Le Coat Coal.... il y a 115 ans   sommaire

Au 19 de la rue Le Sage, à Lorient, vêtue de noir, Mme Texier vaque à ses occupations.
La jeune veuve a pris le deuil il y a quelques jours. Malgré le chagrin et la douleur qui l'accablent, il faut s'occuper des enfants et de la maisonnée.
Le temps est exécrable et il vente comme lors de cette maudite journée où son époux a disparu en mer. Au siège de la Société des Bois et Charbons François Le Brise, sise sur le port de Lorient, l'activité va bon train. L'armement de navires nécessite un travail incessant, pour le maintien de la flotte et la recherche de frets. Aussi lorsqu'un télégramme adressé à Boicharbons-Lorient tombe, il est immédiatement exploité. Mais là, surprise ! Il a été émis depuis l'Italie, exactement de Savone. Ni LE SCORFF, ni l'ABERTAY, les cargos de la compagnie, ne naviguent en Méditerranée. A la lecture de la signature, le secrétaire pâlit : ' Texier' ! Il doit la relire plusieurs fois 'Texier'.
Laurent Texier, le second capitaine de leur navire COAT COAL, disparu corps et biens avec tout son équipage, il y a maintenant une douzaine de jours en Manche !

«Navire sombré 16 septembre. Crois être seul sauvé. Recueilli par vapeur norvégien Hornelen. -- Texier.»


Le COAT COAL dans le Bassin du Commerce, à Lorient

Après la stupéfaction, vient l'émotion de recevoir des nouvelles d'un équipage que l'on pensait disparu avec son navire.
Sans perdre de temps, le père du marin est contacté. Il lui revient de prévenir sa belle-fille de la nouvelle inespérée. On imagine l'émotion de la jeune femme !
Laurent Texier sera de retour à Lorient le 03 octobre. Son épouse et ses enfants ont déjà rejoint l'île d'Arz où résident les parents du marin. Son arrivée sera encore une surprise puisque la tempête a interrompu les liaisons télégraphiques. Mais il peut enfin étreindre ceux qu'il aime. Laurent Texier racontera alors la fortune de mer du COAT COAL.
Le cargo part de Lorient le 15 septembre 1906, avec un chargement de poteaux de mine à destination de Newport, près de Bristol. Une traversée de 360 milles. A 17h00, le navire est signalé à son armateur en face de Bossen. Après avoir effectué le quart de 20h00 à minuit, Laurent Texier est réveillé à 02h20 par des bruits anormaux. Une voie d'eau s'est manifestement déclarée, occasionnant une gîte puis l'extinction de la chaudière. A peine l'équipage alerté, le navire chavire dans la mer formée.
Neuf des 12 membres d'équipage parviennent à se cramponner aux nombreux poteaux qui flottent. Cependant, au lever du jour, Laurent Texier est seul, agrippé à une échelle en bois. Son calvaire va durer 33 heures durant lesquelles plusieurs navires passeront sans le voir.
Le 17, vers midi, un vapeur l'aperçoit et le recueille. Il était temps. C'est le cargo norvégien HORNELEN (1906/3766gt) dont la destination est le port italien de Savone, près de Gênes, soit à 1800 milles.
Au même moment, le voilier-hôpital SAINT-FRANCOIS D'ASSISE, qui rentre des Grands-Bancs vers Saint-Malo, rencontre à 15 milles au large de l'île Vierge, le canot du COAT COAL qui n'avait pu être mis à la mer.

Le COAT COAL était un petit navire de 50 m de longueur pour 520 tx de jauge brute. Livré en mai 1898 par les Chantiers Claparède Frères, à Argenteuil, pour l'armateur lorientais François Le Brise, il était affecté au trafic du charbon. A l'aller, il charge des poteaux de mine en bois à Lorient qu'il dépose dans un port du Pays de Galles, d'où il revient, chargé du précieux charbon.

En mai 1906, il avait été endommagé lors d'une collision dans le Canal de Bristol avec un navire anglais, qui ne fût pas identifié.

 

Ont disparu dans le naufrage :

Capitaine: François LANIEL Chef Méca: Adolphe NICOLAS Mécanicien: Fernand CARADES
Maître: Joachim LUBERNE Matelot: Jean MADEC Matelot: Joseph MORVAN
Matelot: Louis KERDAL Chauffeur: Louis PORTANGUEN Chauffeur: François CORUN
Novice: Pierre LE GUENNEC Mousse: Joseph LANIEL, 13 ans (*)  

(*) Frère du Capitaine. Leur père avait disparu en mer en novembre 1897, avec le brick PHILOSOPHE (1877/227) qu'il commandait
Le chauffeur Emile LEGER avait débarqué le 14 septembre.

D'après les journaux "La Dépêche de Brest" et "L'Ouest Eclair", et les remarques de MM. Voss et Demoment