L'exportation de pommes de terre par le port de Brest.
(Erwan Guéguéniat)

A Brest les pommes de terre sont gérées par deux grosses sociétés, qui sont Germicopa, basée à Quimper et Gopex, basée à Brest, sur les quais. Il existe aussi des groupements de producteurs, comme par exemple GIE Elorn Plants, qui a chargé les ESER et ARTOVA. Il s'agit essentiellement de pommes de terre de semence. La culture de la pomme de terre est une science, et des variétés sont créées pour chaque pays de destination, selon la résistance aux climats, aux maladies et parasites locaux, aux goûts des consommateurs. Le service recherche et développement de Germicopa est basé à Châteauneuf du Faou, depuis 1947. Le bon rendement, la bonne conservation, la période de récolte (primeur ou pas) sont aussi des éléments déterminants. Ainsi par exemple Germicopa produit et exporte la variété Atlas, adaptée à l'Afrique du Nord, au Moyen Orient, aux zones tropicales. La Sahel est, elle, adaptée aux zones tropicales et à l'Europe de Sud. L'Amany, elle, est adaptée à l'Europe du nord, avec une "bonne aptitude à la frite ménagère". Germicopa produit ainsi 40 variétés. Certaines variétés sont brevetées, d'autres tombent dans le domaine public.
Germicopa est le leader français de la pomme de terre, en Bretagne elle travaille avec 120 producteurs sur 1 800 hectares, et dans le nord de la France avec 850 hectares et 60 producteurs. En tout 80 000 tonnes sont récoltées chaque année, dont 40 000 pour la consommation française. L’exportation est à destination de l'Afrique Noire (Mali, Niger, Burkina Faso, Sénégal) pour 4 000 tonnes, de l'Afrique du Nord (Algérie, Tunisie, Maroc, Libye, Égypte, pour environ 10 000 tonnes, de l'Amérique du Sud (Cuba, Uruguay, Nicaragua, Brésil) pour 3 500 tonnes, du Proche Orient (Israël, Irak, Syrie, Koweït) pour environ 3 500 tonnes, et de diverses destinations lointaines comme le Bangladesh, le Pakistan, le Sri Lanka, l'Angola, le Mozambique pour 1 500 tonnes. Le reliquat des 40 000 tonnes est à destination de l'Europe.

Sur le FRIO MOGAMI, Gopex chargeait de la Spunta.

FRIO MOGAMI (Panama)

IMO 9184548 - 135,00 x 20,60 x 10,20 - TE 7,52 - JB 7 367 - TPL 8 077
Mâts de charge 8x5t - P. 9 600 kW (Mitsubishi 8UEC45LA ) - V. 18 nds
Constr. 1999 par Kyokuyo Shipbuilding and Iron WorksShimonoseki (Japon)
Gérant/Opér.  Baltmed Reefer Services (Grèce) - Pav. PAN 
Ex MOGAMI REEFER (1999-2012)

Germicopa affrète de 3 à 6 navires par an pour charger à Brest à destination de la Tunisie, de l’Algérie et de Cuba. Toutes les autres destinations sont desservies par conteneurs de 40 pieds, qui sont embarqués à Brest, à Montoir et aux Pays Bas à Beverwijk, qui est le "port pommes de terre de la Hollande". Les Pays Bas sont le premier producteur européen, nous ne sommes en Bretagne que troisième ou quatrième. A Beverwijk, durant la saison des pommes de terre, il y a en permanence au moins deux navires à charger. La chaine de transport des lieux de production et de stockage en Bretagne vers Brest est aussi soigneusement sélectionnée, pour Germicopa c'est le transporteur routier Pelleau qui assure le transit.
Gopex, qui travaille avec 80 producteurs établis à 95% en Bretagne (les 5% restants sont dans le Pas de Calais et la Somme), gère 25 000 tonnes à l'année, pour 95 % à l'exportation, principalement Moyen Orient et Maghreb.
Le calendrier annuel de travail de sociétés comme Germicopa ou Gopex est très organisé : de mars à août la plantation, la culture et la récolte, puis de septembre à janvier le conditionnement et l'exportation. Ça c'est pour la pratique. Mais dans les bureaux et laboratoires ça ne chôme pas non plus : de mars à juillet des visites dans les pays importateurs, la prospection de nouveaux clients, la réception de clients. Puis en été des négociations. Enfin, d'octobre à janvier les prises de commandes et les ventes. Bien entendu, dans ce genre d'activité, le département recherche et développement a une importance capitale, pour créer de nouvelles variétés en accord avec les exigences des clients. Par ailleurs, le succès d'une saison dépend avant tout de la météo chez nous et chez les voisins. Une mauvaise météo au Pays Bas, engendrant une mauvaise récolte, peut être bénéfique pour nous si nous avons eu de meilleures conditions climatiques. Nos concurrents hollandais, leaders sur le marché, peuvent vendre moins cher, nous devons donc faire la différence sur la qualité. Enfin, les contextes géopolitiques, la stabilité des pays et des régions sont aussi primordiales. Ainsi par exemple le chaos en Libye, la guerre en Syrie, et tout récemment les violences radicales au Niger ont aussi de fortes répercutions sur l'économie de notre région.
Au niveau du transport maritime, il est préférable d'affréter des cargos frigorifiques, avec les cales réglées à +5°C. Mais on peut aussi utiliser des cargos non réfrigérés. Il faut toutefois, dans ce cas, que le voyage soit court, et qu'arrivé au port de destination le temps d'attente sur rade ne soit pas trop long. Bien entendu les chargements et déchargements ne doivent pas s’effectuer sous la pluie.
Un autre gros souci est de trouver des navires adaptés, à Brest les navires vraiment adaptés sont des cargos frigorifiques classiques de 2 000 à 3 000 TPL. Malheureusement, ces navires sont de moins en moins courants, beaucoup sont partis à la casse. Par ailleurs, ces cargos sont souvent anciens, ils risquent donc d'être immobilisés lors de contrôles. Monsieur Plougoulm, en charge des affrètements pour Germicopa, choisit donc avec soin les navires qu'il envisage de prendre, et fait une pré-sélection avec MarineTraffic : quand on lui propose un bateau, il va sur ce site essayer de voir son aspect extérieur. Equasis lui est aussi une aide précieuse dans le choix d'un navire.
Ainsi, il a fait un bon choix avec le FRIO MOGAMI et l'ATLANTIC. Sur le FRIO MOGAMI, j'ai eu beau chercher je n'ai pas trouvé une endroit sale, pas plus qu'une trace de rouille. Vraiment un navire parfait. Avec l'ATLANTIC aussi les pommes de terre ont voyagé en première classe.
Parfois les exportateurs s'associent pour affréter et charger un bateau, ce fut le cas pour le FRIO MOGAMI, avec 2 cales pour Gopex et une cale pour Germicopa.
A Brest on peut charger, en shifts à la journée, environ 1 300 tonnes par jour. Les pommes de terre sont stockées dans le "Hangar pommes de terre", c'est son nom. Il a failli être démoli, heureusement ce bâtiment a été sauvé. La pression immobilière est forte, et de nombreux promoteurs ont des projets "bord à quai", pour de luxueux immeubles de bureaux. Beaucoup de promoteurs sont attirés par des endroits les pieds dans l'eau, et pour eux un cargo devant leurs immeubles ça fait sale et ça apporte des nuisances. Bref il faut construire sur les ports, mais en chassant les bateaux et les marins.
L'ATLANTIC est un "Trader 18", d'après le site de l'armateur son design a été primé en 2007. "18" pour 18 nœuds, en effet, pour un cargo classique de cette taille, une vitesse de 18 nœuds est peu courante, en général la norme est de 12 nœuds. A priori ce gain de 6 nœuds se fait sans explosion de la consommation de combustible..

Atlantic
Le COPPENAME est un habitué de ce trafic, nous le voyons chaque année. Il est venu le 10 décembre 2014.

Coppename
Suite des expéditions de pommes de terre de novembre, Germicopa a chargé 2 368 tonnes de semence sur le WIND FORRADER, à destination de Skikda en Algérie. Certes un beau navire, les navires construits au Japon sont d'excellente qualité, mais qui a de la bouteille. Mais c'était le seul disponible à ce moment là. Le choix des navires est encore plus restreint par le fait qu'il doivent être équipés de leur propres moyens de manutention, les ports desservis en étant parfois démunis. Il était déjà venu chez nous en 2007. Il s'appelait alors BEAUTY SONG. En tout cas entre 2007 et 2014, le navire a pris un petit coup de vieux. Ça commence à sentir les chalumeaux.

WIND FORRADER  (Charlestown)

IMO 8223452 - 107,16 x 17,10 x 9,65 - TE 6,60 - JB 4 128 - TPL 5 018
3 cales, 6 cornes de 5 t - P 5 869 kW (Mitsubishi 7UEC'(HA) - V 16,7 nds
Constr. 1983 par Kishimoto Zosen (Japon) - Gérant/Opér Atlantrybflot (Russie) - Pav. SKN
Ex BEAUTY SONG (2002-2011), ex SMARA III (1996-2002), ex BOSCO POLAR (1994-1996), ex REEFER BADGER
On remarque les "yokohama" sur le pont du reefer, c'est un Klondyker, c'est à dire un transporteur de poisson qui charge sur les lieux de pêche ou dans les rades abritées, comme à Luanda par exemple. Voir en bas de page. Au début du chargement le navire était sur le cul, et le bas de l'étrave, qui déjaugeait, était bien aplati, il a du taper dans un quai. Comme par hasard des gendarmes maritimes se promenaient par là en zodiac, et je les ai vu faire de grands gestes en même temps qu'il parlaient dans leurs téléphones portables. Ça n'a pas loupé, le lendemain des plongeurs de la gendarmerie ont inspecté l'étrave. Heureusement le navire n'a pas été bloqué. Il est vrai que ce n'est pas parce qu'une étrave est légèrement cabossée qu'il faut paniquer.
On remarque aussi le groupe électrogène sur le pont, signe qu'un des groupes de la machine est totalement indisponible.
Pas mal de monde au 5ème bassin le matin de son arrivée, avec le PIERRE DE FERMAT en présentation à la presse et aux clients, le BOURBON GANNET, qui attendait le sismique OCEANIC PHOENIX en arrêt technique chez Damen, et le THALIA de Genavir. Sur cette étrave typiquement japonaise, on remarque les outrages du temps et de la navigation dans des mers difficiles, et peut être aussi dans la glace.
 

Dernières expéditions de l'année, avec les ESER et ARTOVA . Quelque chose saute immédiatement aux yeux, ce sont les nombreux points communs aux deux navires, en quelque sorte le "coup de patte" d'un chantier. Bingo, tous les deux sortent du chantier allemand Cassens Werft à Emden. Le ESER date de 1984, et le ARTOVA en 1987. Les deux navires chargeaient pour Mostaganem, le ESER a embarqué 1 434 tonnes, et le ARTOVA 1 269 tonnes. Leurs ports en lourds respectifs, 3 800 tonnes et 3 945 tonnes auraient permis de tout charger sur un seul navire. Pourquoi ça ne s'est pas fait? Je l'ignore. Peut être un client différent, puisque les deux navires étaient affrétés par le même groupement de producteurs. Mais il y a peut être d’autres explications, comme le volume du chargement en palettes. Ou bien encore le fait que ces navires ne sont pas réfrigérés, une bonne circulation d'air est nécessaire, chose impossible si le navire est chargé à bloc. Yvon Perchoc pense que la raison de la non-utilisation des ports en lourd vient du fait que les pommes de terre sont fragiles et ne peuvent être empilées sur des hauteurs trop importantes. Donc pour ces cargos classiques : seulement une couche de 2 palettes superposées en fond de cale et une autre couche sur le faux pont. D'où l'intérêt des cargos réfrigérés qui sont dotés de 2 ou 3 faux-ponts.

 
Le ESER a chargé en premier, l'ARTOVA a attendu 2 jours. Ce dernier a failli être retardé à cause de la pluie qui a gêné le chargement. Mais il a appareillé le 24 en fin d'après midi.

Photos à Luanda de Yannick Quéméneur. Avec justement le WIND FORRADER attendant un chargement de poisson, le INESA en chargement à couple du DAE SUNG 2, Également le BLUE ICE, qui n'est autre que l'ancien STER LAER de la COBRECAF. Enfin, le NOVA ZEELANDIA, sister ship d'un navire que les brestois ont bien connu, je veux parler du MATTERHORN, bloqué pendant des années avant de partir à la casse à Bassens.

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