Passager au Long Cours
François Gerboin

Chapitre 2 : Comment, terrien, devient-on passager au long cours ?

Tout d'abord j'ai de qui tenir: un père fonctionnaire en outre-mer qui aura quand même effectué 22 traversées entre France (Marseille et Bordeaux) et Indochine ou Afrique noire.

Et puis, en ce qui me concerne "les voyages forment la jeunesse", dit-on, mais pas seulement ceux sur un paquebot de ligne : le MV ARIEL, a été la révélation des voyages en cargo, au départ de Pointe-à-Pître le 16 août 1967, lorsque mon père a décidé de prendre ce moyen de retour définitif vers la métropole, plutôt que de prendre un paquebot..ou même le révolutionaire Boeing 707.

Qu'il me soit donc permis de rendre hommage à ce père, Pierre GERBOIN, né à St Brieuc et parti depuis vers l'infini et au-delà, par cette photo retrouvée :

à bord du ROBERT ESPAGNE, mon père est le deuxième en partant de la droite, juste sous l'étoile, à côté du commandant sans doute, et avec d'autre passagers, après avoir été embarqué le 12/08/48 à Grand Bassam (Côte d'Ivoire).
Au verso : "souvenir de la traversée du 15/8 au 5/9/48" signé Jean Vulloz)

Il aura connu, lui, les fameux Chargeurs Réunis avec cette non moins célèbre cheminée étoilée.

J'ai longtemps mené ma quête pour retrouver trace de l"ARIEL", n'ayant que la carte postale achetée près du Vieux-port, dans une boutique spécialisée et disparue depuis, encore est-il là avec une coque noire, alors que je l'ai connue grise.
Les mystères de l'affrêtement font que l'ARIEL n'existe pas dans l'excellent ouvragede Paul Bois "Armements marseillais"(CCi Marseille Provence éditeur), listant tous les navires de la SGTM.
C'est heureusement Internet qui m'aura permis de connaître toute son histoire, sur le site swiss-ships.ch .

Et puis, seul souvenir personnel ces 2 photos à bord : moi devant la cheminée tricolore de la compagnie, puis avec le second lieutenant (remarquez surtout comme le nom du bateau est écrit discrètement)
Il reste à mes yeux d'amateur éclairé comme "le cargo parfait", avec des cabines passagers spacieuses et latérales (aucun risque à l'époque d'avoir une vue bouchée par des conteneurs)..et il ne manquait en fait qu'une piscine. C'était l'âge d'or de la marine marchande, y compris pour l'équipage italien, à qui la durée d'escale laissait le temps de mettre pied à terre et de visiter, bien souvent dans des ports en ville.

Ceux qui ont visité le cargo-musée Cap San Diego, à Hambourg, auront une idée des aménagements passagers des années 60/70 (salon-salle à manger notamment) sans prétention mais soignés et non impersonnels, à la différence de la plupart des portes-conteneurs que j'ai fréquentés depuis.
je me souviens aussi sur l'Ariel du double escalier, avec boiserie, qui descendait vers la salle à manger, encadrant une fresque murale représentant une planisphère terrestre et la silhouette des cargos de la compagnie: rien à voir avec les puits-escaliers actuels des porte-conteneurs recouverts de formica !
Cette photo comparative des 2 chateaux de ARIEL en 1967 et du VILLE DE VIGO en 1999 parle d'elle-même : aujourd'hui toute la place est dédiée aux conteneurs et le château est deux fois plus haut et étroit que large (comptez le nombre de ponts à partir du pont principal).

Ce comparatif illustre non seulement l'évolution architecturale des navires marchands "standards"..
mais montre aussi que le conteneur devant le sabord est devenu une hantise pour tout passager!

 
 

Avant d'en terminer avec ces souvenirs d'enfance, expliquant mes retrouvailles avec le monde des cargos (après une interruption entre 1967 et 1995) s'achève avec cette dernière photo une page maritime: ce cendrier scellant le mariage des Chargeurs Réunies et de la Compagnie Fabre, avec leurs deux pavillons (les 2 noms dorés ont même disparus des bords relevés). Fabre et SGTM avaient elles-mêmes fusionné et tout cela laissera la place à la CGM
(ouverture sur mon prochain chapitre et voyage) .

Retour au sommaire

 


Cette page appartient à www.marine-marchande.net, le site français de la marine marchande.