PCRP
(Porte-conteneurs réfrigérés polyvalents) Françoise Massard et Yvon Perchoc Reportage à bord par le Cdt Marc Soviche |
Françoise Massard Les PCRP... ou quatre navires connus, dans les années 80, sous le pseudonyne des "Quatre Forts" en raison de leurs noms : FORT ROYAL (3e du nom), FORT FLEUR D'ÉPÉE (2e du nom), FORT SAINT CHARLES et FORT DESAIX (2e du nom). fleurent bon les Antilles, mais avant de les décrire et de donner la parole à l'un de leurs commandants (le Cdt Soviche), petit retour sur la genèse de ces quatre porte-conteneurs réfrigérés polyvalents. Le premier à accoster au quai de l'Europe, au Havre, fut le FORT ROYAL dont le premier commandant, Claude Frébourg, ne tarissait pas d'éloges sur son navire, de même que le Bulletin maritime (mai 1981) :
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Cependant, comme cela sera souligné à plusieurs reprises, il y a déséquilibre de trafic : les pays développés exportent des produits manufacturés, finis et à forte valeur vers les pays du Tiers-Monde, alors que ceux-ci expédient des matières premières ou des produits bruts (produits agricoles) qui ne couvrent pas, ni en volume ni en valeur, les importations. Cet échange inégal crée dans le transport un nombre important de conteneurs vides au retour des pays du Sud, ce qui obère la rentabilité possible d'une éventuelle ligne conteneurisée. Pour limiter le plus possible les retours extrêmement coûteux de conteneurs vides, les navires du consortium CAROL peuvent transporter 120 conteneurs Conair, c'est-à-dire réfrigérés par les installations propres du navire : conçu dès 1972 par la Transat, le principe fut rapidement développé par la CGM. |
La décision de la CGM fut d'autant plus rapide que la ligne des Antilles était également convoitée par la Compagnie de Navigation Mixte qui avait mis en service, dès 1976, deux porte-conteneurs cellulaires de 600 EVP. Elle va donc commander deux PC du même type, mis en service dès l'année suivante sur cette ligne des Antilles. Le gouvernement français, pas très réactif jusque-là, donna alors son feu vert pour la mise en construction, par des chantiers français, de quatre nouveaux porte-conteneurs dont les deux premiers livrables mi-1979. Le navire est un PC cellulaire de grande capacité dont les conteneurs en cale peuvent être réfrigérés grâce à une "machine frigorifique" directement installée dans le navire : la saumure circule dans des collecteurs qui ceinturent le navire et alimentent les batteries de frigorifères sur lesquels des ventilateurs soufflent l'air à refroidir. A chaque pile de conteneurs est donc associé un ensemble frigorifère+ventilateur ("tour réfrigérante", cf. ci-dessus). Le débit de saumure commande la régulation en température, laquelle se fait donc pile par pile. Les régulateurs, couplés aux capteurs de mesures, sont commandés de la passerelle où un ordinateur compare les valeurs mesurées à des valeurs de consigne. |
Le FORT ROYAL 3 et le FORT FLEUR D'EPEE 2 |
Le FORT SAINT CHARLES et le FORT DESAIX 2 |
Nous
en étions, à cette époque, aux balbutiements de la
conteneurisation dans nos îles d'Outremer. Il n'y avait pas si longtemps,
l'ANJOU avait été affrété pour rapporter une
complète argaison de conteneurs... vides. Et, dans la campagne,
les "boîtes" servaient sans problème de cases ou
d'entrepôts. Alors, la CGM décida de concevoir des navires
qui pourraient à la fois assurer , au départ d'Europe, un
transport ventilé et réfrigéré et, au retour,
un transport de fruits. Et, grande innovation, les conteneurs utilisés
sur cette ligne seraient spécifiques (les Messageries en utilisaient
déjà sur la ligne d'Australie, avec le KANGOUROU, quoique
de dimensions légèrement différentes) : thermiquement
isolés, ventilés par deux orifices percés dans la
cloison opposée aux portes, ils pourraient ainsi être utilisés
aussi bien à l'aller qu'au retour. |
Ces conteneurs, une fois dépotés, étaient nettoyés et envoyés dans les plantations où ils étaient empotés de cartons de bananes. il m'est arrivé de revenir avec les cales pleines de bananes, c'est-à-dire en gros 640 EVP. Au retour au Havre, sur le terminal de l'Europe, tous ces conteneurs étaient débarqués et presque aussitôt chargés sur des remorques routières et tractés vers les différentes villes de France et même parfois d'Allemagne ou d'Italie. Pendant toutes mes années d'embarquement, il n'y eut de contentieux qu'une seule fois. Ce nouveau mode de transport satisfaisait tous les réceptionnaires. Et je parle d'une époque qui a duré de 1980 à 1992 : 12 ans à plus de 600 conteneurs par semaine, cela crée des habitudes... | ![]() |
Sur
le navire lui-même, les cales étaient bien sûr dotées
de glissières et recevaient soit qutre bays de 20', soit deux bays
de 40'. Les bays 23 et 34 étaient équipées pour délivrer
toutes les températures, mais avec une seule température par
pile de conteneurs. En dehors du Havre, deux ports annexes furent institués : le terminal Ouest de dunkerque et celui du Verdon. Une cinquantaine de conteneurs de bananes avaient été promis, à chaque rotation, à chacun de ces deux ports. Chaque voyage durait quatre semaines et les escales avaient toujours lieu à jours fixes : Le Havre, du lundi au jeudi, tandis que Le Verdon ou Dunkerque, le dimanche ou le vendredi. Puis, Pointe à Pitre ou Fort de France, l'un des deux nous accueillait le premier alternativement tous les six mois. Les deux escales duraient trois et deux jours. |
Alors
que les rotations pouvaient se faire à trois unités, quatre
unités ont été construites afin que les arrêts
techniques n'affectent en rien le transport de la banane. Les navires
étaient rapides : 21,5 nds dans les cas les plus urgents,
une vitesse plus économique était adoptée dans les
autres cas. Deux fois par an, la fourchette des températures changeaient, en réalité de peu, sans doute était-ce dû au climat ? |
Les
mécaniciens lançaient des groupes électrogènes
supplémentaires au fur et à mesure que les piles se remplissaient.
Sur le FFE, les groupes étaient au nombre de six. Ils mettaient en
route le refoirdissement de la saumure. Celle-ci était refoulée
dans trois circuits dont le plus gros était d'un diamètre
d'au moins 400 mm, les deux autres étant de moindre importance.
Ces tuyaux ceinturaient le navire au niveau des alley-ways. Des dérivations
étaient pratiquées vers les groupes de ventilation/réfrigération
qui équipaient chaque pile de conteneurs (au nombre de sept par pile). Ces groupes maintenaient une soufflerie en envoyant de l'air par la partie basse dans chaque conteneur et en le reprenant par la partie supérieure avec échappée à l'air libre. Dans l'alley-way côté tribord, un tableau manuel de petits clapets permettait de déclencher la ventilation sur chaque pile de la bay. L'accouplement de chaque conteneur se faisait par deux véritables chambres à air (une en haut, une en bas) dont le gonflement se faisait manuellement sur place. |
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Le
gonflement avait deux buts : établir l'étanchéité
entre la paroi du conteneur et le circuit de ventilation de la gaien du
navire, et aussi ouvrir les deux opercules du conteneur grâce à
une crémaillère. Quand les piles devaient être complètes,
on attendait qu'elles soient remplies avant de faire descendre le second
maître pour établir la ventilation comme indiqué précédemment. |
Les températures
d'air soufflé et d'air repris étaient visualisées
sur un écran d'ordinateur à la passerelle, à proximité
du tableau de commande. C'est de cet écran et du clavier conversationnel
que l'on affichait et que l'on réglait les températures,
et notamment les fourchettes entre cet air soufflé et les airs
repris qui ne devaient pas être supérieures à 0,5-0,6 °C. |
Enfin,
le jeudi précédent l'arrivée du dimanche soir ou
du lundi matin, on faisait sur le pont une ronde des odeurs qui consistait
à renifler la sortie d'air de chaque pile. Si l'on trouvait une
sortie qui sentait la banane mûre, on le signalait au centre opérationnel
dans le télégramme d'arrivée, et celui-ci faisait
en sorte de débarquer en priorité la ou les pile(s) signalée(s). |
Yvon Perchoc
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Et maintenant..., par Marc Soviche Bien sûr,
maintenant chez Maersk et ailleurs, les conteneurs frigorifiques autonomes
sont la règle. J'ai connu, ent ant qu'espert, les contentieux qui
découlaient de ce transport sur les navires Maersk (l'Agence du
Havre appelait souvent mon bureau). Mais les conteneurs ont fait des progrès
et il est certain que le renouvellement d'air est désormais mieux
adapté. |
Pour en savoir plus [1]
Cdt Jean GARRIGUE. — La conteneurisation
de la banane des Antilles françaises. Journal de la Marine
Marchande, 2 juillet 1981. |
Côte ferme = Colombie, Venezuela