La drague SAMUEL DE CHAMPLAIN en arrêt technique (juillet 2009)
Erwan Guéguéniat


 
Voici quelques vues de la drague aspiratrice en marche SAMUEL DE CHAMPLAIN actuellement en arrêt technique à Saint-Nazaire. Une occasion de mieux comprendre le fonctionnement complexe de ce type de "navire de servitude" indispensable pour éviter l'ensablement de nos ports. Les bancs de sables et autres déblais apportés par les marées, les courants, les tempêtes, etc. doivent en effet être régulièrement aspirés ("sucés") au fond des ports et des estuaires (grâce à des tuyaux flexibles appelés "élindes"), stockés momentanément dans le "puits à déblais" de la drague, puis rejetés au large ou commercialisés (selon le type de déblais). NDLR


2 août 2009

Voici de nouvelles photos de l'arrêt technique de la Samuel de Champlain, avec en particulier, la semaine dernière, l'embarquement des nouveaux moteurs de propulsion de 2 500 kW. Vous remarquerez que ces moteurs, de type synchrones, sont de taille très réduite.



Le passage pour les descendre n'est pas large, et il n'y a qu'une seule descente, située à tribord.


Comme la seule descente est située à tribord, le moteur bâbord doit être tiré sur une plateforme démontable. Pour cela, il est posé sur des "chenilles" de roulement.


Egalement cette semaine, le remontage et la pose de l'ensemble glissière - coude de l'élinde.




Les hélices ont également été remontées, après remplacement des boîtes à garnitures Simplex, une fourniture Blohm+Voss. Le chantier SNM n'a pas encore la licence pour monter ces boîtes à garnitures, ce sont donc deux monteurs de Sobrena qui ont assuré le montage et le réglage. Notez, sur les clichés, les flexibles hydrauliques de "gonflage" des moyeux d'hélices, et le vérin annulaire servant à avancer l'hélice sur le cône de l'arbre, jusqu'à une cote bien définie.



Puis il faut freiner l'écrou de montage, avec ici le perçage des trous de freinage dans l'écrou, au moyen d'une perceuse à socle magnétique. Un détail du collier coupe orins, avec l'un des couteaux. En effet, le principal ennemi des garnitures Simplex est le nylon, celui qui sert à faire des orins de casiers ou des palangres. Si ce fil de nylon arrive à renter dans les boîtes à garnitures, celles-ci sont détruites, avec pour conséquence une entrée d'eau dans le tube d'étambot, ou une perte d'huile d'étambot vers la mer. Une seule solution, un passage en cale sèche pour changer les garnitures. D'où la nécessité des coupe-orins.



Détails des boîtes Simplex et du vérin annulaire



Enfin, pour terminer (pour aujourd'hui), des photos de vannes à déblais, de type guillotine, avec système de lavage pour éviter les blocages dus à l'accumulation des saletés Et un détail de la sortie d'un piston de diesel.





26 juillet 2009

Avancement des travaux, la semaine dernière. Commençons par la dépose de l'élinde presque complète ; seule la baignoire contenant la pompe à déblais, son réducteur et son moteur reste en place, toutefois le moteur est sorti pour révision. Nous aurions préféré sortir la baignoire complète, mais sa masse dépasse la capacité de la grue (30 t).


Baignoire
Rouet de pompe
Réducteur de pompe
Moteur

Dépose des coudes d'articulation avant et arrière, ils sont remplacés par des neufs. Toutefois, certains accessoires sont récupérés sur les anciens : supports d'appareils, chemins de câbles, etc. Chacun des cardans pèse une dizaine de tonnes.


Dépose du cardan avant
Cardan arrière vieux
Cardan arrière neuf

 
Ici, un détail de la douille rotatoire neuve non assemblée. Cette douille se trouve en extrémité d'élinde, quelques mètres avant le bec. Elle sert à bien maintenir le bec parallèle au fond, en particulier lors de dragages de "talus" de chenaux. La douille tourne selon un axe situé dans celui du tube. Elle est munie de joints d'étanchéité et de butées (non visibles ici), pour limiter l'angle d'oscillation.
   

Continuons avec une manœuvre assez intéressante : le débordement du bossoir de coude. Le second mécanicien et moi-même manœuvrons depuis la centrale hydraulique, en agissant directement sur les distributeurs d'huile. Nous sommes en relation UHF avec ceux d'en haut, car depuis la centrale on ne voit rien. L'attention est extrême, il ne s'agit pas de laisser tomber l'ensemble, qui pèse une... trentaine de tonnes. Mais la manœuvre comporte de nombreux temps morts, que je mets à profit pour des prises de vues.


Quatre vues — de plus en plus rapprochées — du bossoir

Cette manœuvre consiste à descendre la pièce coulissante comportant l'articulation permettant d'orienter l'élinde vers le fond en fonction de la profondeur. Mais il faut aussi enlever les axes du pantographe qui, lui, reste à bord. Le pantographe supporte toutes les conduites hydrauliques, les câbles électriques de mesures de paramètres divers (inclinomètres, paramètres de fonctionnement de la pompe, alimentation du moteur de pompe), conduites pneumatiques d'étanchéité par air à pression modulée en fonction de la profondeur, etc.


Ensuite, le réa de levage est déposé, et nous remontons le câble, puis rentrons le bossoir. Puis la grue vient récupérer la pièce coulissante, et la dépose sur le quai pour démontage et remplacement.


 
La glissière intégrée à la coque comporte deux orifices, un gros DN 900 pour les déblais, un petit DN 300 pour l'eau de désagrégation du fond (pression 14 bar). Les jonctions sont étanchées par pressurisation de joints gonflants. Dans le bas de la glissière, un système de coins permet de plaquer la glissière mobile contre la coque, le bas de la glissière côté bord est très renforcé, car tous les efforts de l'élinde se concentrent en cet endroit.
 

Quelques vues de l'ensemble coude/pièce coulissante sur le quai et en démontage. Nous avons déjà, par le passé, cassé des goujons que vous voyez ici en démontage. Les parties mobiles comportent des douilles et plaques de friction en bronze, le tout graissé par notre centrale de graissage.



Démontage, suite. Egalement une photo de l'élinde en pièces détachées, sur le quai. Un joli puzzle.



Ci-dessous, quelques vues de la dépose du déversoir avant, de diamètre 90  mm. L'ensemble pèse une dizaine de tonnes. Aussi, une photo du répartiteur neuf sur une remorque.



Je ne serais pas étonné que le trou circulaire ait été provoqué par un obus dont le bruit aurait été couvert par celui des déblais tombant dans le puits. Quant à l'autre trou, c'est bien évidemment l'érosion. Impressionnant quand on sait que la tôle faisait pourtant 30 mm d'épaisseur à cet endroit.


Dépose du vérin de manœuvre du bossoir n°2 d'élinde. L'extraction des axes nécessite l'emploi de vérins extracteurs, il faut environ 6 h pour désaccoupler les axes. Le vérin a une masse de 8,5 t, il va être remplacé par un neuf.


Extraction du vérin
Levage du vérin

La suite, avec quelques travaux sur les moteurs diesels, qui subissent une grande révision : bielles neuves, chemises neuves, etc. Une rectification des portages de talons de chemises est également nécessaire.


Parquet supérieur
Désossage partiel
Rectification des portages de talons

Nous voyons le rectifieur au travail avec sa machine. Il faut compter deux heures de travail par cylindre, il y en a 44 à ré-usiner ! Une autre vue de la dépose des faisceaux de "box coolers" (800 kg pièce). Et également une vue de la fameuse "araignée" de serrage des culasses

Rectifieur au travail
Nettoyage des culasses
Faisceaux de box coolers


Continuons avec quelques vues et explications sur la dépose d'une hélice. Comme sur beaucoup de navires, elles sont du type "Keyless", ce qui signifie que l'hélice est bloquée en rotation et translation sur l'arbre sans utilisation de clavette ni d'écrou de blocage. Il s'agit d'un serrage hydraulique. Le moyeu d'hélice est muni de trois orifices sur lesquels on visse des buses d'injection d'huile. L'écrou en arrière du moyeu ne sert qu'au démontage et au montage de l'hélice.

Araignée de serrage des culasses (à gauche)


Pour la dépose de l'hélice, on commence par desserrer l'écrou de deux ou trois tours. Puis on prend une cote entre la face avant du moyeu et le tube d'étambot. Ensuite on connecte une pompe hydraulique sur les trois orifices du moyeu, et on monte en pression selon les spécifications du constructeur, dans notre cas 650 bar. Il s'ensuit une dilatation infime du moyeu, et d'un coup l'hélice se décolle du cône et recule en venant en butée sur l'écrou, avec un bruit assez caractéristique qui peut être impressionnant.


Puis nettoyage des portées du cône. A noter l'importance de la propreté des opérations : toutes les surafces doivent être très propres, la moindre rayure, la moindre impureté pouvant détruire les portages et compromettre le montage. Une photo de l'intérieur du moyeu d'hélice, avec les rainures de répartition d'huile. Au remontage, on approche l'hélice sur le cône d'arbre, puis, quand celle-ci est en butée, on gonfle le moyeu à 650 bar, en avançant encore l'hélice, jusqu'à obtenir la cote contrôlée avant démontage. Puis on relâche la pression, on freine l'écrou, et c'est terminé. Une vue également d'une crosse de manœuvre de flap de safran. Et aussi un gros plan sur une douille "simplex" de garniture d'étanchéité d'étambot. On distingue bien l'usure provoquée par les lèvres des joints tournants.



Et enfin, pour terminer pour aujourd'hui, divers clichés de travaux coque. Une vue des aspirations des pompes d'assèchement du puits, dans la fosse de la soupape de vidage arrière. Manutention d'un tronçon de collecteur de jetting DN 500 vers et dans un "void space", à travers une brèche découpée au fond du puits.


Fosse de soupape de vidage
Manutention d'un tronçon de collecteur de jetting
Brèche découpée au fond du puits

Puis pose d'un insert  sur la coque (noter la façon d'ajuster la tôle avant soudure, au moyen d'étriers soudés et de coins). Inspection des buses de lavage au fond du puits. Réparation d'une fêlure après meulage. Enfin, une vue de la salle des moteurs de propulsion sans lesdits moteurs, dont on verra l'embarquement la semaine prochaine.


Pose d'un insert
Inspection des buses de lavage
Réparation d'une fêlure
Salle des machines... sans les moteurs

A suivre...


18 juillet 2009

Le navire n'est pas dans l'axe de la cale car celle-ci, pas assez large, ne permettrait pas de déborder et de descendre l'élinde sur les tins. Gros travaux sur cette élinde : sur la troisième photo (intitulée "bossoir 1"), ledit bossoir est à sortir entièrement, il faut donc déposer tout ce "fouillis" de câbles électriques et de conduites hydrauliques.



Ci-dessous, quelques clichés des formes arrières assez travaillées; avec des tuyères intégrées à la voûte arrière. Les formes furent beaucoup travaillées pour installer une puissance minimale ; c'est bien pour la route libre, mais en manœuvre, ce navire manque hélas de puissance. Les hélices sont à pales fixes, du fait que la propulsion est  du type diesel électrique.


Et maintenant, quelques vues détaillées des safrans à flaps type "Becker", mais ici l'appareil à gouverner est fabriqué par Rolls Royce. Ils sont indépendants, et ont été placés à droite toute et à gauche toute, de façon à pouvoir travailler plus facilement sur les hélices...Il n'était pas prévu que nous touchions à ces dernières, mais nous avons découvert les garnitures d'étambots en mauvais état, ce qui nous contraint à déposer les hélices pour changer les douilles et les garnitures "Simplex".

A remarquer, sur les clichés, l'avantage du système de flaps, qui permet de "mettre" l'équivalent de 90° de barre. Un petit détail : sur la plupart des navires la barre "toute" est limitée à 35°, alors qu'ici les safrans principaux peuvent être orientés à 45°. Le flap est lié au plan mince principal par une crosse. L'orientation du flap varie proportionnellement à l'orientation du safran principal (cette liaison est purement mécanique, il n'y a aucun asservissement).



Egalement  quelques vues du fond du puits à déblais, qui n'est accessible qu'en cale sèche. Sur le deuxième cliché ci-dessous, on peut apercevoir en haut l'un des deux répartiteurs de chargement, le gros collecteur ajouré. Également visibles les tiges de soupapes de vidage, qui font 15 m de haut. Le diamètre des soupapes est de 4 m.

Au premier plan, il s'agit d'éjectairs d'assèchement, fonctionnant sur un principe bien connu des amateurs de Bernouilli. Le collecteur d'entrée d'eau motrice (débit 2 700 t/h à 7 bar) fait 900 mm de diamètre, la sortie 500 mm. Le collecteur d'aspiration fait également 500 mm de diamètre. Les deux éjectairs aspirent dans la fosse de la soupape de vidage arrière. Pourquoi ces éjectairs ?  Le navire se vide par les soupapes, mais il reste, après rinçage, 1 000 à 1 500 m3 d'eau dans le puits. En effet, soupapes ouvertes, le niveau de la flottaison est équivalent au niveau dans le puits, d'où la nécessité d'un circuit d'assèchement, une fois les soupapes refermées. A noter aussi les nombreuses buses de rinçage, qui servent aussi à la liquéfaction des chargements de sable.



A gauche, une soupape de vidage. La photo de droite, faite sur le répartiteur de chargement (cf. alinéa précédent), .montre un "trou", dégât dû à l'usure de la tôle qui faisait pourtant 30 mm d'épaisseur à l'origine...Une fois la tôle usée, elle commence à se percer, puis les cailloux dragués, projetés à grande vitesse, continuent  d'agrandir le trou. Sur l'autre répartiteur, les dégâts sont plus importants, nous le verrons ultérieurement (en effet, nous changeons les répartiteurs, et il sera plus aisé de les montrer sur le quai). Comme on peut le constater, rien n'est peint dans le puits, car aucune peinture ne tiendrait... la tôle est "sablée" à chaque chargement !


Françoise Massard (26.07.2009)

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