L'ABEILLE 25...
une activité très intense
Yvon Perchoc |
En 1978, j’ai entrepris de rechercher les aventures de l’ABEILLE 25, dans les articles du quotidien "Le Télégramme de Brest", à compter de 1950. Pas facile de feuilleter ainsi ces grands albums sans se disperser et se laisser détourner l’attention par d’autres articles qui sortent du cadre de la recherche...
De fastidieuses séances de recopie aux Archives Départementales de Brest m’ont cependant permis de regrouper un certain nombre de ces interventions en mer. Elles sont présentées ci-après.Pour illustrer certaines de ces histoires, des photos tirées de l’album de mon oncle, embarqué à cette époque sur l’Abeille 25.
Avant-hier matin, vers 04h30, le remorqueur de sauvetage ABEILLE 25 recevait un message émanant du cargo norvégien SADO, en difficulté par 47°54'N et 06°59'W, soit environ 80 milles dans l'WSW de Brest.
L'ABEILLE 25, à la vitesse de 12 nds, gagna rapidement le large, tandis que, par ailleurs, les puissants remorqueurs anglais TURMOIL et BASLER, développant 3 500 ch, basés à Falmouth, se portaient également à la rencontre du SADO, qui entre-temps avait réparé partiellement son avarie de machine et faisait route à 4 nds. Après de nombreux essais, Radio Conquet put entrer en contact avec le navire qui n'avait plus donné de ses nouvelles. Il apprit ainsi que l'ABEILLE 25 faisait route vers la position donnée et que deux autres remorqueurs étaient également partis à sa recherche. Le SADO n'avait pris aucun engagement, attendant le moment de demander l'assistance de l'un des remorqueurs dans le cas où sa situation redeviendrait critique. Six heures après avoir quitté Brest, le commandant Coadou de l'ABEILLE 25 apprenait que la position du SADO n'était plus la même. Le navire se trouvait en effet plus au nord, par 48°19'N et 06°11'W. L'ABEILLE 25 mit le cap vers ce nouveau point qu'il atteignit vers midi. Il entreprit des recherches dans les environs, sans découvrir la moindre trace du SADO, dans les limites des 4 milles que lui permettait la visibilité. Environ une heure plus tard, le commandant Coadou devait apprendre que le SADO, qui se trouvait à une dizaine de milles de l'ABEILLE 25, avait été pris en remorque par le BASLER, équipé de radar et filant trois nœuds de plus que l'ABEILLE 25.
Tandis que le cargo norvégien était conduit à Portsmouth, l'ABEILLE 25 faisait demi-tour et rentrait à 22h à Brest.
L'avant-dernière nuit, le remorqueur de sauvetage ABEILLE 25 recevait un message émanant du cargo COMMANDANT MANTELET, en difficulté par 47°15'N et 04°54'W, soit environ au sud de l'île de Sein. Il avait une avarie de servomoteur et réclamait l'assistance d'un remorqueur. Il était un peu plus de minuit quand l'ABEILLE 25 appareillait du port de commerce, après avoir signalé au COMMANDANT MANTELET qu'il espérait le rejoindre dans l'après-midi d'hier, vers 14h00.
A 17h00, Gouesnou-Radio interceptait un message du bâtiment disant qu'ayant pu réparer provisoirement, il poursuivait sa route lentement en direction du Verdon, où il comptait arriver au début de cet après-midi. Le COMMANDANT MANTELET ne demandait pas moins l'assistance de l'ABEILLE 25 qui l'escorta donc jusqu'au Verdon..
COMMANDANT MANTELET
de la Compagnie des Transports Océaniques
Doc. Pierre Bytchkovsky (Bordeaux)
Construit en 1943, le COMMANDANT MANTELET, de type "Empire", a une jauge nette de 4 808 tx et un port en lourd de 9 950 t. Après avoir appartenu à la Société Nationale d'Affrètement de 1945 à 1948, il est passé à la Compagnie des Transports Océaniques de 1948 à 1950 (cf. photo ci-dessus). Lors de son rachat en 1951 par Delmas-Vieljeux, il devient le COMMANDANT LE BIBOUL.
Lors du sauvetage évoqué précédemment, il se rendait à Bordeaux avec des marchandises diverses.
Affrontant les éléments déchaînés, quittant le port au moment où d'autres navires fuyant devant la tempête, cherchent à venir s'abriter, le robuste remorqueur ABEILLE 25 larguait ses amarres à l'éperon du troisième bassin, dimanche à minuit trente. Il allait au rendez-vous que venait de lui donner, au milieu de l'océan en furie, le cargo COMMANDANT MANTELET, en difficulté à 90 milles dans le sud de l'île de Sein, par suite d'une avarie de télé-moteur. Le navire venait du Havre et après escale à Bordeaux devait gagner l'Afrique occidentale. Le bâtiment était à la cape, n'avançant qu'à un nœud tout au plus en raison de l'état de la mer.
"Nous avons rencontré des montagnes d'eau, nous dit le commandant Coadou dès son retour à Brest. Heureusement, l'ABEILLE 25 est un bon bateau qui a déjà supporté de terribles coups. Je l'avais moins chargé qu'à l'ordinaire: 230 t de mazout et 80 t d'eau, quantités suffisantes pour une sortie d'une vingtaine de jours, permettant par ailleurs au navire de mieux supporter la lame. La vitesse normale de l'ABEILLE 25, qui est d'environ 15 nds, tomba entre 8 et 9 nds, durant tout le trajet pour atteindre le COMMANDANT MANTELET. Ce dernier, qui entre-temps avait réparé provisoirement et augmenté de vitesse pour arriver finalement jusqu'à 10 nds, ne fut rejoint le lundi qu'à 17h00."
Le bâtiment français, qui n'avait cessé de maintenir la liaison avec l'ABEILLE 25, demande au remorqueur son assistance jusqu'au Verdon. Se sentant ainsi en sécurité, le COMMANDANT MANTELET, à la vitesse de 10 nds, gagne Le Verdon accompagné de son bon chien de garde. Le lendemain, vers midi, les deux bâtiments mouillent à proximité de la bouée BXA qui marque l'entrée de la Gironde. Dans le courant de l'après-midi, le bâtiment français ayant eu la visite du pilote de Bordeaux, appareilla par ses propres moyens pour aller jusqu'à Bordeaux. Quant à l'ABEILLE 25, sa mission accomplie, elle mit le cap sur Brest, où elle arriva avant hier matin, à 05h00, non sans avoir encore subi, au cours de cette traversée, les terribles assauts d'une mer démontée.
Le petit cargo VAGAN de nationalité norvégienne, construit en 1947, jaugeant net 400 tx, passait dimanche soir à environ 7 milles d'Ouessant, quand il eut son gouvernail arraché.
Désemparé, le VAGAN demanda aussitôt l'assistance du remorqueur de sauvetage ABEILLE 25, qui appareilla à 23h30. Quelques heures plus tard, il rejoignit le navire norvégien, et vers 05h30, l'ABEILLE 25 passa une remorque au VAGAN.
Ce petit bâtiment est venu fréquemment dans notre port où il chargeait des pommes de terre pour le Maroc.
D'accord avec le commandant norvégien, le bâtiment fut remorqué jusqu'au Havre. Le VAGAN, qui se rendait du Portugal à Dunkerque, avec un chargement d'oranges, arriva au Havre dans la soirée de mardi.
Jeudi, au milieu de l'après-midi, le remorqueur de sauvetage ABEILLE 25 appareilla de Brest pour Nantes, en vue d'entreprendre le remorquage jusqu'au Havre de la puissante drague-suceuse FATOUVILLE.
L'ABEILLE 25 arriva à pied d'œuvre le lendemain à 08h00 et, deux heures plus tard, faisait route vers Le Havre. Le remorquage s'effectua dans les meilleures conditions, mais samedi de bonne heure le temps changea.
Les vents qui étaient de suroît sautèrent au noroît. Dans la soirée, l'ABEILLE 25 se trouvait au large d'Ar-Men quand le commandant Coadou, s'apercevant que les conditions météorologiques n'étaient pas favorables, décida d'interrompre son remorquage pour rallier Brest.
Samedi à minuit, le remorqueur mouillait en grande rade avec la FATOUVILLE, et dimanche matin, l'ABEILLE allait la conduire en baie du Fret où elle se trouve en sécurité, en attendant des conditions météorologiques qui permettront de reprendre le voyage vers Le Havre.
Nous avons annoncé le départ du remorqueur de sauvetage ABEILLE 25 qui, dès lundi matin à 04h30, avait répondu à l'appel lancé par le cargo britannique GRANHILL. On sait que la position donnée par le navire était à 80 milles dans le suroît de Brest. Or le GRANHILL se trouvait en réalité à 43 milles de notre port, et quand l'ABEILLE 25 arriva sur les lieux à 09h30, le navire anglais était à 14 milles dans l'ouest de la Chaussée de Sein.
Le GRANHILL, bâtiment de 11 000 t de port en lourd, de type "Empire", se rendait de la côte occidentale d'Afrique à Londres, avec un chargement de bois, de caoutchouc et de palmes.
Une demi-heure après son arrivée, le commandant Coadou mis en route, cap sur Falmouth, traînant derrière lui le GRANHILL, dont les trois chaudières se trouvaient en panne. Le convoi arriva en rade de Falmouth, mardi à 15h00, où le bâtiment anglais fut pris en charge par le remorqueur de haute-mer TURMOIL, qui a conduit le GRANHILL jusqu'à Londres.
Après avoir mazouté, l'ABEILLE 25 appareilla de Falmouth à 22h15 pour arriver à Brest hier au début de l'après-midi.
Le GRANHILL est le cinquième bâtiment secouru par l'ABEILLE 25 depuis le mois d'octobre.
Cargo GRANHILL
Livré à lui même à partir de lundi soir, le RINGAS entra à Brest hier vers midi et mouilla en grande rade.
Le remorqueur de sauvetage qui avait appareillé lundi après-midi, se porta à la rencontre du cargo norvégien. A 02h15 hier matin, après avoir parcouru 70 milles, le commandant Coadou proposa ses services au RINGAS. Le capitaine Breivik-Rod le remercia et lui fit savoir qu'il n'avait plus besoin d'être assisté, faisant route alors à 7 nœuds. L'ABEILLE 25 fit donc demi-tour et à 10h00 elle rentrait au port.
Hier vers 17h30, le remorqueur de sauvetage ABEILLE 25, rentré du Havre la veille, après y avoir conduit la drague FATOUVILLE, a capté un message émanant du DEVONSHIRE, navire anglais qui se rend à Singapour avec 3 à 4 000 hommes de troupe à bord.
Le DEVONSHIRE signalait qu'il avait une avarie de machines. Il se trouvait par 47°16'N et 08°23'W, soit environ 180 milles à l'ouest de Brest.
L'ABEILLE 25 a proposé ses services au commandant du paquebot DEVONSHIRE, mais celui-ci avait déjà traité avec le puissant remorqueur hollandais ZWARTE ZEE, en station au sud de l'Irlande, et le remorqueur anglais TURMOIL, qui devait rejoindre le DEVONSHIRE dans une dizaine d'heures.
Lundi dans la soirée, le cargo finlandais FANNY, d'une jauge nette de 1 466 tx, construit en 1907, lançait un message annonçant qu'une voie d'eau s'était déclarée dans la poupe et qu'il demandait assistance. Sa position était 47°20'N et 07°20'W. Une heure plus tard, le paquebot anglais CIRCASSIN, le cargo OAKMORE de même nationalité et le remorqueur hollandais THAMES, prenaient contact avec le FANNY.
Vers 22h00, le remorqueur de sauvetage ABEILLE 25, voulant également se mettre de la partie, quitta le port. Arrivé aux environs des Pierres Noires, le commandant Coadou apprit que le FANNY avait remercié les navires qui s'apprêtaient à lui porter assistance. Tout laissait donc supposer que la situation du navire finlandais s'était améliorée. L'ABEILLE 25 n'insista pas et fit demi-tour pour rentrer à Brest, sans toutefois perdre contact avec le FANNY.
Hier à 04h30, Radio Gouesnou interceptait un message du cargo en avarie, qui annonçait qu'il faisait route sur Brest. Bien que n'ayant reçu aucun appel d'assistance, le commandant Coadou décida une fois de plus, d'appareiller et à 11h00, hier matin, l'ABEILLE 25 larguait ses amarres et prenait le large.
Brest, 21 – Une station de radio hollandaise annonçait hier soir qu'une baleinière du cargo hollandais WINTERSWIJK avait coulé avec 15 hommes de l'équipage du MARGA. Il s'agissait d'une erreur de transmission. Le naufrage du MARGA n'a fait qu'une seule victime dans les circonstances que nous verrons plus loin. Le dramatique sauvetage de l'équipage du cargo norvégien MARGA s'est accompli, on s'en doute, dans des conditions particulièrement difficiles, en raison de l'état de la mer, dont les vagues énormes balayaient sans arrêt, les ponts des bateaux accourus sur les lieux du drame. On a à déplorer un mort: le chef mécanicien du MARGA, le plus vieux des hommes qui composaient l'équipage du cargo norvégien.
C'est le cargo norvégien LIONEL qui fut le premier à alerter les bateaux croisant au large, de la situation critique du MARGA, à bord duquel venait de se déclencher une voie d'eau qui, rapidement, envahit la salle des machines. Le WINTERSWIJK, cargo hollandais, puis un peu plus tard l'ABEILLE 25, avaient répondu à l'appel lancé par le LIONEL qui, dès les premiers instants, au milieu des éléments déchaînés, essayait d'approcher le MARGA, pour secourir les hommes en danger de mort. Forçant l'allure en dépit de la tempête qui soufflait encore l'avant-dernière nuit, l'ABEILLE 25 arrivait sur les lieux vers minuit, et fut rejoint à l'aube par le remorqueur hollandais THAMES. Tous ces navires allaient conjuguer leurs efforts pour arracher à la mort l'équipage du MARGA.
Tandis que le LIONEL recueillait un marin du MARGA qui s'était jeté à la mer, le WINTERSWIJK réussissait à sauver huit autres membres de l'équipage qui avaient réussi à prendre place dans une baleinière de sauvetage.
A bord du remorqueur ABEILLE 25, le commandant Coadou avait, avec toute l'énergie et les belles qualités qu'on lui connaît, pris toutes les dispositions pour participer au sauvetage des autres marins du MARGA. Il en restait à ce moment 14 à bord. Les matelots spécialisés du remorqueur parvinrent, non sans difficultés, à établir un va-et-vient entre le MARGA et l'ABEILLE 25. Le vent soufflait avec rage. Les montagnes d'eau s'abattaient sur le pont ruisselant. Il fallait coûte que coûte sauver des hommes en perdition. La manœuvre du cartahu commença dans des circonstances particulièrement dramatiques. Un, deux, puis trois matelots norvégiens passèrent ainsi du MARGA à bord de l'ABEILLE 25. Peu après, deux autres marins empruntaient le cartahu, et se laissant glisser, abordaient le remorqueur. Vint le tour du chef-mécanicien, Alf Christiansen, 65 ans, d'être secouru. Au moment où il allait être transporté, le câble du cartahu reliant les deux bâtiments s'engagea dans l'hélice de l'ABEILLE 25 et le malheureux, entraîné par le remous, disparut brutalement sous les yeux de ses camarades qui, du remorqueur comme du MARGA, assistaient à la scène. Il était 04h00 du matin.
Cargo norvégien Marga. Le temps était vraiment mauvais. Mon oncle disait que lors du passage de la remorque, dans un coup de houle, l’avant du Marga s’était retrouvé vraiment au dessus de la plage arrière du remorqueur, à tel point qu’il pût voir ses tôles de fond. Heureusement, la passerelle réagit immédiatement et dégagea le remorqueur.Le commandant Coadou demanda alors par signaux au capitaine Angestad, qui était encore à bord avec quatre officiers et deux matelots, s'il désirait être pris en remorque, car le MARGA tenait toujours sur la mer déchaînée en dépit de sa dangereuse gîte. Le commandant Coadou avait jugé qu'il pouvait encore après avoir sauvé l'équipage, ramener au port le navire et sa cargaison, opération qui pouvait s'accomplir éventuellement avec le concours du remorqueur hollandais présent sur les lieux.
Le capitaine norvégien refusa l'assistance de l'ABEILLE 25, espérant jusqu'au dernier moment qu'une amélioration des conditions atmosphériques permettrait de changer la situation. Lui et ses hommes, vrais marins nordiques, ne pouvaient se décider à abandonner leur navire. Mais le moment vint où ils durent s'incliner pour quitter le MARGA, qui cependant, aux premières heures de cette journée de mardi, dessinait toujours sa silhouette vétuste le long des puissantes vagues écumeuses. Le CUMULUS, bateau météorologique hollandais, avait été chargé de relever au point K le 23 février, la frégate française MERMOZ. Le commandant, ayant reçu l'ordre de se dérouter, mis alors le cap sur le MARGA et hier matin, le CUMULUS venait grossir le nombre des navires qui entouraient le cargo norvégien. Les deux matelots, les quatre officiers puis le capitaine Angestad, utilisant encore un cartahu, furent transportés à bord du CUMULUS, qui aussitôt prenait la direction de Brest, avec les sept rescapés, tandis que l'ABEILLE 25 demeurait sur place, dans l'intention de prendre en remorque le MARGA, devenu une épave.
Hier en début d'après-midi, le CUMULUS ayant à son bord sept rescapés du MARGA arrivait à Brest et mouillait en rade-abri. En dépit des heures dramatiques que lui et ses hommes venaient d'endurer et d'une fatigue d'ailleurs bien compréhensible qui se lisait sur son visage, le capitaine norvégien a bien voulu nous déclarer:
"Le MARGA, appartenant à la Compagnie Brunsgaark du port de Drammen, avait quitté dimanche matin Rivaldo (Espagne) avec un chargement de minerai pour Rotterdam. Vingt deux hommes composaient l'équipage du bateau, très ancien puisqu'il compte 26 ans d'âge. Les quelques 36 h se passèrent normalement mais, alors que nous arrivions dans les parages des côtes bretonnes, le vent se leva et tourna bientôt en tempête. Le MARGA fatiguait beaucoup et n'avançait que lentement. C'est alors que le chef-mécanicien me prévint qu'une voie d'eau s'était déclarée. La situation devenait grave. Fort heureusement, nous avons aperçu un navire qui croisait non loin de nous. Le MARGA étant démuni de poste radio, c'est par signaux de pavillon que nous lui avons fait savoir notre situation. Il s'agissait du LIONEL, de même nationalité, qui ayant reconnu le MARGA, envoya le message SOS."
Le capitaine norvégien et quelques officiers que nous avons également interrogés, nous ont fait le récit de la mort du chef-mécanicien. Les rescapés du MARGA ont été ensuite conduits à l'hôtel des Voyageurs où des chambres avaient été retenues par les soins du consul.
Le MARGA à son arrivée en rade de Camaret.
Le cauchemar est fini.
L'équipage du MARGA se trouvant en sécurité à bord des navires sauveteurs, il s'agissait ensuite de tenter de sauver le navire. Ce à quoi s'employèrent les spécialistes du remorquage, le commandant Coadou et son équipage d'élite, ainsi d'ailleurs que le capitaine du remorqueur hollandais THAMES.
Ainsi que nous devions l'apprendre plus tard, le THAMES s'échoua dans sa tentative de passer une remorque sur le MARGA, à ce moment complètement livré à lui-même. C'est alors que se présenta dans les parages le chalutier concarnois ANNE GASCON, qui devait apporter son concours à l'ABEILLE 25. Trois pêcheurs du chalutier embarquèrent sur le MARGA pour placer la remorque et y réussirent. Ils racontent leur aventure:
" En pleine tempête, nous revenions de la Grande Sole et nous faisions route sur Concarneau pour livrer notre pêche à la vente du jeudi matin. Nous entrâmes en contact par phonie et radio avec l'ABEILLE 25, qui nous fit savoir que le MARGA, un norvégien, était en perdition dans les parages où nous étions. Nous mîmes le cap sur lui, prêts à le secourir éventuellement. L'ABEILLE 25, par la suite, nous demanda si nous pouvions tenter avec notre petit navire d'accoster le MARGA. Il ne pouvait en être question, étant donné l'état de la mer, de risquer d'écraser notre chalutier contre un cargo tanguant comme un homme ivre, aveugle de surcroît, par suite du départ de son équipage. Le patron, Gaston Le Corrouc, savait fort bien qu'il n'y avait qu'un seul moyen pour tenter l'opération: utiliser le youyou du bord, une coque de noix."
"Si quelqu'un veut y aller volontairement" dit-il …
"Et c'est alors, poursuit Lucien Perron, que Rannou, Le Bloc'h et moi-même prîmes place dans le canot qui fut mis à la mer, alors que nous nous trouvions à environ 60 m du MARGA, sur lequel s'abattaient des paquets de mer blancs d'écume. Nous partîmes à la godille et à l'aviron. Une lame nous porta comme un fétu de paille vers la coque du MARGA. Tout heureux, nous pûmes saisir l'échelle de pilote qui était le long du bord et monter sur le pont, laissant filer à la dérive notre canot, que le chalutier repris quelques instants plus tard. Seuls à bord du cargo, nous en étions pratiquement les possesseurs. L'un de nous constata que la barre du cargo était bloquée à tribord toute. Tout l'arrière du bateau, qui gîtait sur bâbord, était couvert sans arrêt par les paquets de mer. Deux fois des fusées lance-amarres partirent de l'ABEILLE 25 mais manquèrent leur but. La troisième fut plus heureuse. Et après des efforts qui nous épuisèrent, nous pûmes monter à bord la grosse amarre de l'ABEILLE 25 et la fixer à l'avant du navire. Peu après, l'amarre se raidissait. Le MARGA repartait vers la vie. Le naufrage n'aurait pas lieu. Dans le sillage de l'ABEILLE 25 nous fîmes route vers Brest. Mais l'eau montait dangereusement dans la machinerie du MARGA, qui s'enfonçait de plus en plus. Pour comble de malheur, l'amarre cassa sur l'étrave, jeudi matin vers 02h00. A 03h00, une autre remorque était en place. Le MARGA, dont le gouvernail était toujours bloqué, fut alors remorqué en belle jusqu'aux environs de la cale du canot de sauvetage de Camaret. Là, nous étions en sécurité avec notre remorqué."
Durant toute la journée, des tonnes d'eau furent refoulées par l'ABEILLE 25, de la machine du MARGA qui avait de l'eau jusqu'au pont et qui, en fin de soirée, retrouvait une position normale. Le commandant Coadou, comme son vaillant équipage, n'avait pas dormi depuis 72 h.
Ainsi que nous l'avions signalé, le remorqueur anglais DEXTERIOUS est arrivé samedi au milieu de l'après-midi à Brest, venant de Falmouth.
Peu après, il est allé s'amarrer à couple du cargo MARGA, à bord duquel montèrent quatre matelots britanniques. Commandé par le capitaine J. D. McDonald, le DEXTERIOUS, du même type que l'ABEILLE 25, a appareillé hier après-midi, avec le MARGA à destination de Rotterdam.
On se rappelle la dramatique aventure d'un cargo norvégien que l'ABEILLE 25 remorqua jusqu'au port de Camaret. Il y a quelques jours le MARGA, réparé, appareillait de Brest pour rentrer en Norvège, via Rotterdam, où il devait être mis en cale sèche.
Or, une dépêche d'Oslo, reçue à Londres, annonce que le MARGA, pris en remorque par le remorqueur anglais DEXTERIOUS, a fait naufrage dans la Manche dans l'après-midi du mardi 13. Il a coulé après s'être brisé en deux, en 3 min, au large de Douvres, alors qu'il était à mi-chemin du voyage Brest-Rotterdam.
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