Le roulier SIMON STEVIN à Brest, septembre 2013

L'armateur définit ce navire comme un "fall pipe rockdumping vessel". Comment dire en français, "navire déposant des pierres par un tuyau de chute" ? Le travail du Simon Stevin est de déposer avec précision des cailloux au fond de la mer pour recouvrir un tuyau ou un câble. Dans cette catégorie il est, avec son sister-ship Joseph Plateau, le plus gros du monde, et compte parmi les rares navires à pouvoir opérer jusqu'à 2 000 mètres de fond. Il a été construit en 2010 à Sestao, par le chantier espagnol Construcciones Navales Del Norte, pour la société luxembourgeoise Jan De Nul Group. Il porte le nom d'un mathématicien et ingénieur flamand du 17ème siècle. Parmi ses nombreuses activités Jan De Nul Group pratique l'enrochement avec huit navires de différents types. Les deux plus gros utilisent cette méthode par tuyaux verticaux.

Caractéristiques principales
IMO 9464807
Dimensions 191,50 x 40,04 x 13,20 m
Tirant d'eau été 9,25 m
Jauge brute / nette 35 034 / 10 510
Port en lourd 35 815 t
Capacité cargaison 31 500 t
Motorisation diesel élect. 5 moteurs MAN 9L 32/40
Puissance / vitesse 22 500 kW /14,5 nds chargé
Construction 2010 Cons. Navales del Norte (Espagne)
Pavillon Luxembourg
   
En septembre, de retour d'une mission au Mexique, le navire a fait escale à Brest pour effectuer une réparation. Il a été échoué dans la forme n° 3 et a confié au chantier brestois le soin de changer un propulseur Schottel . L'armateur m'a autorisé à visiter ce superbe navire et je vous rend compte ici de la visite.

J'ai commencé par admirer le sujet de l'extérieur en faisant le tour dans le bassin. On est surpris par les proportions, un vraquier de cette largeur ferait plus de 20 m de creux, lui n'en fait que 13. La passerelle est très large, et déborde de deux mètres de chaque coté. La plate-forme pour hélicoptère par contre est courante sur les navires travaillant à l'off-shore.

  Un bloc regroupe échappements et ventilation juste derrière la passerelle, la rangée de tuyaux noirs suprend. Au milieu du navire un grand rack, surmonté d'un pont roulant stocke les tuyaux qui servent à déverser les cailloux.

Une fois montré patte blanche à la coupée je suis monté à la passerelle pour rencontrer le commandant. En entrant je suis resté pantois devant la splendeur du local. On m'a tout de suite stoppé et demandé d'enlever mes chaussures, ce que j'ai approuvé en voyant le sol ciré impeccable. Jamais je n'avais vu une telle passerrelle, une salle de bal ! Environ 500 mètres carrés, des grands sabords tout autour, des sièges rouges confortables... Tout est très fonctionnel mais l'esthétique n'a pas été oublié dans la disposition des différents pupitres et postes de travail. Au centre un escalier donne accès aux locaux d'habitation.

        
   
Tout à l'avant bien sur les pupitres consacrés à la navigation et aux commandes des divers propulseurs, Schottel, transversaux et azimutaux. Au bout de chaque aileron un pupitre regroupe les commandes essentielles pour les manœuvres.
A tribord sont regroupés quatre postes de travail. Le plus important en taille et en nombre de moniteurs concerne les opérations proprement dites d'enrochement. Son voisin concerne le positionnement dynamique. Pour accomplir son travail le Simon Stevin est équipé DP/DT, Dynamic Positionning/Dynamic Tracking. Un troisième poste commande le ROV autonome situé à tribord. Le quatrième s'occupe de l'hydrographie de la zone.
 
Coté bâbord deux autres petits bureaux servent aux travaux administratifs. Notons que tous ces ordinateurs sont en réseau et que les données sont consultables à partir d'un grand nombre d'endroits.
Deux grands canapés en S accueillent les pauses café et semblent être un lieu de rencontre favori pour des briefings informels.
 


On voit sur cette coupe longitudinale, et sur la photo, la disposition de l'ensemble.
Les pierres sont stockées dans deux cales identiques, de part et d'autre du milieu du navire. Chaque cale a une capacité de 16 250 tonnes, et est équipée d'une pelle mécanique avec un godet de 7 m3, pouvant délivrer 1 000 t/h. Les pierres sont déversées dans une trémie et acheminées au centre par des tapis roulants longitudinaux. Ceux ci alimentent d'autre tapis roulants transversaux jusqu'au tapis final qui déverse dans le tuyau de tête.    
  Les tuyaux qui servent à distribuer les pierres sont stockés verticalement, et sont manipulés par un pont roulant. Le parc de stockage peut contenir 157 tuyaux "normaux" et 5 tuyaux spéciaux, tous d'un diamètre de 1000 mm. Les tuyaux normaux font presque tous 12 m de long, leur épaisseur est de 8 ou 15 mm d'acier, les plus épais sont utilisés au plus profond. Certains sont percés de trous permettant aux pressions de s'équilibrer. Les tuyaux jaunes sont en matériau composite, plus légers ils sont mis en tête de colonne. Pour ajuster la hauteur de la colonne il y a aussi des tuyaux de 6 et 9 m de long, et deux tuyaux télescopiques. Il faut un tuyau particulier tout en bas, équipé de capteurs, qui est entouré par le ROV de guidage. Et enfin un autre tuyau particulier en tête avec des pièces de connexion aux fils d'acier qui soutiennent l'ensemble.
Au centre du navire, la "moon pool" est fermée par des vérins quand elle n'est pas en service, mais pas de façon étanche. Il s'agit juste de rétablir une carène hydro-dynamique. C'est par là que sont descendus les tuyaux. L'opération est réalisée au moyen d'un ensemble complexe de réas, vérins et treuils dont il est difficile pour le profane de bien saisir les détails.

moon pool

Elément de tête

ROV

ROV
On a comparé l'ensemble du module à celle d'un immeuble de 70 appartements sur 8 étages !
Les deux câbles qui soutiennent la colonne de tuyaux, font 90 mm de diamètre, enroulés sur des tambours de stockage, et leur tension est maintenue constante grâce à un système à deux réas. Le tout est contrôlé et commandé à partir d'un pc sur place où se tiennent deux opérateurs.

L'installation machines a une particularité, c'est d'être répartie sur toute la longueur du navire, comme sur certains paquebots. C'est possible avec le systéme diesel-électrique où l'énergie est répartie par câble. Les moteurs diesels sont situés juste derrière le bloc emménagements, sous le faisceau de tuyaux d'échappements. Il y a cinq moteurs MAN 9l 32/40 de 4 500 kW chacun, un moteur d'appoint Volvo Penta D65A-MS de 1 450 kW, et un moteur de secours Guascor de 350kW.
Les cinq moteurs MAN entraînent des alternateurs Indar BZK, de 5 625 kvA, sous 6 600 V/60hz. Les moteurs d'appoint et de secours entraînent des alternateurs sous 440 V/60 hz, de respectivement 1 913 et 450 kvA.
Les câbles de distribution électrique sont regroupés sur des chemins de câbles, ils alimentent en particulier les moteurs électriques de propulsion. Ce sont quatre moteurs Indar, type cage d'écureuil de 3 350 kW chacun. Leur vitesse de rotation peut varier de 0 à 1 100 tours/minute. Ils entraînent à leur tour quatre propulseurs azimutaux Schottel. Leurs hélices à pas fixe de 3,20 m de diamètre peuvent tourner jusqu'à 189 tour/minute.

 

Séparateurs IFO, MDO et huile

Pompes eau de mer de réfrigération

Pompes eau douce de réfrigération

Pour assurer le positionnement dynamique le navire dispose, outre les quatre Schottel arrière, de deux propulseurs azimutaux Wartsilä Lips type FS250/MNR de 2 000 kW, avec une hélice de 2,40 m de diamètre...

    
Propulseur azimutal
..et de deux propulseurs d'étrave transversaux Wärtsilä Lips type FT300H de 2 000 kW avec une hélice de 3,00 m de diamètre

Propulseurs d'étrave

Dans les fonds, sous les cales en particulier, les espaces très vastes ont permis l'installation d'un terrain de badminton, d'une table de ping-pong
et d'un panier de basket-ball.

Le tout est d'une propreté impeccable.


    Le propulseur en défaut, raison de l'escale à Brest a été déposé. L'unité de rechange est prête à être mise en place. Le propulseur démonté sera réparé et reviendra à bord comme pièce de rechange. Espérons qu'il restera longtemps en panoplie.

Les locaux, répartis sur quatre ponts, sont prévus pour loger 70 personnes. On compte quatre "suites", cinquante-huit cabines à un lit et quatre cabines à deux lits. Toutes sont équipées de sanitaires complets. Les cabines à deux sont rarement occupées, mais peuvent être utiles lors de relèves. Je n'ai pas voulu déranger, mais j'ai aperçu en passant le salon-bureau du Chef, et une cabine libre. Chaque cabine dispose ainsi d'un terminal relié à la vidéothèque du bord, riche de centaines de films.

Bureau du Chef mécanicien

Coursive transversale
   
Cabine type
 
La salle de musculation est bien équipée, elle comporte aussi des toilettes et une douche. Si des Norvégiens embarquent ils ne sont pas dépaysés et disposent d'un sauna.
Le salon de télévision.  
Le bar est somptueux. Le meuble bar est circulaire, entouré de tabourets. Un vaste canapé fait face à un écran plat géant. Les œuvres d'art, montées sur des colonnes d'acier à l'entrée, sont des pierres !
La grande cuisine est équipée de fours à pain, et d'un "piano" avec plaques à induction. Cela doit en faire un local de travail agréable, sans chaleur excessive. Elle communique avec la salle à manger par un large présentoir, munis de bacs et tables chauffantes. Le top !
La salle à manger comporte un coin salon. On peut y attendre confortablement si toutes les places à table sont prises. Il y a aussi des vitrines réfrigérées pour des boissons et des grille-pain.
Cambuse et chambres froides sont conséquentes. Un espace grillagé et fermé permet de sceller les marchandises sous douane dans certains ports
       

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