deux compartiments étanches: la salle des machines (4 moteurs Pielstick) et la salle des groupes électrogènes (5 groupes avec moteurs Wartsila).

Au petit jour le vent souffle toujours très fort et le navire prend de la gite sur tribord, les Mistral 8, Mistral 9, Marseillais 6 et Chambon Alizé vont tout faire pour repousser le NB vers le quai du poste 40, le combat durera jusqu'en milieu de journée du 28 où enfin le navire est contre le quai, sa gîte s'accentue au point de devenir inquiétante, elle atteindra 19,5° soit très proche du point de basculement du navire qui est aux alentours de 23/24°, de plus le NB s'enfonce doucement par l'arrière. En fin de matinée le Chambon Alizé se dégage et seuls les remorqueurs portuaires restent en place.
Entre temps tous les moyens de secours se sont mis en place et un poste de commandement est opérationnel sur le quai.
Une coupée est installée par une grue permettant ainsi aux secours d'accéder à bord, un amarrage est fait tandis que le navire s'enfonce de plus en plus par l'arrière, à 13h00 le poste de manœuvre arrière tribord est au niveau du quai, à 15h il est au niveau de l'eau.
Au matin du 29 le navire est en appui sur le fond et sa gîte a pratiquement disparu, l'avant flotte normalement, les postes de manœuvre arrière sont maintenant submergés et le navire stable.
Dans les jours qui suivent des plongeurs vont colmater la brèche en soudant une plaque de métal d'environ 6x3 mètres, puis des investigations seront menées afin d'évaluer la situation. Pendant plusieurs semaines la SNCM s'efforcera avec l'aide d'ingénieurs navals des chantiers STX et DCNS de trouver la solution pour déséchouer le NB .
     Début décembre la société SVITZER qui a remporté l'appel d'offre pour le déséchouement, commence le pompage, celui-ci se fait très progressivement  en fonction des conditions météo. Le vent est redouté et le pompage devra être interrompu plusieurs fois (les mouvements du navire provoqués par le vent peuvent engendrer un phénomène de carène liquide, phénomène pouvant entraîner le basculement du navire sur un côté.)
Le 12 décembre le NB est remonté d'environ 3 mètres, le 22 le navire a retrouvé son horizontalité mais garde une gite sur tribord.
Les opérations de rinçage à l'eau douce et produit gras des compartiments noyés commencent avec une attention particulière pour la machine et tous les organes sensibles.

Début janvier 2013 le NB est prêt pour son transfert en cale sèche, reste à attendre une fenêtre météo, prévue initialement le 7 janvier l'opération s'effectue finalement le 9. Sous une météo radieuse le 9 janvier, les Mistral 8 et 9 se capellent au NB, la coupée est retirée, aux commandes du NB le commandant JP Brun assisté par un pilote lui même accompagné par un apprenti pilote.
A 9h10 le top départ est donné, les M8 et M9 tirent tout en douceur le navire qui s'éloigne du quai, son ancre tribord mouillée est remontée dès que le navire a pris un peu de distance. Le NB évite par babord puis tracté par le Mistral 9, il entame le trajet qui va le mener jusqu'à la forme 8 distante de 3 km à vol d'oiseau et 4,5 km de navigation.

 

A 9h50 le convoi passe devant le cap Janet puis à 10h20 contourne le môle croisière et à 10h50 le NB passe le seuil de la forme 8. Le Mistral 9 qui est en pointe rentre dans la forme avec le NB puis le navire est collé par bâbord contre le quai laissant ainsi suffisamment de place pour que le M9 puisse ressortir. Dès le départ des remorqueurs, la pilotine P105 récupère les pilotes. Les lamaneurs et les accoreurs mettent en place les aussières qui vont servir au centrage du navire dans la forme

A 12h10, le bateau-porte est mis en position et le pompage commence, pendant la descente du niveau d'eau un plongeur surveille l'alignement du navire à l'arrière, tandis que l'avant est centré à l'aide d'une lunette de visée mis en oeuvre par le chef de manoeuvre de l'accorage, l'ensemble des intervenants, bord, plongeurs, accoreurs étant relié par radio.
A 18h30 alors que la nuit est tombée, le NB se pose sur sa ligne de tins et à 19h30 la forme est totalement vide.
Petit détail technique: les hélices ne sont pas tout à fait dans l'axe des safrans, comme c'est en général le cas.
  Très belle opération de transfert et d'échouement qui n'a laissé aucune place à l'improvisation.  

Le vendredi 11 janvier en début d'après midi j'ai pu rencontrer le Cdt JP Brun qui m'a gentiment donné des précisions sur la suite des opérations,
mais aussi sur quelques imprécisions sur le déroulement des événements.
Le NB est en cale sèche jusqu'au 24 janvier, dans un premier temps sa coque va être réparée, ce qui va nécessiter environ 7 tonnes d'acier.
Puis les opérations de contrôles des lignes d'arbres et hélices, mais le plus important est de voir si la structure même du navire n'a pas subi de déformation.
Pour cela les spécialistes du chantiers STX St Nazaire (où d'ailleurs le NB a été construit ) vont utiliser une modélisation 3D grâce a une batterie de capteurs
placés sur la coque et comparer ces mesures avec celles faites lors de la construction, une méthode de haute technologie.

Ensuite le 24 janvier le NB ressortira de la forme pour être mis en attente, certainement en forme 10, un appel d'offre international sera lancé pour sa remise en état
si aucun défaut majeur n'est constaté. Pour l'heure les premiers éléments sont encourageants, l'appui par l'arrière du navire s'étant fait sur une épaisse couche
de vase cela a semble-t-il permis de limiter les dégâts. Mais reste encore à confirmer cela par les mesures qu'effectuera le chantier STX.


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