Une traversée à bord du MOLENEZ 
Erwan Guéguéniat
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Photo Yannick Le Bris
Ce navire, exclusivement réservé aux marchandises, est propriété de la compagnie Penn Ar Bed, financée par le département, dans le cadre de la continuité territoriale. Il dessert principalement Ouessant, Molène et Sein. Il fait 3 à 4 voyages hebdomadaires, et souvent un voyage supplémentaire exclusivement réservé aux poubelles. Dans ce cas il fait les trois îles dans la journée.
Caractéristiques principales
IMO 8998813
Propriétaire / Gérant Penn ar Bed
Jauge brute / nette 365 /
Port en lourd 250 tonnes
Dimensions 36,50 x 8,20 x 4,00 m
Tirant d'eau 2,66 m
Motorisation Moteur ABC 6DZC
Puissance 1 250 kW
Propulsion une hélice
Vitesse 12 nœuds
Construit en 2000 par Constructions Industrielles de Bretagne

Vendredi 2 septembre j'étais invité à bord, pour une tournée des Iles. Le navire a commencé à charger la veille, et le matin arrivée et embarquement des derniers conteneurs contenant du frais. Il peut charger 52 de ces petites boites. C'est donc un des plus petits porte-conteneurs du monde, mais c'est aussi et surtout un cargo de divers, qui peut aussi charger du matériel roulant, engins de chantiers, bus, etc. Entre la cale 2 et le château un espace est réservé au "roulant", qui embarque directement "bord à quai" après dépose des pavois. Le Molenez est équipé de citernes à combustible "cargo", mais il embarque aussi des conteneurs spéciaux d'essence, de gas oil, saisis avec les traditionnels twist locks. Ce jour nous transportons du dangereux, gaz et essence, donc pavillon rouge "Bravo" à poste.
  Appareillage au petit matin, le soleil levant offrant un éclairage sublime. Une petite heure plus tard, passage à la Pointe Saint Mathieu, la mer est comme un lac.
A 10 heures 30, arrivée à Ouessant, en même temps que le ROSE HERE de la compagnie Finist'mer. Accostage au port du Stiff. Les aussières ne sont pas encore raides que la grue est déjà mâtée, le déchargement commence.
Vers 12 heures 30, tout le monde à table pour un excellent repas, préparé par le matelot cuisinier.
Puis embarquement en cale 2 des derniers conteneurs . Et une pontée de bouteilles de gaz vides, chargée à l'emplacement du roulant, en arrière de la cale 2.
Ce jour il n'y a pas beaucoup de cargaison, le plan de chargement est fait par le bosco, sous l’œil approbateur du capitaine. Mais pour de plus important chargements, comme dernièrement pour le tournage d'un film à Molène, le logiciel de chargement est utilisé. On essaye aussi, afin de faciliter les choses et d'éviter les erreurs de destination, de charger une cale pour une île, et une autre pour l'autre île. Au besoin on joue sur les capacités eau de mer pour la gîte et l'assiette.
Vers 13 heures 30 la machine est lancée, le navire tient à quai grâce au propulseur d'étrave et au propulseur orientable arrière. Fermeture des panneaux, et appareillage pour Molène, il faut faire vite, la mer descend et nous sommes dans une période de gros coefficients. Il y a juste un conteneur à décharger, et deux à charger, ça devrait aller vite
 
L'escale de Molène
La mer est déjà bien basse, approche en avant très lente. Surprise, ce ne sont pas deux boites qui sont à charger, mais quatre. Il va falloir faire extrêmement vite pour ne pas rester échoué. Le Capitaine a les yeux rivés au sondeur, le bosco est à l'avant à surveiller le fond, parfaitement visible. Le tout est de mettre la grue au niveau du quai. Le navire se colle alors qu'il reste une bonne partie de l'arrière accostée à rien du tout. Pas d'aussières, on reste accosté avec le propulseur d'étrave et l'azimutal arrière.
La grue s'occupe de décharger le conteneur citerne. La mer est trop basse, et même la grue mâtée à bloc, le fond du conteneur touche les rambardes du quai. Le grutier, très habile, joue avec le ballant et les effets de gîte pour passer par dessus la rambarde.
Mise en place de twist locks et embarquement des boites vides. Le capitaine surveille le sondeur, en 10 minutes la mer a descendu de 60 centimètres. Au sondeur il reste 80 centimètres sous la quille, on cule un peu pour charger la dernière boite. Celle ci à peine décollée du quai et à l'aplomb de la cale, machine en arrière très lente. On n'utilise pas le moteur principal, mais le propulseur azimutal. En effet, le fond très proche est tapissé de laminaires accrochés à des cailloux plus ou moins gros. Avec l'effet d'aspiration, ceux ci pourraient être projetés sur l'hélice, et les algues pourraient s'enrouler autour de l'arbre avec un caillou au bout, qui risquerait aussi de causer des dégâts. Aujourd'hui la mer est d'huile, mais avec un peu de clapot ou de houle cette escale aurait été annulée.
Le propulseur azimutal, électrique, peut aussi servir de propulsion de secours, en cas d'avarie sur le moteur principal. Il permet, par beau temps, une vitesse de 3 nœuds.
Appareillage de Molène, et route directe vers Brest. Une vue de la passerelle fort bien équipée, avec la mascotte qui participe à la veille.
Beaucoup de monde sur l'eau, la mer est toujours plate. On croise des pêcheurs, des cailloux bien entendu, des phoques, des voiliers, et kayaks de mer, qui "sortent" difficilement au radar. Mais aujourd'hui la mer est si calme que tout donne de bons échos, les kayaks, les bouées de casiers, les oiseaux...Et heureusement.
En effet, en arrivant à la hauteur du Conquet, le temps devient blanc, puis la visibilité tombe à moins de 200 mètres. Brume de chaleur, il est toujours impressionnant de ne rien voir devant, alors que le ciel est bleu, et que le soleil brille. Le bancs ne fait que 10 à 15 mètres de haut. Immédiatement la veille est doublée, le capitaine au radar. La vitesse est instantanément réduite, manœuvre systématique sur les navires de la Penn Ar Bed en cas de visibilité réduite... Je trouve ça très bien, en effet, ailleurs, il est rare de ralentir.
Un voilier norvégien sort de la brume, au début je ne vois que le haut du mât. Sur la photo 34, on devine à peine le voilier. On y voit aussi nos remous, qui prouvent que nous manœuvrons très franchement, et largement à temps, comme l'imposent les règles de barre et de route. Et encore un bon point pour la Penn Ar Bed, car il est vrai qu'ailleurs on manœuvre au minimum. Et puis il y a beaucoup de petits bateaux sur l'eau, avec des kayaks de mer presque indétectables au radar, et qui ne sifflent pas. Mais en cas d'abordage, dans les médias ce sera toujours de la faute du méchant cargo! Prudence donc, à tout point de vue.
Puis le phare, le sémaphore et l'abbaye de Saint Mathieu sortent de la brume, ils semblent suspendus dans le ciel, la falaise perdue dans la brume. Scène extraordinairement belle, mais difficile à photographier. Puis les Vieux Moines, la tourelle rouge, sort brusquement
Saint Mathieu passée, la visibilité s'allonge, on passe devant Le Minou, le poste de garde de Michel. Un coup de jumelles, il n'est pas là.
Quelques vues de la machine, qui mérite quelques mots. En effet celle ci est vaste, et magnifiquement, vraiment magnifiquement, entretenue. On mangerait sur les parquets, et plus rare, dans la cale machine aussi. Le moteur principal est belge, c'est un ABC semi rapide, au bruit fort agréable. On remarque qu'il ressemble à un vrai moteur, contrairement aux abominables, infernaux, Wartsila W200 que je connais particulièrement bien. Ici pas une fuite, et tout est accessible. Superbe, il n'y a pas d'autre mot. Les moteurs ABC sont de bonnes machines, fiables, simples, économiques, à tel point que le directeur technique de la Penn Ar Bed, en fin connaisseur, a choisi des moteurs ABC pour le FROMVEUR II
  Sur le Molenez, un seul bémol, la hauteur sous plafond de l'atelier, situé au local barre. Il ne faut pas faire 1 mètre 90. Sur la photo 49 on distingue sur bâbord le moteur électrique du propulseur azimutal arrière.
De la proue à la poupe, de bâbord à tribord, de la quille à la pomme de mât, en passant par les cabines, la cuisine, le carré, la passerelle, etc, tout est superbement entretenu sur ce navire. Le chantier CIB de Brest a réalisé un superbe navire, qui aux dires de chacun est une belle réussite. Chaque appareil est robuste, à l'image de la grue Hydramarine, qui est une grue marine et non une grue de camion marinisée. Idem pour les panneaux de cales de type portefeuille, du Mac Gregor à la solide réputation.
  Puis arrivée à Brest. Sur le quai, des épaves de voitures ramenées la veille des trois îles. Et un vieux camion ramené de l'île de Sein. Il est bien attaqué par la rouille.
Ce fut une bien belle journée qui m'a permis de découvrir une journée de travail au service des îles et de ses habitants. Le temps fut exceptionnellement superbe, mais en hiver c'est certainement une autre histoire, peut être un jour ferai-je le voyage par mauvais temps, histoire de me rendre compte
 
Je remercie la Penn Ar Bed, et l'équipage du Molenez, pour son excellent accueil.
Un merci appuyé à Jakez Ar Quéau, le chef mécanicien, un ami, qui m'a organisé ce voyage.
 

 

 

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