Cherbourg et ses gares transatlantiques
Françoise Massard
Sommaire

Cliquez ci-dessus pour revenir au plan du site
Cliquez sur les photos pour les agrandir. Puis Ctrl+w pour revenir à la fenêtre principale


L'historique des gares maritimes de Cherbourg

En effet, la gare maritime actuelle n'est pas la première, loin s'en faut ! Deux l'ont précédée. Les Archives rapportent les premières escales, en rade de Cherbourg, de paquebots de la Royal Mail et de la Hamburg Amerika Linie dès 1869 (il y eut même un départ d'un steamer Cunard en 1847, en attendant la fin des travaux du port du Havre). Revenons donc sur la genèse de ces trois gares successives, dans un contexte maritime fluctuant lié au contexte politique général, avec un âge d'or dans les années 1920-1950.

La toute première "gare transatlantique"

Dès 1905, quelques baraquements en bois en bordure d'un ponton construit en 1894 permettent l'accueil des passagers des premiers grands "transatlantiques" (LUSITANIA, MAURETANIA, OLYMPIC, TITANIC, pour n'en citer que quelques-uns parmi ceux fréquentant Cherbourg à cette époque). Mais ces "géants des mers", comme on les appelait déjà, ne peuvent accoster. Qu'à cela ne tienne, les "transbordeurs" ou "tenders" en anglais (ARIADNE, NOMADIC, TRAFFIC, ou encore les amphidromes GALLIC et SATELLITE, etc.), à faible tirant d'eau, feront la navette entre le quai et le paquebot mouillé en rade à environ un mille au large, transportant passagers, bagages et colis divers (dont les fameux sacs postaux... la "poste" étant une des composantes essentielles du développement des grandes compagnies maritimes transatlantiques au début du XXe siècle). Plus de 20 000 passagers et 300 escales par an, rien que pour Cherbourg, au début du siècle dernier.

Ces "annexes", presque aussi luxueuses (toutes proportions gardées) que les paquebots qu'elles servent, sont quand même capables de transporter de l'ordre du millier de passagers ! Ci-dessous, à droite, le NOMADIC arbore le grand pavois lors de l'inauguration de la nouvelle gare maritime.



La gare maritime de 1912

Le 14 juin 1911, lors de la première escale cherbourgeoise du tout nouveau transatlantique de la White Star Line, l'OLYMPIC, la nouvelle gare maritime — dont les travaux ont débuté un an plus tôt — n'est pas encore achevée, même si un nouveau bâtiment central est déjà construit et de nouvelles voies ferrées posées. Elle sera inaugurée un an plus tard.

La deuxième gare maritime en construction, en 1911
(Doc. R. Shotton / F. Vanhoutte)
Inauguration de la nouvelle gare maritime, le 2 juillet 1912
(Doc. CCI Cherbourg / F. Vanhoutte)

Le TITANIC à Cherbourg

Arrivé en rade de Cherbourg en fin d'après-midi le 10 avril 1912, il y jette l'ancre. Il doit embarquer 274 passagers (richissimes personnalités arrivées de Paris par le train de luxe "New York Express" ou émigrants rêvant d'une vie nouvelle... ).

Le NOMADIC et le TRAFFIC transbordent passagers et bagages (cf. photo ci-contre), et aux environs de 20 h, la sirène du TITANIC fait retentir ses trois coups. L'ancre est relevée, le cap est mis sur Queenstown (Irlande), dernière escale avant l'Amérique.

On connaît malheureusement la suite... Sur les 274 passagers embarqués à Cherbourg, 115 périront dans le naufrage du 14 au 15 avril au large de Terre-Neuve qui fera un peu plus de 1 500 victimes.

Photographie (partielle et en N&B)
de la célèbre toile de Jacques Mignon

Mais, au-delà de la tristesse, la vie maritime doit reprendre son cours, à Cherbourg comme ailleurs. Et c'est seulement quatre jours après le drame du TITANIC que se présente sur rade le fleuron de la White Star Line, l'OLYMPIC, drapeaux en berne. Des collectes seront d'ailleurs organisées à bord pour les rescapés du naufrage.

L'OLYMPIC, à Southampton,
lors de l'appareillage pour son "maiden voyage"
en juin 1911
(doc. W.H. Miller)



Le CARONIA, dit "The millionaire's ship" (Doc. W.H. Miller)

Puis, deux ans après, une longue parenthèse pour Cherbourg avec la Première guerre mondiale (les transbordeurs NOMADIC et TRAFFIC partent d'ailleurs pour Brest, troisième port de débarquement — avec Nantes et Bordeaux — des Américains). Un an après la signature de l'armistice, les traversées transatlantiques reprennent : c'est le CARONIA, de la Cunard Line, qui ouvre le ban le 1er septembre 1919. Nouvelle période heureuse pour le port et la ville de Cherbourg. Dès lors, la gare maritime apparaît de nouveau de plus en plus inadaptée à un trafic en forte croissance. De 20 000 en 1900, les passagers transitant par Cherbourg passent à 75 000 quelque 20 ans plus tard et à plus de 200 000 juste avant la grande dépression de 1929 (880 paquebots ont escalé à Cherbourg cette année là).
Il faut donc envisager la création d'une nouvelle gare maritime, doublée d'un port en eau profonde. Les hommes providentiels pour la réussite de cette entreprise seront le "X-Ponts" Paul Minard pour le port et l'architecte René Levavasseur pour la gare.


La troisième gare transatlantique (1933)

La gare transatlantique de 1933, façade sud
(Doc. R. Shotton / F. Vanhoutte)
314 m de long - 116 m de large - campanile de 67 m de haut

Mais bien sûr, un tel chantier demande du temps (études, financement, réalisation), malgré le soutien inconditionnel des élus locaux de l'époque (C.-T. Quoniam, P. Appell, etc.), et ce n'est que le 30 juillet 1933 que la "plus grande gare maritime du monde" (sic) est inaugurée en présence du Président Albert Lebrun. Le "Quai de France" (620 m de long), bordant une darse profonde de 14 m, est équipé de robustes passerelles d'embarquement (du même type que celles que l'on voit encore aujourd'hui, ici à l'accueil du QE 2 le 02.07.06). Le DE GRASSE et le BREMEN y accosteront les premiers.

Superbe fête on imagine, mais la réalité commence à apparaître sous un jour moins brillant : les flots d'émigration se tarissent progressivement (la crise de 1929 a été rude, les Etats-Unis commencent à limiter les entrées), la concurrence avec l'avion s'esquisse. Mais, pour l'instant, de prestigieux paquebots y font des escales régulières : le BREMEN, l'EUROPA, l'AQUITANIA, l'ALCANTARA, etc. et le port de Cherbourg vit quelques années heureuses. Le NORMANDIE y escale le 16.12.1936.

Puis survient la déclaration de guerre et, en juin 1940, Cherbourg est envahie. A fa fin du conflit, le port n'est plus qu'une ruine, le hall des trains est partiellement détruit, les quais sont à rebâtir et les passerelles à remplacer. Près de sept années seront nécessaires pour mener à bien ce travail colossal (le campanile ne sera pas reconstruit). La gare et ses installations, rénovées, sont inaugurées par Antoine Pinay le 8 mai 1952. Et les QUEEN MARY et QUEEN ELIZABETH reprennent leurs escales régulières.

Mais les années soixante sonnent le glas de la "grande époque" des paquebots transatlantiques. Et le joyau "Art déco", jugé "inadapté" en 1979, a bien failli disparaître... Cette année là, puis en 1982, une partie des bâtiments est rasée. Mais, grâce au soutien de J.L. Libourel, Conservateur du Patrimoine, ce qui reste de la gare fut classé "Monument Historique" en 1989 et, en 2002, s'ouvrait la Cité de la Mer destinée à faire mieux connaître les grands fonds marins.

Le Quai de France, quant à lui, continue de recevoir des paquebots (le QUEEN MARY 2 y fit sa première escale le 14.04.2004) : treize navires / seize escales en 2006 (*), mais ce sont désormais des "navires de croisière" et non plus les mythiques "Transatlantiques"... autres temps, autres mœurs !

(*) Accosteront au Quai de France, en 2006, les navires BLACK PRINCE, BRAEMAR, CLIPPER ADVENTURER, COSTA CLASSICA, DEUTSCHLAND, KRISTINA REGINA, NORDNORGE, QUEEN ELIZABETH 2, THOMSON CELEBRATION, ARIELLE, BOUDICCA, MSC RHAPSODY et, le plus grand, le JEWEL OF THE SEAS, les quatre derniers... pour la première fois.


BIBLIOGRAPHIE

DESTRAIS G. — Cherbourg, port des émigrants 1912/1932. 1994
DESTRAIS G. — L'épopée transatlantique. Ed. Isoète, 1997, ISBN 2-902385-17-X.
DESTRAIS G. — La gare maritime de Cherbourg. Chef-d'œuvre de l'architecture Art déco des années 1930. Ed. Isoète, 2003, ISBN 2-913920-24-1.
DESTRAIS G. — Le Titanic à Cherbourg le 10 avril 1912. Ed. Isoète, 1998, ISBN 2-905385-79-0.
GROS D. — Cherbourg... en escale. Le vent qui passe Ed., mai 2005, ISBN 2-915374-01-5.

MILLER W.H. — New York Shipping. Carmania Press, 1994, ISBN 0 9518656 3 3

MILLER W.H. — Passenger Liners French Style. Carmania Press, 2001, ISBN 0 9534291 7 2
MILLER W.H. Jr — The First Great Ocean Liners in Photographs 1897-1927. Dover Publications, 1984, ISBN 0-486-24574-8
MILLER W.H. Jr — The Great Luxury Liners 1927-1954. Dover Publications, 1984, ISBN 0-486-24056-8
OUVRAGE COLLECTIF — Cherbourg, porte de l'Océan. Histoire de la gare maritime transatlantique. Editions La Cité de la Mer, 2003.
OUVRAGE COLLECTIF — Paul Minard, un génial ingénieur. Concepteur du port en eau profonde de Cherbourg. Association des Amis du Musée de la Marine - Antenne de Cherbourg, ISBN 2-950950-22-1.
VANHOUTTE F., MELIA P. — Le S/S Nomadic. Petit frère du Titanic. Editions Isoète, 2004, ISBN 2-913920-39-X

La gare maritime actuelle : cf. page précédente

Cette page appartient à www.marine-marchande.net, le site français de la marine marchande