Marion Dufresne, janvier 1997

Après la visite complète du Marion Dufresne II, à Brest, par Hervé Cozanet, je me devais de prolonger l'évènement en replaçant ce navire unique dans son élément de prédilection :
la navigation vers les fameuses TAAF, entre "quarantièmes rugissants" et "cinquantièmes hurlants".
Pour tout vous avouer, j'étais venu chercher un voyage en cargo dans la Baltique (dont on m'avait dit le plus grand bien... je le vérifierai quelques années après et vous en parlerai)
...mais quand Catalina da Silva m'a montré la plaquette de présentation du tout nouveau MD II, précisant qu'il prenait depuis peu des passagers touristiques,
qu'exceptionnellement il devait aussi passer à l'île australienne HEARD, pour y déposer une équipe internationale de radio-amateurs, qu'on débarquait souvent en hélico,
qu'on cotoyait et mangeait avec des scientifiques de tous poils... et que ce navire tout neuf portait les couleurs de la CGM, j'ai dit banco !
Un prix élevé certes, mais vu le programme... et sentant la fin d'une liaison coté cœur, voulant aller au bout du monde
... rien ne valait les Kerguelen !

La France est déjà un pays béni des dieux par son extraordinaire variété naturelle, tant en métropole que dans les DOM-TOM, mais quand elle vous permet aussi de vous sentir l'âme
d'un explorateur, à la découverte de terres vierges, situées loin de tout et peuplées de manchots, alors vous dites "Vive la France" !
Car si j'ai vu pas mal de coins merveilleux un peu partout dans le monde, c'est véritablement le voyage vers les terres australes françaises qui m'a mis, le temps d'un embarquement
touristiqure, pendant tout le mois de janvier 1997,
dans la peau d'un découvreur, grâce au Marion Dufresne II, seul navire ravitailleur des bases durant l'été austral (parenthèse entre ses missions océanographiques dasn le monde).

J'espère que cette série de photos (non numériques à l'époque) vous donnera un petit aperçu de ce voyage extraordinaire.

 
 

La Réunion est derrière nous..mais les 40èmes sont encore loin...photo prise à l'arrière du pont (la cabine vitrée est celle du PC pour les campagnes océanographiques).
Dans le hangar, l'hélico Lama; modèle déjà ancien (et qui depuis a été remplacé) il paraît fragile mais est très maniable et peut embarquer 4 passagers + le pilote
     

Suite à changement d'itinéraire, HEARD est la première île, après plus de 6 jours de mer. Ile peu accessible, elle est inhabitée et, la plupart du temps dans la brume, le plus haut sommet australien
            ..au bout du monde! Nous y sommes pour y déposer, durant 15 jours, une équipe internationale de radio-amateurs.  Onaperçoit la base fantôme, tandis que l'hélico poursuit ses rotations.

Dans le froid et le vent (il paraît que c'est l'été austral?)  "Tonton", le pilote du Lama effectuera une cinquantaine de rotations, entre 04h00 et 09h30 du matin, pour décharger les 20T des radio-amateurs..
            qui sont là pour battre un record mondial.

Grâce à une autorisation (demandée préalablement à l'Australian Antarctic Division), je fais partie de la dizaine de personnes (outre les r-a) à pouvoir poser le pied sur Heard ! Mais je n'envie pas les r-a, qui vont camper là,  durant 15 jours, rien que pour établir leurs liaisons radio avec le monde...l'espace de quelques fenêtres temporelles...


La station scientifique australienne fut maintenue de 1947 à 1955, avec 14 hommes. Depuis, les éléments naturels ont fortement contribué à cet aspect de désolation..et visiblement tout le matériel n'a pas été remporté .  Il y avait même un éléphant de mer à l'intérieur de cette cabane (on le distingue à peine) !

Placide (tant qu'on reste à distance), chez lui, l'éléphant de mer fait partie du décor; Un bref regard au visiteur parisien, puis il repris sa sieste.

 

Et PAF ! (Port-aux-Français) Ce nom, bien connu des marins et figurant à la poupe de bien des navires marchands, c'est finalement une rencontre logique avec le Marion, dont c'est le port d'attache (depuis, c'est Marseille). Les goélands dominicains, posés sur tout l'avant, sont les premiers à venir nous rendre visite

           

Les passagers-touristes  "sédentaires" du Marion, comme je le suis (car il ya un groupe de treekers, qui va rester un peu plus de 15j aux Kerguelen) , sont dirigés en hélico ,vers le cap Ratmanoff,  à une trentaine de kilomètres, pour passer quelques heures sur la plage.  Bel été austral n'est-ce pas ?

                       
Ici, point de zone d'atterrissage: l'hélico nous "lâche" sur un tapis végétal, qui descend jusqu'à la plage et dans lequel on s'enfonce jusqu'au genou. Un conseil: n'oubliez surtout pas vos bottes!
 

Par cet été austral, tandis que je dois rester dos à cette pluie quasiment horizontale (Jean-Claude Kauffman nous avait prévenus !), les manchots se promènent ici et là, sous l'oeil impassible des éléphants de mer.

- Royal ! C'est le manchot  le plus courant et innombrable dans les TAF. Apropos, pingouin ce n'est pas dans cet hémisphère..ou alors c'est du british! Quant au manchot empereur, c'est encore un peu plus bas en Antarctique.

     

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A la base de Crozet, on peut être à peu près sûr que le drapeau français flotte au vent en permanence. Etablie depuis 1963, la base ne compte que 25 personnes; Pas beaucoup de charme,
            mais son site la rend beaucoup plus sympathique que PAF .

Toujours près de le la Baie du Marin, la grande manchotière (et ce n'est pas la plus grande) : très impressionnant.

Surprise: plus petit et grassouillet, le manchot papou a quand même moins d'allure..mais il fait plus sympathique. Et que fait celui-ci tout seul ? Le premier passage aux Kerguelen et à PAF nous aura laissé transis et humides des pieds à la tête; heureusement le second sera plus ensoleillé et sec....Mais n'anticipons pas et le Marion poursuit son ravitaillement des îles, en remettant le cap vers le nord et Crozet.


  SAINT PAUL

Toujours en remontant, avec davantage de chance de temps clément, l'île St Paul est l'étape suivante: en fait un cratère dans l'eau avec un pan totalement effondré, qui  ne laisse pourtant qu'une petite passe, pour des embarcations secondaires (comme celle que l'on voit sur le pont du Marion).

                                                                                                 
Cette photo (prise après une petite escalade sur le côté ébréché) permet de mieux saisir la taille réciproque de l'île-cratère et du Marion.

Ici était les pêcheries et conserveries de LA LANGOUSTE FRANCAISE, entre 1928 et 1931; il ne reste que des piles de couvercles où l'on devine encore en relief "la langouste française", soudés entre eux et rongés par le temps; par contre le filon de langoustes est toujours là..et elles sont délicieuses !

Promenade en zodiac dans le lac "intérieur" d'un diamètre de 1.000 m; ici nous avons passé une journée d'été presque paradisiaque, alors que St Paul est plutôt une île maudite, si l'on en juge par les tragédies qui s'y sont déroulées, avec "les oubliés de St Paul", au début des années 30

           
Sur terre, les otaries sont très méfiantes, mais quand nous sommes dans leur élément (à bord du zodiac), elles viennent même nager à côté de nous, la curisité l'emportant.
Sur la jetée du côté des restes de l'usine, nous aurons la chance de voir ces bébés otaries, qui aboient comme de petits chiens.
Arrivant du rivage, pourtant déjà inexistant ici, les gorfous-sauteurs n'ont rien trouvé de plus facile que d'aller nicher vers le haut du cratère, en passant par un chemin assez escarpé !

Tandis que tous les passagers-touristes seront restés une seconde nuit à l'île d'Amsterdam, je serai le seul passager "volontaire" pour rester à bord et retourner à St Paul, le temps que l'hélico réalise l'opération anit-rats (réhabilitation écologique de l'île); pendant ce temps je participerai à la partie de pêche à la ligne du bord..et j'attraperai une "fausse-morue", de  taille très impressionnante (photo sur demande).

           

Et puis (et afin de rendre hommage à ces seigneurs des mers, même s'il ne s'agit ici que d'albatros à sourcil noir) j'assisterai au ballet des albatros: l'aéronavale n'a rien inventé !

Photo prise de la jetée au téléobjectif, le Marion évitant sur son ancre, tandis que l'hélico s'apprête à aponter: c'est comme cela que l'on perçoit mieux l'échelle humaine (cf le mécanicien sur la plate-forme d'apontage) par rapport à ce navire pas si imposant que cela, à première vue.

                                     
La mer le permettant, nous quittons St Paul avec le chaland.

Dernier île à découvrir, la Nouvelle-Amsterdam , couramment dénommée Amsterdam à présent. La base Martin de Viviès est la plus agréable à l'oeil, avec des baîtiments en dur aux couleurs pastel, entourés de fleurs, grâce à un climat beaucoup plus tempéré.

Le pacha du quai! Est-ce sa mauvaise grâce qui fait que nous n'avons jamais pu débarquer ici (en fait, mer trop agitée), mais, comme le plus souvent, par hélicoptère ?
Même s'il  n'est qu'à 881m d'altitude,la randonnée vers la caldera du sommet durera près de 8 heures(aller-retour); en bas dans la brume c'est bien la mer

Puis nous devons retourner vers des climats plus instables: du monde nous attend (avec impatience sans doute) à Heard et aussi aux Kerguelen...

           
Le coucher de soleil est grandiose, avant d'affronter à nouveau les conditions climatiques du grand sud...
Le Marion est taillé pour cette navigation difficile, qui n'est pas de tout repos, surtout la nuit. Dans le journal de bord, il est souvent noté :" le bateau fatigue", alors il faut réduire l'allure.
Deux jours et deux nuits de gros temps, avec vent force 9 en bas dans la plume. Et me croirez-vous si je vous disais qu'à un dîner je me suis retrouvé devant l'assiette d'un autre ? "Digne de Charlot marin" !

De retour aux Kerguelen, un temps plutôt beau nous permet d'aller vers Port Jeanne d'Arc (ici on dit PJDA) , l'un des sites incontournables de l'archipel. La vue est bien plus agréable que la première fois et nous survolerons même les moutons de l'Ile longue..

L'acienne station baleinière norvégienne fut créée en 1909; elle fermera définitivement en 1926, alors concurrencée par les navires-usines. Il reste quelques cabanes, préservées pour les gens de passage, tels que nos trekkers.

La création de PJDA fut en fait autorisée par les frères BOSSIERE, qui avaient obtenu de la France la concession exclusive des Kerguelen !
La variété de paysage des Kerguelen est bien plus grande que ce que l'on croit: ici, en allant récupérer nos trekkers "transis", nous traversons un paysage de canaux  et canyons à la fois.
Le retour de PJDA se fait pour la dernière fois par hélicoptère et me permet de prendre le Marion sous différents angles...
...photos non sans quelques acrobaties pour la mise au point...

Côté navire, je réalise, en revoyant cette photo, combien j'ai été un passager privilégié . En fait, le Marion a dû se rapprocher pendant notre escale à PJDA, à cause d'un vent assez fort,
            ne facilitant pas les vols de l'hélico.

De retour à bord, on aura la chance d'apercevoir le mont Ross (1850 m), plus haut sommet des Kerguelen, sous un beau nuage lenticulaire.
De retour à Port-aux-Français, pour rapatrier cette fois quelques hivernants; Notre-Dame des vents et le Marion : deux acteurs incontournables.
Cette fois, c'est bien le dernier retour à bord et la dernière fois que je pourrais prendre le Marion Dufresne sous cet angle.
Un peu d'exercice ! Il faut être vigilant en prenant l'échelle du pilote, les deux bateaux étant bord à bord et non stables
C'était les Kerguelen, les îles de la désolation pour certains, mais pour moi presque un mythe atteint, et ici je me sens vraiment "un passager au long cours".
Puis, le retour vers La Réunion nous permet de retrouver d'excellentes conditions de navigation..et un peu de trafic maritime: en fait juste un minéralier croisé !

Et puis un barbecue géant sur la plate-forme hélico, avec drapeaux de toutes les nationalités présentes; car si je n'ai pas beaucoup montré les gens, croyez-bien qu'ils étaient très présents: marins, scientifiques, accompagnateurs, touristes, radio-amateurs...et qu'il y avait une sacrée ambiance.

           

Cette fois en voyant le pilote monter à bord, je me dis que c'est bien la fin du voyage. A noter que la différence de couleur sur la coque bleue est due à la hauteur du quai à La réunion: seul ce qui dépassait a bénéficié d 'une nouvelle petite couche de peinture .

           

Au port de la Possession, Nous retrouvons le chalutier "l'Austral", seul navire autorisé à pêcher la langouste à Saint-Paul.

            Fin de l'aventure pour moi, mais quelle aventure !

REMERCIEMENTS

La moindre des choses est de remercier les TAAF et la CGM, et tout particulièrement le Commandant REGNIER
(qui, outre son accueil chaleureux, a fait preuve d'une patience extrême avec tout le monde sur la passerelle) et son équipage;
le Chef des Opérations Claude CHAUFFRIASSE, mais aussi "Tonton", le toujours de bonne humeur pilote de l'hélico, même dans des conditions de vent souvent délicates,
qui m'aura héliporté 12 fois (pour une première !); merci également au "toubib de l'île StPaul", mon ami Dominique BEN, qui nous a accueillis pour une superbe journée,
un coucou à mes amis de la Réunion, connus à bord; un clin d'oeil à mon compagnon de cabine pendant 1 mois, le Suédois Jarl HARDENMARK, qui postulait au titre officiel
de plus grand voyageur dans le monde (homologation dans le GUINESS des records)... mais pour cela il fallait qu'il passe aussi par Heard !

QUELQUES LIVRES INCONTOURNABLES AUTOUR DES TAAF

L'arche des Kerguelen, de Jean-Claude KAUFFMANN (Flammarion) : je sens le vent et la pluie de son récit, là où il a voulu se ressourcer, après sa terrible captivité au Liban
Les carnets tempêtes, de Gildas FLAHAULT (Glénat), des croquis faits dans les hurlevents
Les îles australes françaises, de Gracie DELEPINE (Editions Ouest-France), la "bible" de ces îles
Les oubliés de l'île St Paul, de Daniel FLOCH (Editions Ouest-France), remarquable et terrible
Le dossier Kerguelen, de Loïc du Rostu (Klincsieck), de la gloire à la déchéance
Aventures aux Kerguelen, de Raymond Rallier du Baty (Editions Maritimes et d'Outre-Mer), c'est authentique et ça se lit comme un roman
Iles des quarantièmes, de Christophe HOUDAILLE et Patrick FRADIN (Transboréal), avec de superbes photos
Du bleu, du gris, du blanc de Marc SOVICHE (Gerpic), les navigations du MD 1 dans le grand sud
et avec une pensée particulière pour
Rencontres australes, de Jacques MOURIES et P GRADOZ (Ed JMO) : Jacques m'avait facilité, techniquement, la photo de nuit sur la passerelle; décédé quelques années après ce voyage

Je sais que plusieurs autres ouvrages sur les TAAF et le Marion sont parus depuis, alors que leuirs auteurs me pardonnent, mais ils arrivèrent après ma découverte sur place :
n'hésitez pas à les trouver sur le site de Marine Editions ou en librairie.

contribution personnelle, cette huile sur carton 10,5 x 15,5

2009 ...le Père Noël est passé (via le salon nautique) avec cette très fidèle maquette (environ 90 cm) que je pensais introuvable.
 
 
Ce sont 2 Français, installés à Madagascar depuis 17 ans je crois, qui ont créé leur entreprise artisanale de fabrication de maquettes: "le village", responsable  Hervé SCRIVE", site web www.maquettesdebateaux.com
   

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