I
Voyage à bord du IDA RAMBOW, septembre 2023
Bruno
retour

Prévu à l’occasion de mon départ en retraite, le voyage en cargo s’est transformé en voyage à la maison pour cause de confinement Covid. Depuis, de nombreux armements n’ont pas repris cette prestation, et après quelques recherches j’ai trouvé une agence allemande « Internationale Frachtschiffreisen Pfeiffer » qui organisait à nouveau ce type de voyage. L’agence travaille avec différents armements, pour mes dates et durée- une semaine à partir du 19 septembre- c’était le « Ida Rambow » de l’armement Rambow. Armement familial, fondé en 1890, dirigé depuis cinq générations jusqu’à ce jour par des membres de la famille, il exploite une douzaine de navires feeders et deux « multi purpose ».
L’agence s’occupe des formalités, il y a peu d’exigences sauf d’avoir un passeport, une assurance rapatriement et soins à l’étranger et, si plus de 65 ans, un certificat médical attestant d’un état général satisfaisant !
En contact régulier par mail avec l’agence, l’embarquement est prévu « autour du 19 septembre » à Hambourg ; quelques jours avant, la date est précisée, le 20 septembre, dans l’après-midi. Le navire touchant 3 terminaux différents à Hambourg durant l’escale de 24h, il est important de garder le contact !
Le 20 à 16h : embarquement dans l’immense terminal « CTA » ; interdiction de circuler à pied (fort trafic de cavaliers et de véhicules autonomes) trajet en navette du poste de garde au bord. Monté à bord, attendu et accueilli, je découvre ma cabine ; il y a deux cabines similaires pour les deux passagers, avec coin bureau-salon, cabine avec couchette et rangements et salle de bains. L’ensemble est de construction très soignée, et en très bon état -16 ans d’âge ! Le sabord sur l’avant permet d’observer de près, de très près même, les opérations commerciales avec les conteneurs .
Les repas se prennent dans le petit carré, cuisine orientée Allemagne avec des influences Asiatiques : toujours une soupe le midi, avant un plat de viande ou de poisson, un dessert ; le soir, un plat unique. Le cuisinier apporte les assiettes depuis la cuisine juste à côté, et chacun rapporte sa vaisselle à la cuisine une fois terminé. L’agence précise, dans un document assez complet en anglais, qu’un navire de charge n’est pas un paquebot : le ménage de la cabine n’est donc pas fait par l’équipage, tout comme la lessive à faire dans une pièce bien équipée, c’était évident pour moi, mais probablement à préciser pour d’autres !
 
“Ida Rambow”, feeder de 1 008 evp, construit en 2007 par les chantiers Sietas de Hambourg est l'un des nombreux feeders sortis de ce chantier qui les construisait en série (52 navires pour le type 168 !), avec des variantes. L’Ida Rambow est du type 168V : 149 m de long, 13 743 tpl ; il a beaucoup de points communs avec le Maersk Flensburg visité de façon détaillée sur le site. Les différences principales sont l’absence de grues, des ailerons fermés, une longueur supérieure de 14,7 m donc une capacité légèrement supérieure pour l’Ida, même moteurs, même conception d’ensemble avec des cales sans panneaux en partie centrale, cale 1 avec panneau. A noter que ce chantier, en difficulté puis racheté par des Russes, n’a pu repartir, il est désormais complétement fermé.
Equipage : 13 personnes : Commandant Allemand, second Russe, 1 lieutenant pont, 2 officiers mécaniciens Ukrainiens, et 6 matelots, 1 mécanicien, 1 cuisinier Philippins.
Le navire est affrété à temps depuis plusieurs années par Unifeeder, groupe basé au Danemark qui affrète plus de 30 feeders de plusieurs armements ; très présent en Europe du Nord, il dessert de nombreux ports secondaires pour les relier aux grands hubs. On trouve donc à bord des « boites » de toutes les alliances de porte-conteneurs !

Accueil très sympathique du commandant : je peux me rendre dans tout le bord y compris la passerelle, pour la machine il faut demander ; l’accès au pont durant les opérations commerciales, celui des plages avant et arrière durant les manœuvres sont interdits. Lors du premier diner, il nous demande, les deux passagers, d’où nous venons : je suis le premier français qu’il embarque : il y a une majorité d’Allemands, des Hollandais, des Suisses, des Anglais mais moins depuis le Brexit… Il y a eu une fois un couple en voyage de noces, ça l’a beaucoup étonné !

Chronologie de mon séjour à bord :
20/09 : 6h du matin : arrivée du navire à Hambourg. Changements de poste à 13h et à 22h ; appareillage le 21 à 3h.
21/09 : arrivée à 13h à Bremerhaven, changement de poste à 20h30 et 3h le 22.
22/09 : appareillage 13h, en mer.
23/09 : arrivée Oslo à 15h [photo 7] 
24/09 : appareillage d’Oslo à 3h30, arrivée à Moss ((fjord d’Oslo côte Est) à 6h. Appareillage 14h. Arrivée à Brevik, côte Ouest, à 19h.
26/09 : appareillage de Brevik à 10h30, en mer
27/09 : arrivée à Hambourg à 14h.

 

Ces feeders ont un rythme de navigation éprouvant pour les équipages : les escales sont courtes, les brèves périodes en mer ne permettent pas un vrai repos ; de plus, à Hambourg et Bremerhaven, il y a 3 postes différents à servir,



Bremerhaven

 


La traversée vers Oslo s’est faite à vitesse maximale, sur demande de l’affréteur : 19 nœuds, consommation 36 t par jour. Le navire était peu chargé à l’aller (3 500 t) tandis qu’au retour il y avait 10 000 t à bord ; en demandant quel type de marchandise partait de Norvège,

 


Oslo
donc déhalages : en 3jours, 6 manœuvres portuaires et 10h de navigation ! 
j’ai appris qu’il y avait beaucoup d’export de granit… trafic boosté par le covid, pour les pierres tombales.

 
J’ai passé beaucoup de temps à la passerelle, particulièrement pour les manœuvres : le commandant m’a beaucoup expliqué comment il pratiquait son art ! Jamais de remorqueur, le navire étant très manœuvrant avec son propulseur d’étrave, son safran articulé et une hélice à pales orientables.
Il y a un pilote à bord par obligation (sauf à Bremerhaven, le commandant ayant une licence) mais le commandant est aux manettes, il utilise toutes les commandes depuis un des ailerons [photo 9], jouant avec le vent, le courant et ses aussières.
 
Bien assis dans un des deux sièges, avec une bonne visibilité, j’ai retrouvé l’atmosphère des quarts de nuit, écran ECDIS en plus !
Je savais, pour avoir suivi des construction neuves, que les passerelles avaient évolué. Mais voyant les différents équipements (ECDIS, ARPA) en fonctionnement, j’ai vraiment réalisé comme la navigation avait évolué ! Il reste cependant des constantes, comme la veille, les manœuvres.

 

En mer, beaucoup d’explications sur les appareils, mais également des discussions sur l’évolution du métier : la part croissante des documents à remplir, avec une demande de réponse rapide puisque les mails arrivent directement de l’affréteur, de l’armateur, la taille très réduite des équipages, qui rend difficile l’entretien du navire, l’incohérence des réglementations, strictes pour les marchandises dangereuses à bord, mais qui laisse des conteneurs de gaz toxiques à 2m du bord, près des aspirations d’air…

 

Le second m’a beaucoup expliqué les différents moyens de saisissage des conteneurs ainsi que son travail : recevant d’un « planner » à terre le plan de chargement, il devait le valider, s’assurer que les efforts sur la coque étaient acceptables, planifier le ballastage ; durant les opérations, les matelots relevaient toutes les modifications d’emplacements de mise à bord, vérifiaient les températures des conteneurs réfrigérés ( 234 prises à bord) : le second retransmettait ces informations à l’affréteur. Il devait aussi suivre particulièrement les conteneurs de marchandises dangereuses.

 
Parmi les moments marquants : à Hambourg, changement de poste, manœuvre dans un bassin, on longe un gros porte-conteneurs, en croisant un autre feeder

…Lors de l’arrivée à Moss, dimanche à 6 h les lamaneurs ont dû rester coincés : le navire se présente, personne… Finalement, des matelots descendent par l’échelle de pilote pour amarrer le navire ! La manœuvre était déjà compliquée, le portique à conteneurs ne pouvant être mis en position haute, donc risque de collision avec les superstructures .



OOCL Felixstowe, YM Evolution,
Containersships Borealis

 


Berlin Express

 

 


Ever Genius

Les escales allemandes et la navigation dans le Skagerak sont l’occasion de prendre…beaucoup de photos, notamment à Hambourg avec par exemple le Berlin Express, arrivant du chantier coréen qui allait être inauguré quelques jours plus tard, 24 000 EVP… Toute la pontée de conteneurs Hapag Lloyd, comme il est d'usage dans ces cas là.                              L'Ever Genius à Hambourg lui aussi
Le ferry Color Magic quittant Oslo
Color Magic
Le plus curieux et qui interroge, c’est le Marit , un petit transbordeur qui dessert deux ports du Fjord d’Oslo, zéro émission et prévu pour naviguer de façon autonome, sans équipage ; en période test, il y a actuellement un équipage en surveillance à bord, qui devrait être supprimé quand le système sera validé…

Marit
Le Hoegh Gannet, est devenu navire de reliquéfaction, FSRU, à Brunsbüttel, sur l'Elbe, tout près de l'entrée du canal de Kiel.
Quand je suis passé, un méthanier était à couple, en cours de déchargement.
 
Allemagne

J’ai pu voir les nombreuses prises et débarquements de pilotes, en Norvège et en Allemagne

 


Fjord d'Oslo


Elbe

 

J’ai également pu visiter la machine de fond en comble, et même démarrer le moteur principal (bon, j’ai appuyé sur le bouton !), un semi rapide MaK que l’on règle vite à 500 t/min, vitesse constante avec entrainement de l’alternateur attelé, vue de l’AR vers l’AV

MP et turbo soufflante

Appareil à gouverner

DA 1 020 kW

DA 2 850 kW

Réducteur et alternateur attelé

Séparateurs huile et combustible

Traitement d'eaux de ballast

Pour terminer, il faut préciser que les itinéraires et plannings sont susceptibles de modifications, ce qui a compliqué mon retour. J’avais prévu un vol retour trop juste à 2h près, et les billets « modifiables » le sont parfois à des prix astronomiques. Le commandant s’est démené pour me trouver une chambre au foyer du marin, ce qui a évité de trop alourdir mon budget ! Il y a eu plusieurs mois un navire de cet armement, le Hanna, qui desservait Saint Nazaire, Brest, Le Havre, ce qui aurait rendu plus facile l’embarquement ; il dessert actuellement Dunkerque vers le Royaume Uni puis Rotterdam, l’agence va se renseigner pour pouvoir embarquer depuis la France ; je suis déjà prêt à repartir !

Cette page appartient à www.marine-marchande.net