La carrière d'Eric KERVERDO
|
![]() |
![]() |
|
second capitaine à bord du "Françoise".
Ce navire, construit à Livourne en 1976 la nuit par des ouvriers
malvoyants sur des plans au rabais, était également très
mal conçu et nous réserva son lot de farces.
le ballastage était "sportif" et je n'ai jamais réussi à le confier aux lieutenants qui ne voulaient pas en entendre parler. Il y avait bien un pupitre ballastage dans un local à l'arrière du garage, d'où l'on pouvait en temps normal démarrer ou stopper la pompe, mais les commandes de vannes ne fonctionnaient plus depuis belle lurette. Il fallait donc les actionner en local. Pour corriger la gîte, on disposait de deux grands ballasts de 157 m3 situés... à l'arrière du navire ! Donc quand on corrigeait la gîte on modifiait aussi l'assiette du navire, pas pratique. Evidemment les vannes manuelles étaient situées dans la machine, de chaque côté des lignes d'arbre, près des tubes d'étambot. Comme le seul moyen de connaître le niveau c'était de sonder et que les trous de sonde se trouvaient au milieu du garage à l'arrière (c'est-à-dire juste là où passaient les camions et autres véhicules exotiques), j'ai vite compris qu'il valait mieux estimer la quantité d'eau contenue dans ces foutus ballast s, connaissant le débit de la pompe; evidemment parfois je ne savais plus où j'en étais et le seul moyen de savoir pour avoir un point de départ fiable c'était de faire "dégueuler" les ballasts en question. Les trop-plein étaient situés au pont supérieur.... donc je passais des fois pas mal de temps à aller et venir au pas de course entre le pont sup., le garage et le fond de la machine. Difficile de se concentrer sur le chargement en même temps. Pour corriger l'assiette sans toucher à la gîte, rien de plus facile: le peak avant, seulement 60 m3. Deux vannes (manuelles et hyper longues à tourner), l'une dans la calette, petite cale où l'on pouvait loger une trentaine de voitures, et accessible soit par l'ascenseur à voitures, soit par quatre échappées (pourquoi quatre pour un local aussi petit ?) depuis le garage, et l'autre par un local que l'on appelait chambre des pompes auquel on accédait par l'avant tribord par une échappée. Le trop-plein était naturellement situé sur le gaillard d'avant ! Mais le meilleur est pour la fin: Pour pouvoir permuter le circuit de ballastage depuis les caisses de gîte vers le peak avant (et vice-versa), il fallait aussi ouvrir une vanne et en fermer une autre sous parquet à la machine, à mi-distance entre les groupes et la pompe de cale. Les mécanos ont du bien rigoler quand ils me voyaient surgir de nulle part, stopper rageusement la pompe en local (sous le MP tribord), et me ruer vers les plaques de parquet et la clé à volant, avant de repartir comme une bombe vers mon chargement ! Combien de fois ai-je voué aux enfers l'incommensurable nullité
de celui qui osa signer les plans de ce navire ? je ne sais pas, mais
je dois avouer que j'ai failli m'énerver quelques fois... |