A bord d'un géant des mers
François Gerboin

  En 2011 j'étais prêt à embarquer à nouveau sur un porte-conteneurs de notre marine marchande, mais sur un court trajet..(plus possible 38 jours vers la Chine, comme en 1998 sur le Ville de Virgo) et les tous nouveaux "14.000 boites" de la série des grands navigateurs, quasiment les plus gros navires marchands du monde (à un Maersk près), étaient bien tentants . Mais le calendrier ne me permettra pas d'embarquer sur le navire amiral de la CMA-CGM, le "Christophe Colomb" ou l'"Amerigo Vespucci"...alors ce sera sur l'autre sister-ship, le "Corte Real"*, celui-ci étant géré par la branche anglaise de la Cma Cgm.  Le navire est d'ailleurs immatriculé à Londres.
          *Gaspar Corte Real navigateur portugais ayant découvert Terre-Neuve vers 1500
Caractéristiques principales
IMO 9454400
Dimensions 365,50 x 51,20 x 29,90
Tirant d'eau 16,00
Capacité 13 344 evp
Motorisation Wartsila 14RT-flex96C
Puissance / vitesse 80 080 kW / 24 nœuds
Construit en 2010 Daewoo, Geoje (Corée)
   
   

Le Havre -          
 Hambourg -
          Zeebrugge

 

2 mai 2011: mon taxi me mène à Port 2000 vers 15HOO par beau temps et voici qu'apparaît enfin la poupe du "CMA CGMCorte Real", sous une imposante haie de portiques à conteneurs : on entre dans le domaine du gigantisme.

Une coque neuve avec des lettres géantes CMA CGM; l'échelle de coupée pour accéder au pont zéro est sans doute la plus longue que j'ai eu à monter: encore moins évident avec une valise...et attention aux câbles plein de graisse où l'on a vite fait de se frotter si l'on n'y prend garde, comme moi! Avis aux retraités et même aux autres: laissez votre valise en bas, un marin se chargera volontiers de la monter à bord, en évitant aussi les câbles graisseux.

Un ascenseur et me voilà dans la coursive du pont passagers : j'apprends que je suis le seul ..et même le premier passager embarqué sur le Corte Real, d'après le stewart philippin... J'ai même l'embarras du choix, parmi les cinq cabines dont une arrière: je choisis celle d'angle à tribord, avec deux sabords latéraux et deux de face.      

Je me suis dit que si le master est situé ainsi, un pont au-dessus, c'est sans doute le meilleur choix. C'est vrai..mais lorsqu'on est à quai, les chargements et déchargements ont toujours eu lieu de ce côté, et la nuit (autant d'activité que le jour, dans les ports de commerce) cela peut causer pas mal de dérangement côté bruit, entre les avertisseurs sonores des "araignées" et des portiques qui se déplacent, ou le choc d'un conteneur qui n'est pas parfaitement positionné sur les guides de calage.

Presqu'une suite: très agréable à l'oeil, avec moquette épaisse et un très grand lit dans l'angle.

Le côté salon + bureau, avec petit frigidaire encastré..et une lampe encore sous protection plastifiée.

Vue de front, heureusement dégagée.. mais pourvu que cela dure : j'ai toujours la crainte d'un rang de conteneurs l'occultant, selon les ports fréquentés
(et c'est d'ailleurs pour cela qu'une cabine d'angle est l'idéal..au cas où.
Sur le même pont passagers, le salon réservé à leur
intention. Il y a également une bibliothèque séparée...
sans le moindre bouquin. Ce navire est vraiment neuf.
En empruntant la sortie extérieure arrière sur mon pont, premiers pas dehors : curieusement, les escaliers extérieurs descendent face à l'avant du navire, donc contre le vent lorsqu'il naviguera... 5 hauteurs de conteneurs, actuellement.
 
Vue à partir du pont le plus haut (qui n'en est pas vraiment un, au dessus de la passerelle) : 20 boïtes sur la largeur tout de même! On voit que les nouveaux conteneurs 45 pieds, côtoient les 40 et 20 pieds, ce qui donne un alignement plus du tout horizontal.
Vue arrière, avec la cheminée séparée du château, très à l'arrière et de forme curieuse. L'aileron de passerelle bâbord, avec le cercle
où le pilote est hélitreuillé, s'il arrive par hélico.
Sur cet aileron, les distances vers l'avant (145,45m) et vers l'arrière (220,05m),
soit une longueur totale de 365,50 m !
Désormais, l'accès extérieur au
(ou du) pont zéro est limité par
une porte grillagée...
plan vigipirate oblige.
Pour mémoire, voici la longueur X largeur de quelques-un de "mes cargos" précédents : Fort Desaix, construit en 1980: 215 X 31m TEU (conteneurs EVP) 1500
Ville de Virgo, construit en 1997: 259 X 32m TEU 3960
Paaschburg, construit en 1980: 92,35 X 15,45m TEU 269
Flottbek, construit 2005: 169 X27m TEU 1600
 
    Vue plongeante sur l'arrière, on est effectivement
loin de l'esthétisme des cargos des années 60!
Vue plongeante à l'intérieur d'une cale;
il y a bien des panneaux de cales sur ce type de navire
Dans l'antre de la bête..et encore, les conteneurs le plus au fond semblent être au niveau de la ligne de flottaison: c'est dire qu'avec un tirant d'eau de plus de 15m
il y en a encore en-dessous!
 

Départ du Cma Cgm Médéa, un des quatre de la série
des noms d'opéras, construits en 2006, de dimensions moindres (9 400 evp)

 

Et nous partons en début de nuit, le Havre "by night"

En Mer du Nord, rencontre avec le géant de la Cunard, Queen Mary 2, construit à St Nazaire...l'art de réconcilier
nos deux histoires maritimes.

Temps au beau fixe et mer belle, ce n'est pas toujours le cas ici,
trafic intense dans le rail vers les grands ports d'Europe du Nord.

Et voici, à Rotterdam, l'un
des petits feeders,
le CLONLEE,
pas si petit que cela
comparé à la péniche.
Voici le nouveau modèle de coneneru de 45 pieds, Unit45 est un fabricant Néerlandais.
En arrière-plan l'évolution chronologique des couleurs utilisées par CGM : blanc, un peu curieux pour une parfaite visibilté de nuit sur la passerelle, puis CMA CGM (bleu nuit et sigle tricolore) et actuellement (le 40 pieds avec les 2 guillemets entourant le sigle unicolore)
CLONLEE
Douglas
IMO 9129471 - pc - 101,11 x 18,20 x 8,25 - TE 6,547 - JB 3 999 - TPL 5 207 - 508 evp - P 3 825 kW (MWM TBD645L9) - V 15,5 nds
Constr 1996 par J.J. Sietas, Hambourg - Propr/Gérant North Atlantic Shipping (Irlande), Oper. Feederlink (Pays Bas) - Pav IOM    Ex VERA, ex P&O NEDLOYD FINLAND

La passerelle : on est toujours impressionné la première fois, mais c'est en fait moins spectaculaire que le cockpit d'un avion de ligne. En fait c'est l'immensité des lieux qui
réduit l'impact.

La navigation comme si vous y étiez :

:

Carte électronique

Ecran radar

Moniteur caméras

Un petit tour à l'avant, par mer d'huile : la taille de mon téléphone donne une indication de la grosseur d'une maille de chaîne.
Chaîne d'ancre et sa saisine, en rouge. Le château vu quasiment de face: sacrée prise au vent !
   
La piscine, sur le côté droit arrière du château :
ainsi placée, presque à l'abri du soleil,
elle n'incite pas trop au bain,
quoique du côté de la Mer Rouge...
Vers la cheminée: très impressionnante, isolée vers les 3/4 arrière,
mais là encore loin de l'esthétisme d'antan, elle semble être comprimée.
Le moins de volume possible pour laisser plus
d'espace aux conteneurs.

Enfin..après 365 m parcourus depuis l'avant, voici l'arrière, avec sur la plateforme d'apparaux inférieure..un terrain de basket , dont le toit est le dessous des conteneurs.


Par ce bel après-midi en mer, j'ai l'impression que nous décrivons de grands cercles, vu le sillage laissé derrière nous. La position du soleil me confirme le fait : plutôt que de réduire encore la vitesse, ce qui nécessiterait la présence du chief engineer en permanence, d'après ce que je comprends, le captain préfère cette méthode, afin de ne pas arriver trop tôt à Hambourg. Nous rencontrons un gros PC à la ligne similaire au nôtre, dont je n'arriverai pas à distinguer le nom. D'après le chief engineer, il est de dimensions plus réduites; en estimant le nombre de conteneurs en largeur, 18 au lieu de 20. Il y aurait donc plusieurs gabarits dans cette nouvelle conception (cheminée à l'arrière, séparée du château) ? Puis nous mouillons pas très loin d'Hellgoland, en fin de journée, île très prisée des touristes.
 
L'arrivée à Hambourg, dans la brume matinale, sera un grand moment : succession ininterrompue de bateaux de toutes sortes tout au long de l'Elbe et dans ce grand port unique, tellement il est en phase avec la vie de la cité.

Notre position à quai, dans un grand bassin animé et face à l'Elbe, me permettra d'observer un trafic incessant depuis ma cabine ou le pont : des navires de toutes tailles...y compris le petit CERES...dont je ne me doute pas encore qu'il sera mon prochain cargo, en juin 2013 !

 

Cma Cgm Medea

Louisinia Star

Cma Cgm Conde

Ceres et Barmbek

  La visite au Duckdalben International Seamen's Club me permettra non seulement de consommer une bonne bière allemande, mais aussi de profiter de la navette qui amènera mes amis philippins en ville. Ce foyer du marin est très accueillant, presque un petit musée, avec une équipe formidable, où les jeunes aussi contribuent à cette bonne ambiance. Alors si vous avez un moment, n'hésitez pas à y faire un saut: ce Seamen's Club est formidable.  


Et par un superbe temps estival, j'aurai la chance de faire un tour dans l'une de ces nombreuses vedettes qui promènent les touristes, histoire d'effleurer quelques
beaux paquebots et autres docks flottants.

Mais rideau annonciateur...voici la parade navale, pour cette fête du port, avec le bon vieux "cap San Diego", vénérable et élégant cargo-musée des années 60,
à nouveau en mouvement pour l'occasion, tiré quand même par des remorqueurs !


Il est temps de regagner le bord, et de tenter quelques photos de l'extérieur.
En route vers Zeebrugge, là où je débarquerai le 10 mai, avec une dernière photo "choc" (que l'on se rassure, seul mon appareil était à l'extérieur pour cette prise de vue insolite).
Conditions de séjour :
Master très discret et officiers, à part le Chief Officer et le Second Officer (Monténégrin), peu loquaces. Mais il est vrai que, seul passager, je restais assez discret aussi, mon anglais étant limité. Aucun problème pour circuler à bord et aller sur la passerelle ; Third officer philippin très cordial et crew (Philippins) avec qui je suis allé à Hambourg, via le Seamen’s Club.
Menus corrects, acceptables sur un feeder, pas sur un maxi CMA CGM neuf.… et que de l’eau à table : où est le vin des chais de la transat ? Je partageais une petite table à part, avec un cadet croate qu'on avait dû "porter volontaire" pour me tenir compagnie..mais il ne parlait pas, sauf pour dire "bon appétit", appris sur le "MENU" en français sur la feuille imprimée du jour. Mais il avait, par contre, un grand appétit..m'ayant laissé un morceau symbolique de charcuterie, dans l'assiette d'entrées commune ! La prochaine fois je prendrai un CMA CGM "français", avec cuisine et vin du terroir ..car cela doit bien toujours exister avec l'exigence culinaire des navigants français , tradition de la "marmar" oblige.
Quant au prix, d'environ 1.200 euros, on est loin des "100 euros par jour environ" et il peut paraître assez cher pour si peu d'escales. Mais n'oublions jamais que les escales sur un PC ne sont pas le but principal. On n'est jamais sûr de pouvoir descendre, à cause des horaires et aussi de l'éloignement des centres-villes. Quant à moi, le but étant bien d'être à bord de l'un des plus gros portes-conteneurs du monde , "flambant neuf", ce prix était acceptable.
 

 

Et en ce mois de mai 2013, je retrouve deux ans après le Corte Real à Bremerhaven, arrivé quasiment en même temps que mon petit Ceres (mais ceci est un autre épisode, que je prépare) : enfin une photo entière dans mon objectif !
Depuis 2011 la taille des navires a encore augmentée: la CMA CGM a pris livraison en juin 2013 du Jules Verne, plus gros porte-conteneurs du monde en capacité pendant quelques semaines : 396 m de long et 54 de large, 16.000 EVP.

 

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