Le pétrolier TI EUROPE en carénage à Brest, juin 2013

  Le pétrolier TI EUROPE est arrivé à Brest le 31 mai pour carénage aux bons soins de Damen Shiprepair Brest. S'il en est un qui mérite l'appellation de Ultra Large Crude Carrier (ULCC) c'est bien lui, puisqu'il s'agit du plus grand pétrolier du monde. Il y en a eu de plus grands, mais tous ont depuis été recyclés.
 
Caractéristiques principales
 
IMO 9235268  
Dimensions 380,00 x 68,00 x 34,00 m  
Tirant d'eau été 24,525  
Jauge brute / nette 234 006 / 162 477 ums  
Port en lourd 442 470 tonnes  
Capacités 490 505 m3 / 3 085 183 bbls  
Motorisation Sulzer 9RTA84T-D  
Puissance / vitesse 35 091 kW / 16 nds  
Construction 2002 par Daewoo, Geoje (Corée)  
Pavillon belge  

Ils étaient quatre sister-ships construits entre 2002 et 2003 pour le compte de la compagnie Hellespont Steamship, filiale du groupe Papachristidis. Nommés respectivement Hellespont Alhambra, Fairfax, Metropolis et Tara, ils étaient destinés au transport de pétrole du Golfe Persique vers Los Angeles. Deux ont été convertis en Floating Storage and Offloading units les FSO Africa et FSO Asia, dont Euronav possède 50%.
Deux sont restés des pétroliers, les TI Europe et TI Oceania, ce dernier étant désarmé. Le TI Europe, propriété à 100% d'Euronav est donc bien le plus grand pétrolier en service. De plus il a un port en lourd légèrement supérieur à celui de ses jumeaux. S'il est resté techniquement un pétrolier il vient cependant de finir un contrat de stockage pour le groupe brésilien Petrobras, et c'est pourquoi avant de se repositionner sur un autre marché il lui fallait passer en cale sèche, pour des visites règlementaires, quelques travaux, et surtout un carénage complet. Brest était une des options et c'est Damen Ship Repair Brest qui a obtenu le contrat, grâce à son expertise et aux dimensions de la forme de radoub N° 3 .
     L'arrivée
Le 31 mai à 09:00 le navire arrive sur rade. Les pilotes sont à bord, ils sont trois pour l'occasion, en raison de la taille du navire et de l'absence d'ailerons de passerelle. Le temps est idéal pour tout le monde, de la lumière et une légère brise, dans l'axe de la forme N° 3. Les remorqueurs vont à sa rencontre et se mettent en position. Ils sont sept, les trois brestois et deux militaires, plus le Bretagne venu de Lorient et le VB Nantes de Saint Nazaire. Ils ne pourront pas entrer dans la forme et sont donc disposés : deux de chaque bord pour maintenir le bateau dans l'axe, les autres à l'arrière avec remorque, pour freiner.
Quand il approche, le pilote, de la timonerie, ne voit plus la cale sèche mais seulement le pont du navire et les alentours assez loin devant et sur les cotés. Il doit se fier aux indications données par ses collègues postés en abord. Une fois à portée, une amarre de bout est envoyée de chaque bord et capelée sur un croc de déhalage. Il s'agit de fils d'acier très lourds et il faut des canots costauds. La queue en nylon est lourde elle aussi, mais néanmoins maniable à force de bras.
Un peu plus tard une deuxième amarre est envoyée de chaque bord, les crocs ont été doublés, et le déhalage commence.
Les deux treuils sont commandés d'un pupitre situé dans l'axe de la forme. L'opérateur est très concentré. Un officier de port peut admirer au passage la colonie de moules collées à la coque, souvenir des années de stockage. Un des pilotes vérifie en permanence que le bordé reste bien parallèle au quai. Les remorqueurs ont fini leur travail, sauf les Bretagne et VB Nantes qui sont prêts à stopper le navire.

Une fois rentré, le TI Europe est accosté sur bâbord, où des défenses "Yokohama" ont été installées. A la satisfaction générale tout s'est bien passé !

Le bâtiment de la direction du chantier arbore le pavillon français, Damen, belge en l'honneur d'Euronav, et le Gwen-ha-Du, pour faire plaisir aux indigènes :-)

     Visite du navire
Le 5 juin je viens visiter le navire. Coïncidence le petit paquebot Europa est accosté au quai voisin. Pour les passagers le TI Europe est l'attraction majeure de leur escale. Je monte à bord par la coupée avant et la vue du pont est impressionnante. Deux caréneurs sablent l'étrave, leur nacelle est à une trentaine de mètres au dessus du fond de la cale !

Les bouches de chargement et la traverse entre les collecteurs sont imposantes. Le bloc aménagements a une silhouette originale. Les ailerons de passerelle sont courts et la timonerie est posée sur deux colonnes, laissant un vide au milieu. La colonne tribord abrite une cage d'ascenseur, celle de bâbord un escalier. Ce qui surprend le plus c'est que les ailerons de passerelle sont très courts, et aussi cet espace vide au milieu qui fait une sorte d'arche, assez beau au fond. Une des raisons est qu'à cause de la longueur du navire, la passerelle a dû être mise très haut, pour ménager une vue sur l'avant conforme aux règles Solas. Les ailerons, pour aller jusqu'en abord, auraient nécessité une structure importante. Le volume du bloc était trop important pour loger les locaux et un espace vide a moins de prise au vent.

Les guindeaux et treuils d'amarrage sont à la taille du navire, très gros !
Il a fallu mettre la bouée d'homme à la mer au niveau du pont principal pour qu'elle puisse tomber à l'eau. Et du coup on a installé une commande à distance hydraulique disposée sur l'aileron.
En passant on remarque des boîtes fixées au pont. Elles abritent des enregistreurs de déformations du pont.

La passerelle
Le commandant belge Jean-François Pirenne m'a accueilli très cordialement et m'a accompagné lors de la visite de la timonerie. C'est toujours par là qu'on commence ! Une timonerie très classique, avec tous les équipements modernes, et une vue panoramique

On se rend compte que d'ici le pilote ne voyait ni les cotés ni l'avant de la cale sèche, ce qui n'est pas confortable.

Deux particularités à noter. Le moteur principal peut tourner à très faible vitesse, "Super Dead Slow", ce qui est intéressant quand on fait des transferts "ship-to-ship".

Le safran peut être orienté à 45° au lieu de 30.
Son action est alors puissante en manœuvre. Mais il ne faut pas utiliser cette position à plus de 7 nœuds.
Une alarme sonore le rappelle en permanence.

Un plan détaillé rappelle les emplacements et caractéristiques de tous les apparaux de manœuvre, chaumards, bittes, etc.
Quelques chiffres : les 26 fils d'acier d'amarrage font chacun 365 m de long et 42 mm de diamètre. Les ancres pèsent 21 750 kg, et sont dotées de 14 maillons de chaîne.

Sur la table à cartes on trouve les deux systèmes de tracé: les règles parallèles Captain Fields' et les triangles de navigation Portland. Instruments qui paraissent peu commodes aux Français habitués à la fameuse règle Cras.


Second capitaine
Le PC Cargaison donne sur les collecteurs de pont. L'installation est classique et complète. Les niveaux dans les cuves cargaison sont détectés par radar et l'information envoyée au calculateur de chargement. Le niveau dans les ballasts est mesuré par bullage d'air. Les commandes hydrauliques des vannes sont disposées sur un synoptique schématisant les circuits.

collecteurs de pont

Pupitre cargaison et ballast

Niveaux dans les ballasts

Calculateur de chargement

Alarme niveaux et gaz des ballasts

Coffret gaz inerte, cargo et ballast

La chambre des pompes, soulignée en rouge, est tout au fond, c'est à dire à 34 m sous le pont principal. Les échelles sont longues quand on remonte! Un puits vertical permet le hissage de matériel ou d'un brancard. En bas les trois turbo-pompes de cargaison sont repérées en rouge, jaune et vert, comme toujours, ainsi que leurs colonnes de déchargement. D'une capacité de 5 000 m3/h elles sont entrainées par des turbines situées au-dessus, dans le compartiment machines, d'où ce décrochement. Un système de mise sous vide évite aux pompes de désamorcer en fin de déchargement. Les pompes de ballast, bleues, sont plus modestes. Mais la capacité totale des ballasts est de 151 272 m3 ! Tout le local, y compris la cale, est d'une propreté immaculée.

La salle des machines.
Là encore une installation devenue très classique, mais qui impressionne par sa taille. Le navire est classé UMS (Unattended Machinery Space), le moteur est commandé de la passerelle. Mais tout est surveillé du PC Machine, qui peut prendre la commande en cas de besoin. A la mer le quart n'est pas nécessaire.
 
Le moteur principal Sulzer 9RTA84T-D, comporte neuf cylindres, comme son nom l'indique, d'un alésage de 84 cm. On aperçoit un piston de rechange en panoplie, et des chemises de rechange. La personne qui se trouve à coté mesure 1,80 m, on en déduit la longueur de la pièce environ quatre mètres.

 

Vue générale

Chemises de rechange

Injecteurs, et "web captain"
Ce moteur était le plus puissant du monde quand il a été fabriqué, avec 50 000 hp, on atteint maintenant le double pour les porte-conteneurs qui naviguent à beaucoup plus grande vitesse. Celui-ci mesure la bagatelle de 17,50 mètres de long et pèse 1 260 tonnes.

Parquet intermédiaire

Turbo-soufflantes

Poste de commande manuel.

Arrière du moteur

Trois groupes Wärtsilä

Salle des séparateurs

Compresseurs, et ballons air 30 bars

Atelier

Les aménagements. Lors de ma visite l'équipage comptait 16 personnes. Les officiers sont belges, bulgares et croates. Le personnel d'exécution est philippin. Je n'ai pas visité de cabines pour ne pas déranger, elles sont toutes équipées de salle d'eau complète. Les locaux communs sont tous au deuxième pont. Les bureaux, salles à manger, salons cuisine...
La très vaste salle à manger est divisée en deux parties, officiers et équipage. J'ai eu l'honneur et le plaisir de déjeuner avec le Commandant.
Dans le salon équipage, un billard qui se joue avec des palets au lieu de boules, jeu très répandu chez les équipages philippins.
 

Je remercie sincèrement Euronav de m'avoir autorisé ce reportage. Un grand merci au Commandant J.F Pirenne et à son équipage pour leur accueil chaleureux.


Pour voir le carénage, cliquer ici.

Le TI Europe a attiré tous les photographes amoureux des bateaux : Michel Floch François Guiganton  

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