Mise à l'eau de l'hydrolienne à Ouessant, juin 2015
(Erwan Guéguéniat)

Erwan nous a montré le chargement de l'hydrolienne à Brest, il nous raconte la suite :

Le 25 juin départ 15 heures 30, puis 1 heure 15 de route à 20 nœuds à bord de la pilotine, vers le PALEMBANG, et les trois remorqueurs.
A l'origine, seuls deux remorqueurs puissants étaient prévus, c'est pourquoi les remorqueurs brestois n'avaient pas été retenus, pas assez de traction. Mais le passage du Fromveur a vite fait déchanter les esprits les plus optimistes. Les opérations du mercredi ont fait comprendre aux acteurs que deux remorqueurs seraient insuffisants. En particulier, le Palembang, qui devait tenir avec deux ancres, en a rapidement plié une. Un ou deux remorqueurs à l'avant étaient donc impérativement nécessaires. Et pourtant le temps était idéal, pas de vent, pas de houle, coefficient 40. Dès 6 heures jeudi, un pilote embarquait sur le Palembang, et le Saint Denis rejoignait le théâtre des opérations. Quand nous sommes arrivés, c’était l'étale et on s’apprêtait à finir de descendre l'engin au fond. L'hydrolienne était déjà immergée, mais à son poste d'attente.
Je dois donner quelques explications sur la technique de mise à l'eau. Mais je n'ai eu aucun détail technique, aussi mes explications se font d'après mes observations et déductions .
Si la série des Jumbo Jubilee peut poser des engins jusqu'à 3 000 mètres de fond, ça ne semble pas être le cas du Palembang qui ne dispose pas de suffisamment de longueur de câble sur les bobines. Pour descendre l'engin à 55 mètres, il a fallu concevoir un dispositif ingénieux, afin de ne pas "mouiller les crocs". Vous pouvez le voir sur le schéma et les photos ci dessus .
 
 
Deux grosses platines ont été disposées le long du bord. Ces platines comportent une encoche, dans laquelle vient se poser un taquet coinceur. Lors de la première phase, l'hydrolienne a été tout juste immergée sous la quille, sans que les crocs principaux des grues ne touchent l'eau. Ainsi pas de souci de corrosion sur les câbles de grues. Ensuite, on a largué les crocs principaux, le colis restant suspendu aux platines, grâce aux taquets coinceurs. Puis on a rajouté des élingues supplémentaires, au maximum de mâtage des grues. Ensuite même opération, raccordement des élingues, et descente de plusieurs tronçons d'élingues, puis rebloquage avec taquet coinceur. Et ceci jusqu'à l'arrivée à proximité du fond. Quelques jours après j'ai retrouvé le Palembang à Saint Nazaire, il avait remonté sur le pont une des platines, que vous pouvez voir sur la photo de gauche.
Une fois le colis au fond, le ROV est allé contrôler sa bonne position. Cette dernière était parfaite. Du beau travail !
 
       
       
Un grosse frayeur au moment du largage, car le vérin d'une des trois manilles hydrauliques n'a pas voulu fonctionner. Ça aurait pu être une catastrophe, mais les ingénieurs avaient prévu cette possibilité. Entre les manilles hydrauliques et les manilles "simples" reliées aux élingues de levage, avaient été disposées des élingues textiles. Aussi, au bout de plusieurs tentatives infructueuses de manœuvre du vérin, une intervention par le ROV a été décidée. Aussitôt dit aussitôt fait, le ROV a été descendu avec de gros "ciseaux", et en quelques minutes le problème a été réglé.
Le courant était assez fort, et les remorqueurs, malgré le faible coefficient, donnaient parfois presque pleine puissance pour tenir une position au mètre près. Une idée du courant en regardant la photo du bulbe du Palembang. Le Saint Denis était gêné non seulement par le courant "naturel", mais aussi par celui créé par le VB Gascogne. On remarque les remous d'une des hélices du Saint Denis, pris depuis la coursive. Remous perpendiculaires à la traction car en plus de tirer sur le Palembang il fallait aussi tenir une position perpendiculaire au courant. Aussi un des propulseurs tirait sur le Palembang, l'autre assurait la position du remorqueur.
               
                
La suite des opérations sur la remontée du câble immergé les semaines précédentes, afin de procéder au raccordement . Le courant de jusant devenait de plus en plus fort, et une fois de plus c'est le Fromveur qui a eu raison des prévisions, à un moment il a fallu se résigner à interrompre momentanément les opérations, avant que toutes les vérifications et tests de communication ne soient menées. Maintenir une position au mètre près devenait difficile. Nous avons donc aidé le Palembang à culer d'une longueur de navire pour bien étaler le câble au fond.
A gauche on voit l'ancre du Palembang, dont une patte a plié.
Début du virage des ancres, on remarque, comme je le précisais plus haut, celle de bâbord qui est bien abîmée, voir définitivement HS. Puis route dans l'est du Fromveur, la position d'attente qu'on a pu remarquer sur Marine Traffic. Occasion de faire quelques plans des Croisic et VB Gascogne, au soleil couchant...Et de déguster un excellent repas préparé par LE Ouessantin du bord .
L'étale de basse mer approchant, retour vers le site, alors qu'il faisait déjà presque nuit. Passage de la remorque, larguée durant la route vers la zone d'attente.
Le matelot du cargo a dû s'y prendre à plusieurs fois, car le vent apparent créé par la vitesse déviait la pomme de touline. Toujours impressionnantes ces étraves lancées à quelques mètres des remorqueurs.
En suite le câble a été remonté pour vérification des connexions Et à 2 heures du matin j'ai profité du débarquement du pilote pour rentrer à Brest. J'étais invité à dormir à bord du Saint Denis, mais le retour le lendemain était incertain, dans ce genre d'opération on ne sait jamais quand on rentre. La fin des opérations "mer" a eu lieu vendredi après midi, les VB Gascogne et Croisic ont fait une petite escale brestoise avant de faire route vers leurs ports respectifs. Le Palembang est descendu à Saint Nazaire pour un nouveau contrat.
En tout cas je remercie Boluda Brest pour son invitation et son accueil à bord, et le pilotage pour le "taxi" Il faut espérer que cette hydrolienne donne satisfaction, car le succès peut être une très bonne chose pour notre région. Et puis Sabella est une entreprise quimpéroise ! Cette opération était très risquée et comportait pas mal d'inconnues. C'est pourtant un grand succès, aller poser des engins pareils dans le Fromveur rappelle les difficultés d'érection des phares dans ce coin. En tout cas elle permettra d'affiner les méthodes pour les prochaines poses. De plus, la Sabella D10 parait être un engin basique (à première vue, car à l'intérieur c'est pointu!), donc costaud.

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