![]() |
Brisons la glace ! Voyage en cargo vers la Finlande, février 2003 |
![]() |
Mercredi 29 janvier 2003 |
|
Paris est déjà loin derrière moi, confortablement installé dans le Thalys qui file vers la Hollande. La neige a été annoncée sur la France, mais c'est la pluie et un temps bien gris que nous rencontrons la plupart du temps sur le parcours…tandis que je me délecte de quelques pages de "Méharées" de Théodore Monod, œuvre incontournable pour toute personne ayant "connu" le désert mauritanien. C'est pourtant quelque traversée dans les glaces de la Baltique que j'espère rencontrer, cette fois, du côté de la Finlande, avec ce nouveau voyage en cargo: un vieux rêve…revenu en surface après ma toute récente "traversée" du désert de Mauritanie. |
J'avais bien envisagé depuis quelques années ce type de voyage au Canada, ayant appris qu'un petit cargo (au nom évocateur d'"Arctic Express" et prenant bien sûr des passagers) ravitaillait les villages inuits à partir du Saint-Laurent, mais il fallait aussi aller là-bas en avion et en revenir…Plus récemment, l'ancien brise-glace "Sampo", reconditionné pour les touristes du côté du Golfe de Botnie, en Finlande précisément, avait retenu toute mon attention, mais vu le prix exorbitant demandé pour 4h de promenade dans la glace (ce bateau ne circulant que le jour) j'y avais renoncé. Alors, là encore, mon pari est hasardeux, surtout que le bateau ne va pas du côté de St Petersbourg, où je sais que la glace est au rendez-vous l'hiver: to be or not to be, this is no more the question, but "to (vers) ice or not to ice" ? Car il faut maintenant se mettre aussi à l'anglais, nationalité du Baltic Eider oblige! |
||
Arrivée Amsterdam. Beau temps alors que neige annoncée sur Paris. Téléphone à l’agent de ma chambre d’hôtel (Ibis) : le bateau est déjà là ! Il repart demain dans l’après-midi : je peux venir quand je veux, mais trop tard pour annuler la chambre ! Ai-je eu le bon interlocuteur (le dénommé mr…, agent nommée avec qui je devais prendre contact était inconnu au bureau)? M’a-t-il bien compris ? |
||
Je rappelle une deuxième fois, histoire de demander si c’est facile pour un taxi et à quel prix : il me donne une sorte de code, en épelant chaque lettre….s’agit-il de son nom ? je n’y comprends rien mais connaîs néanmoins le prix d’une course…et puis il sait à présent dans quel hôtel je suis…au cas où… maintenant je peux sortir, un peu plus rassuré direction le 3 mâts "Amsterdam", réplique d’un vaisseau de la Cie des Indes du 17ème ; je le vois de loin mais avec tous ces canaux cela n’a pas l’air très évident : je pourrai aussi voir le Musée maritime…assez décevant dans l’ensemble, mais je l’ai fait au pas de course (arrivé une heure avant la fermeture) et me suis même perdu dans des salles aux portes multiples…ou cachées ! le 3 mats se visite, mais il n’est pas encore fini à l’intérieur ; je peux quand même me rendre dans les appartements du château arrière, histoire de voir comment le capitaine Hornblower (mon héros ou plus exactement anti-héros pour ceux qui ne le sauraient pas) était logé : c’est très très bas de plafond ! |
Jeudi 30/01 |
Après le petit déj à 09H00, un coup d’œil par la fenêtre : horreur, il neige abondamment ! Il faut que je prenne la tangente avant qu’un taxi refuse de me conduire au Scandia Terminal qui est je ne sais où, avec ces grands ports, qui s’étendent comme des villes …D’ailleurs le chauffeur ne sait pas lui-même puisqu’il conduit en regardant la carte. |
Le Baltic Eider est un nom qui fleure bon la nature : il a tout de suite plu à ma chère et tendre, qui m’a donné aussitôt son feu vert pour partir ! |
|
Première surprise en arrivant à bord : je suis accueilli par une jeunette en salopette originellement blanche ; elle me dit qu’elle est la third mate (donc, en partant du captain, cela doit correspondre au 4ème officier de pont) . Un peu plus tard, je saurai qu’il s’agit de Kitty. Elle veut prendre ma valise (qui est presque aussi grande qu’elle) alors je lui propose plutôt de me soulager du portable, car dans les couloirs et escaliers intérieurs la navigation « en bagages accompagnés » (où je ne deviens plus que l’accessoire de ceux-ci) est toujours difficile. |
Elle me conduit à ma cabine et dans le couloir 2ème surprise : une autre jeune femme , en panty et accroupie, faisant une pause ! Je savais que ce bateaux faisait partie de ceux prenant des « Tatiana » pour le service du bord, mais j’imaginai plutôt une espèce de babouchka russe, or là il s’agit bien d’une jeune et agréable personne, au doux prénom de Marina…Mais il n’y aura pas d’autre présence féminine à bord, si ce n’est le portrait officiel de Sa Très Gracieuse Majestée, en bas de l’escalier menant à la salle à manger. |
||
Et voici un ventre impressionnant, précédant un homme au physique de rugbyman qui se présente à l’entrée de la cabine : c’est le Captain (mais c'est peut-être aussi cela ce qu'on nomme le "ventre du navire")! Il me souhaite la bienvenue, de façon très chaleureuse (rien à voir avec le Commandante du « Spes « ) ! Ma cabine n’a pas le cachet de celle du petit Paaschburg, mais elle me paraît très confortable, équipée en plus d’une vraie mini-chaîne (je trouverai au mess une collection importante de cd et de bonne musique anglaise notamment) , d’une tv-magnétoscope et d’un frigidaire. Surtout, elle face à l’avant, avec deux sabords et vue imprenable, car sur ce bateau aucun risque d’avoir un conteneur devant soi : ils sont sur deux rangs maximum et en-dessous de ce niveau. |
||
Au dîner, à 17h30, surprise une femme : une blonde aux cheveux relativement courts, avec des yeux gris-bleu et ayant entre 50 et 60, mais ne faisant pas âgée. Le Captain nous présentent : je l’avais prise pour un officier (par ex chef mécanicien) russe..et elle croyait que j’étais un marin (philippin ?) alors qu’il s'agit de l’autre passager, une Finlandaise. |
Vendredi 31/01 |
|
Arrivé tôt le matin à Zeebrugge, après une nuit très agitée en première partie. Nous sommes en fond de port, avec toujours d’immenses parcs de voitures neuves et il neige. Le seul intérêt est le car-carrier juste devant nous, qui se nomme « Turandot ». Je savais déjà que les ro-ro porte-voitures de la compagnie suédoise Wallenius avaient chacun un nom d’opéra (le Faust, le Fidélio, etc). |
|
Zeebrugge quitté vers 13h00. |
|
Dans l’après-midi sur la passerelle, j’aperçois au loin une silhouette haute, jaune et blanche, qui m’est familière : pas de doute c’est un Grimaldi ! Serait-ce un des deux que j’ai pris en 2001 et 1999 ? Comme nous le croisons (et que deux gros navires qui se croisent en mer, çà va deux fois plus vite) mon idée est faite : c’est le "Grande Mediterraneo" ! Cela fait quand même quelque chose de croiser « son propre navire » : j’immortalise le moment par une série de photos. |
Samedi 1er février |
|
Un grand jour : c’est la 1ère fois que je prends le Canal de Kiel : environ 6 heures de parcours pour rejoindre la Mer Baltique et, par chance, ce sera de jour ! Finalement assez peu de bateaux croisés sur le parcours (et pas un de notre taille) ; quelques jolies maisons par-ci, par-là (le rêve : habiter comme eux à un endroit plaisant et où l’on voit passer les (gros) bateaux). |
Captain Cribbs me prie de me joindre aux officiers juste avant le dîner pour boire une beer ensemble. Damned je viens juste de finir celle de ma cabine (mon ventre peux en témoigner, mais je ne peux refuser ! Peu après, la Finlandaise vient m’informer de la même chose. J’y suis a l’heure dite, et même légèrement en retard, or plusieurs officiers mais ni captain, ni finlandaise ! Me serais-je trompé ? Et si jamais c’était dans les appartements du Master ? Mais c’est trop tard pour reculer : je suis déjà servi ! |
Lundi 3 février |
Arrivé vers minuit à Hanko et bien que couché, je me dresse pour regarder par le sabord : le navire tourne sur lui-même , avec un gros projecteur éclairant devant. Il semble y avoir de la glace sur l’eau un peu partout ! |
Soir à Helsinki |
Je partage le taxi de mon amie Pirrko (l’équivalent de Brigitte,), qui m’a fait un petit plan des endroits où me rendre pour cette deuxième escale finlandaise. Je descend, mais c’est elle qui débarque ici, retrouvant son home après dix moins d’absence, notamment maritime, non sans amertume d’être à nouveau ici. Le travail bien sûr, même si elle travaille chez elle, amis aussi parce qu’elle n’a cessé de me dire que la qualité de vie en Finlande et à Helsinki notamment, ce n’est plus du tout ce que c’était. Helsinki by night à moins x degrés en février, même s’il n’est que 19H un lundi, ce n’est pas ce qu’il y a de mieux. Tout est fermé à part les bar-resto et il fait un froid sibérien. |
Mardi 4 février |
|||
Nous sommes partis tard dans la nuit et j’ai l’impression que le Baltic Eider avance assez vite, mais un coup d’œil par la fenêtre me démontre qu’il n’en est rien : une mer de glace, encore plus compacte qu’hier, dans laquelle le navire avance vaille que vaille. |
|||
Arrivée près d’Hamina ; on aperçoit même au loin une ou deux voitures …sur la mer gelée. Un épais givre recouvre mes deux sabords.. Il fait moins 17 dehors (minus seventeen) …et il paraît que c’est un hiver normal, dixit le Pilote ! Peu de chose à voir à Hamina, le temps s’y prêtant d ‘ailleurs peu, donc uniquement shopping, en notant que les Finlandais sont fous de réglisse: il y en a en vente sur des rayons entiers, de toutes sortes…et celui fourré à la menthe, entre autres, est excellent. |
De retour au bateau : toujours cette épaisse couche de givre sur mes sabords ! |
Alors je me dis que si je recommande ce voyage à mes amis, que sera t’il sans le captain Cribbs ? C’est vraiment le plus chaleureux (pince sans rire) avec qui j’ai navigué. Nous gagnons la table assez tardivement : damned ! du vin blanc et du vin rouge, alors qu’en plus je ramène mon verre de bière ! |
|||
Mercredi 5 février |
Finalement, le départ prévu ce matin vers 6h n’aura pas lieu avant demain, vers 5h ! |
Elle connaît un tout petit peu Marseille « a very beautiful place », ayant travaillé à bord du Baltic Eagle (autre navire de la compagnie, vendu depuis) qui passait par là. Il pleut et vente assez fort dehors et c’est même une pluie horizontale, que l’on voit bien dans la lumière des 2projecteurs braqués sur l’avant. C’est la première fois que je vois un navire faire sa route au projecteur, mais il s’agit de bien apercevoir la glace dans laquelle nous nous engageons. |
Jeudi 6 février |
|||
Réveil à 7h00 et un coup d’œil au sabord au-dessus de ma couchette : nous naviguons toujours sur une mer blanche ! J’avais demandé hier soir à Kitty si elle pensait que ce serait toujours le cas , or elle m’avait répondu que non. Je la retrouve après le breakfast sur la passerelle, où elle est de quart et elle me montre que nous sommes bien toujours dans le Golfe de Finlande, d’ailleurs à peine au-dessus et au large de Hanko, notre première escale finlandaise, malgré que nous filions près de 15 nœuds. La glace apparaît beaucoup plus mince ici et c’est cette nuit, dans la partie la plus gelée du Golfe que nous avons dû avancer à petite vitesse. |
|||
Je paye mon pot le soir avant le dîner, car demain c’est peut-être le dernier soir du Captain et il voudra sans doute payer sa tournée, alors je ne veux pas manquer mon tour. C’est l’occasion de montrer « mes bateaux » avec l’ordinateur et bien m’en a pris car l’un des officiers (un Ecossais) me propose de me prêter ses revues de bateaux et au retour du dîner je trouverai devant ma cabine une pile impressionnante de revues pour shiplover ! |
Vendredi 7 février |
Coup d’œil habituel au sabord en me levant et, surprise, nous sommes toujours en mer alors que j’avais compris que nous devrions être du côté du Canal de Kiel. |
Samedi 8 février |
A peine quelques minutes après l’alarme de mon réveil, un coup de sirène, puis un autre… |
Dimanche 9 février |
Journée à Felixstowe, un port à conteneur au sud de l’Angleterre, qui ne présente pas un grand intérêt. Je me rends à la Seamen House, car ce n’est pas du tout loin à pied, mais je me perds rapidement et il n’y a pas grand monde un dimanche pour me renseigner. Finalement, ayant bifurqué dans une direction opposée, je me fais aimablement conduire en voiture par un agent du port. La maison des gens de mer, « foyer du marin » en quelque sorte offre tout le confort pour le bien-être du « marin perdu » de passage, et d’ailleurs on m’y offre même un café…et deux pièces anglaises, en souvenir ! Mais moi j’y cherche quelque souvenir maritime pour shiplover et là rien de rien ! Et puis je me dis…qu’ils ont dû me prendre pour un marin philippin ! Pendant le déjeuner, le Chef Mécanicien (en anglais, c’est « Chief Engineer » et çà sonne mieux) me propose une place dans sa voiture pour faire quelque shopping (réduit car tout est fermé le dimanche) en ville, car hors le port, Felixstowe est une petite station balnéaire. Sa Vauxhall (une des marques british rescapées et que je croyais même disparue ou avalée par Ford…ou les Japonais) est au pied du bateau et nous conduit, à gauche toute, par un sinistre temps pluvieux typiquement british. Une allée centrale, bordée de boutiques, dont un nombre impressionnant de « Cards and gifts shops ». Le « Chef » est, comme chacun sait, le deuxième plus gradé du bord (4 barrettes comme le Captain) et celui du Baltic Eider m’avait toujours impressionné par ses tatouages le long de ses 2 membres supérieurs, du reste pas en accord avec son physique et le fait qu’il parle toujours avec discrétion. Il trouve son bonheur en achetant des petits pains et un sachet monstrueux de réserves de chips (très appréciable avec la bière me dit-il)..ainsi que du dissolvant à ongle pour Marina, qui n’a pas pu venir avec nous, comme prévu initialement. Il faut dire qu’elle a eu à nettoyer les appartements du Captain, or celui-ci étant sur la ligne depuis 10 ans… |
lundi 10 février |
Je devrais être au boulot ce matin…et je suis donc toujours là ! J’ai mal dormi, car nous sommes arrivés vers 23h30 et je m’étais couché assez tôt, réveillé vers 04h00 par un cauchemar…et aussi stressé par le fait que je ne sais pas quand le navire va partir. C'est mon deuxième débarquement à Zeebrugge (le premier, en descendant de mon cher et historique paquebot de croisière Mermoz…mais cette fois l'ami Pascal (autre membre illustre du cargo-club de l’ïle St Louis à Paris) n'est pas là pour m'accueillir: ce sera peut-être pour une autre fois, dans un autre port (d'autant qu'en ce moment, après avoir embarqué au Havre sur le "bananier" "Douce France" il se dore la pilule aux Antilles… |
Cette
page appartient à www.marine-marchande.net, le site français
de la marine marchande |