Pilotin à bord du pinardier DAHRA
(Gilbert Jaux)

 

Le DAHRA, du nom d'un massif montagneux algérien, était un pinardier de la SAGA
(Société Anonyme de Gérance et d'Armement).
Construit en 1959 par les chantiers Dubigeon de Nantes, il a été racheté en 1971
par l'armement Leduc Fils & Cie. Puis en 1978 il a été vendu à des Libanais.
Il a fini sa carrière comme transporteur d'eau, ce qui se pratique en particulier dans
les iles grecques.
Il a finalement été démoli en Inde en 2002, à 43 ans, grand âge pour un navire.

IMO 5084104 - 99,70 x 14,61 x 6,81 - TE 5,97 - JB 3 027 - TPL 4 350
P 2 317 kW (Fiat B526TS) - V 13,5 nds

 
« Je n’ai pas fait carrière dans la marine mais j’ai à 72 ans quelques vieux souvenirs à partager »
 
Lors de ma deuxième année de la radio à l’Ecole Centrale d’Electronique de Paris en 1967 j’ai eu la chance de faire partie des cinq élèves choisis pour faire un petit stage en tant que pilotin radio à bord d’un navire. Après l’accord de mes parents (et oui la majorité était encore à 21 ans), me voilà parti pour Rouen où je devais rejoindre le Dahra. L’accueil par les officiers et l’équipage fut très sympathique, cela m’a mis en confiance. Je me suis donc installé dans la cabine en compagnie de Jacques (?) un élève mécanicien qui lui aussi avait eu un stage. Notre cabine était sympathique et assez spacieuse, donnant sur l’extérieur sous la passerelle.
Après notre installation, le bosco nous fit visiter tout le navire et nous présenta l’équipage. Je fis connaissance avec l‘officier radio avec qui je devais apprendre le métier sur le tas. Nous étions une bonne vingtaine à bord dont 6 officiers (Commandant, Second, 2 Lieutenants, Officiers Radio, Officier mécanicien).  
 
Nous partîmes le lendemain en direction de Bastia pour 7 ou 8 jours de mer. A la sortie de la Seine nous sommes passés sous le magnifique pont de Tancarville, puis direction le sud ; nous longeâmes les côtes normandes, le large de la Bretagne (Ouessant) puis plus rien jusqu’au cap Finisterre en Espagne. Au large des côtes portugaises, la nuit a été un peu stressante si je me souviens bien pour nos officiers de pont car le Dahra devait traverser une zone de pêche intense et pour nous radios essayer de faire le tri sur les ondes dans le brouhaha des chalutiers portugais et espagnols. Après le passage du cap Saint Vincent et du cap de Sagres, magnifiques falaises (j’y suis retourné voilà quelques années mais par la terre), direction le détroit de Gibraltar.
Bien entendu la bande des 500khz est en veille permanente. J’ai également appris à consigner sur le carnet de bord toute transmission, celui-ci pouvant être contrôlé par les autorités compétentes (les PTT à l’époque). Pour l’instant l’officier radio (je ne me souviens malheureusement plus du nom) ne me laisse pas encore manipuler mais me laisse prendre en morse. Je suis un peu surpris car cela va moins vite que je le pensais, j’avais appris à lire au son beaucoup plus vite. Plus tard il me laissa envoyer des messages et gérer la station radio (sous sa surveillance). L’indicatif du Dahra est FNDS. L’entrée en Méditerranée au pied du rocher de Gibraltar est magnifique. Cap au NE direction le cap Corse. La traversée en diagonale de la Méditerranée n’a pas été de tout repos malgré le beau temps une bonne houle faisait rouler le bateau citerne qui était seulement légèrement lesté. Je commençais à souffrir du mal de mer devant les visages amusés des vieux loups de mer du bord. Après avoir doublé le cap Corse et plusieurs jours de mer l’arrivée à Bastia se fait sous un beau soleil. A peine arrivée les camions citerne sur le quai font la queue pour charger notre pinardier. Au port le travail du radio est terminé donc je peux descendre à terre pour me dégourdir les jambes.
L’océan a été calme, ce qui m’a surpris je m’attendais à souffrir du mal de mer, cela sera différent en Méditerranée finalement moins sympa.

Le radio a commencé à m’apprendre le métier et les astuces pour pouvoir être dans les premiers navires pour recevoir les messages de Saint Lys radio (FFL) car c’est un peu la loi de jungle et le plus rapide est servi le premier, pour les derniers faudra attendre la fin de transmission de St Lys. Le Dahra est un H8, c’est-à-dire 2h d’écoute quatre fois par jour (si je me souviens bien).

A bord dans le carré des hommes d’équipage l’ambiance était souvent joyeuse et familière, la nourriture préparée par le chef était très correcte. Pour moi le seul petit inconvénient au début de mon périple était le roulis puis petit à petit je me suis habitué.

Le lendemain de notre arrivée à Bastia nous larguons les amarres pour Alger. Après avoir doublé le cap Corse, direction plein sud. Pendant cette traversée je passais la majorité de mon temps libre sur la passerelle de commandement et chose sympathique les officiers me laissaient, sous contrôle bien sûr, tenir la barre. Une expérience agréable. J’ai appris énormément de choses pendant cet embarquement.

 

   

Alger, interdiction de sortir du port mais comme tous jeunes effrontés, mon ami Jacques (l’élève mécanicien) et moi avons fait le mur pour nous balader dans Alger dépenser quelques francs (interdit normalement et passés dans nos chaussettes). Grosse soufflante du pacha au retour. Après 2 jours sur place et le chargement du vin algérien dans les citernes fait, départ vers Valence en Espagne.

Valence, autre ambiance, nous sommes arrivés pendant une grande fête dans la ville et nous avons pu nous mêler à la foule en liesse. Le 2ème jour alors que nous buvions une bière dans un bar du port une bagarre entre deux équipages de navires (dont un hollandais si je me souviens ?) s’est terminée avec l’arrivée de la police. On se serait cru dans un film.

Après Valence retour en Algérie : Mostaganem pour charger les dernières cuves, puis retour sur Rouen. Voyage sans problème particulier sauf l’obsession, du commandant, de l’horaire pour entrer dans l’estuaire de la Seine avec la marée. Donc machines à fond. Finalement nous sommes entrés juste à temps. Mon dernier soir à bord c’est fini par une bonne cuite un peu préméditée par l’équipage. J’ai donc débarqué le lendemain avec une gueule de bois et pris le train vers Paris, heureux de ce voyage et ne regrettant pas cette expérience.

Le Dahra continua sa route vers des ports nordiques : Brême, Hambourg….

*Les impondérables de la vie ont voulu que je ne fasse pas carrière dans la marine marchande mais j’aime toujours les navires, d’ailleurs chaque année depuis 40 ans j’ai la joie de prendre en tant que touriste des ferries qui me mènent d’Italie en Grèce (pays de mon épouse).

Quelques rencontres...:

Cette page appartient à Marine-marchande.net