Un stage à Port Revel
Le Centre
d'entraînement à la manœuvre des navires
Françoise Massard

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Et toujours plus d'exercices pratiques...

Manœuvres avec ancres

Le troisième jour est plus particulièrement consacré aux manœuvres avec ancres : mouillage bien sûr, mais aussi appareillage ou accostage en draguant une ancre... mouillée au bon moment, ou encore arrêt d'urgence dans un canal avec les ancres.

Les navires sont de plus en plus gros, et donc systématiquement assistés de remorqueurs. Aussi les manœuvres en eaux resserrées ou les accostages avec ancres ne sont pas forcément très fréquemment mis en œuvre par les commandants et pilotes de grosses unités. Et pourtant, en cas d'avarie grave, même un 300 000 t peut être freiné en faisant draguer ses ancres(1). Mais, évidemment, cette manœuvre est très délicate, il faut donc s'y être entraîné avant... et Port Revel offre cette occasion.

Trajectographie d'un évitage avec deux ancres

Accostage avec ancres
(doc. Port Revel)
(1) Dans ce cas de "mouillage en urgence", la longueur de chaîne doit être parfaitement ajustée (peu de chaîne), de façon à ce que les ancres "mouillées à draguer" ne puissent pas "prendre", sinon rupture assurée...

Eaux resserrées et effets de berges

Les "shallow waters" et les "bank effects" sont en effet au programme du quatrième jour.

Effet du dépassement sur un navire amarré

Amarrage du BERLIN, installation d'une bosse cassante et d'un capteur de mesure de la charge de rupture (à droite, l'amarre a effectivement cassé après le passage du NORMANDIE).
Le NORMANDIE, en dépassant le BERLIN à quai, va le déplacer suffisamment pour rompre les bosses cassantes.


Croisements et dépassements dans un chenal étroit et peu profond

Enfin, le dernier jour, croisements et dépassements sont expérimentés dans le Canal de Suez, en conditions normales, mais aussi avec avaries diverses.
Remarque : dans la réalité, les navires ne se croisent pas et ne se dépassent pas dans le Canal de Ferdinand de Lesseps, mais celui de Port Revel est un lieu de manœuvres idéal pour ce genre d'exercices.

Avant d'embarquer, quelques rappels des phénomènes hydrodynamiques en eaux étroites et "peu profondes" (rapport profondeur/tirant d'eau inférieur à 1,5) s'imposent. De façon générale, quand un navire est en mouvement, il perturbe la masse d'eau autour de lui (sur environ deux fois sa longueur et une fois et demie son tirant d'eau), entraînant une surpression à l'avant et à l'arrière et une dépression au milieu, et donc un abaissement du niveau de l'eau. Le navire s'enfonce, il "s'accroupit" et change d'assiette. Si le clair sous quille diminue, le phénomène s'accentue : il y a "surenfoncement". C'est cette résultante de l'abaissement du niveau de l'eau, de l'enfoncement du navire et de son changement d'assiette qu'on appelle le squat, phénomène globalement proportionnel à la longueur du navire et au carré de sa vitesse (des abaques donnent le squat en fonction de divers paramètres propres au navire et à la voie de navigation). La proximité des berges augmente encore l'amplitude de ces phénomènes.

Croisements

Croisement du GRENOBLE et du BEN FRANKLIN dans le Canal de Suez

Bien sûr, le matin même, notre attention avait été attirée sur les effets – particulièrement marqués dans les eaux resserrées et peu profondes – de refoulement... vers la berge ( ! ) par la vague d'étrave du navire rencontré et , au contraire, d'aspiration par son hélice. Pour un croisement "parallèle", il ne faut donc pas hésiter à "viser" l'étrave du contrebordier (sa vague d'étrave nous écartant), puis largement s'écarter dès qu'on arrive par son travers afin de compenser les effets de succion de son hélice.

Dépassements

Heureusement que le dépassement s'est parfaitement déroulé car... l'instructeur attendait gaffe en main !

Ne pas oublier que le déplacement d'eau engendré par le navire rattrapant à tendance à pousser vers la berge le navire rattrapé, mouvement d'eau qui provoque l'effet inverse une fois le dépassement terminé.

Les deux stagiaires "refreshers" pourront expérimenter en plus la dérive et les manœuvres dans la houle, ou encore la prise de SPM/FPSO avec houle ou courant.
SPM : Single Point Mooring (coffre de terminal pétrolier)
FPSO : Floating Production, Storage and Offloading system
(navire ancré ou à positionnement dynamique pour la production et le stockage du pétrole)

Générateur de houle
Dérive dans la houle et trajectographie correspondante

Les mouvements d'un navire dans la houle dépendent de la direction de la houle, de son amplitude et de sa fréquence, mais aussi de la longueur du navire et de son block coefficient, de sa vitesse ainsi que de la profondeur par rapport à son tirant d'eau. Autant de paramètres à tester grâce au générateur de houle de Port Revel. Des tests, trajectographie à l'appui, permettent de mesurer la dérive d'un navire pris dans la houle alors qu'il est en black out par exemple : c'est sa résistance de carène qui le fait éviter dans un sens ou dans l'autre.

Modèles réduits et simulateurs, deux outils complémentaires

Les stagiaires qui ont eu la chance d'expérimenter ces deux outils sont unanimes pour en souligner la complémentarité, et non la concurrence. En effet, sur le lac, les navires évoluent dans leur vrai milieu (même si c'est de l'eau douce), avec de vraies risées et de vrais tourbillons de vent. L'équipage sent réellement le navire rouler et peut voir le pont balayé par les vagues ! Voire ressentir l'angoisse d'une navigation dans le brouillard. Et si un abordage ou un échouage se produit, on le ressent complètement.
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A contrario, les simulateurs reproduisent mieux une vraie passerelle avec tous les instruments et toutes les commandes (les maquettes ont bien sûr elles aussi les commandes principales) et peuvent également reproduire de façon détaillée une approche environnementale d'un port. En revanche, les modèles mathématiques des simulateurs ne reproduisent pas parfaitement les phénomènes hydrodynamiques secondaires comme l'effet de pas d'hélice ou l'abattée en arrière toute.

Sur les modèles réduits de Port Revel, toutes les manœuvres peuvent être conduites jusqu'à leur terme en raison de la vision sur 360°, et ce contrairement à certains simulateurs.

"On estime que le stage à Port Revel devient particulièrement intéressant après quatre ans de pilotage. On possède alors une approche de tous les phénomènes liés au navire. A Port Revel, on vient toucher l'extrême finesse, on peut accomplir ce qu'on ne peut pas faire avec un vrai bateau, au risque de le casser.", ainsi s'exprime un responsable du Simulateur de manœuvre des Pilotes du Havre-Fécamp.

En guise de conclusion...

Un marin n'est-il pas fier d'avoir réalisé une belle et sûre manœuvre, même et surtout en conditions difficiles ? Un stage à Port Revel est donc l'occasion rêvée pour affiner sa compréhension du comportement des navires (leurs possibilités mais aussi leurs limites) et mieux prendre conscience de ses propres capacités.

Une formation régulière (l'OMI A 960 recommande tous les 5 ans) de haut niveau des commandants renforce l'image d'un armement. Ce type de stage permet aux commandants et aux pilotes d'analyser et de commenter en détail telle ou telle manœuvre autrement que dans les cas... où il y a enquête après accident ! La navigation à Port Revel n'est pourtant pas si sereine que cela et nombre de stagiaires avouent ressentir un peu plus de stress en pilotant sur modèles réduits que sur simulateurs...

Enfin, un petit clin d'oeil aux stagiaires de la semaine, mes remerciements réitérés à nos instructeurs et à l'ensemble des collaborateurs de Port Revel et, enfin, pour les stagiaires qui auront fait 8 000 ou 10 000 km aller-retour pour effectuer ce stage, pourquoi pas un peu de tourisme dans cette région qui s'étend entre Lyon et Grenoble.

Le LABRADOR, l'un des premiers modèles réduits de Port Revel (1969),
un brise-glace... qui a échappé au ferraillage

Centre de Port Revel 38870 Saint-Pierre de Bressieux (France) – www.portrevel.com
Tél. 33 (0)4 74 20 02 40 – Fax 33 (0)4 74 20 12 29 – port.revel@sogreah.fr

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