Samedi 12 janvier 2008 – en Manche
Ce samedi matin à deux heures, fatigué par les émotions de la journée, je me suis endormi immédiatement. Quand je me suis réveillé il était 8.25h, juste à temps pour enfiler quelques vêtements et descendre en vitesse pour le petit déjeuner qui se prend en principe entre 7.00h et 8.30h. Après quoi j’ai pris tout mon temps pour faire ma toilette, j’ai essayé la douche qui m’a donné toute satisfaction et je me suis même rasé. Ce qui, d’après le collègue passager Peter, est fortement à déconseiller par gros temps, au risque de se couper la gorge. Je vais bien tenir en mémoire cette excuse originale, elle pourra encore me servir dans l’avenir, surtout lors des vacances en bateau.
10.30h Je reviens de la passerelle où j’ai été voir où on en est, ce qui ne pose aucun problème parce qu’une fois que le bateau s’est mis en marche, les passagers y ont l’accès libre. L’électronique ne manque pas, beaucoup de fonctions, comme le radar et les écrans de navigation sont en double, mais il y a quand même toujours la carte en papier avec le crayon, la gomme, la règle et le compas, en d’autres termes : un dessin sur papier avec les côtes de la France et de l’Angleterre sur lequel on trace une ligne de cap et on marque des positions, ce qui, pour les gens simples comme les passagers, facilite bien les choses pour se faire une idée de la distance qui nous sépare déjà de la terre ferme.
En sortant du Havre on vise directement le dispositif de séparation du trafic de Cherbourg qui double le cap de la Hague (évidemment la bande de droite pour aller vers l’Ouest de cette autoroute pour cargos communément appelée ‘le rail’), et de là on fera route en ligne droite vers l’entrée du rail d’Ouessant au large du Finistère.
Les passagers sont six, il y a deux couples, l’un français l’autre franco-anglais et un français voyageant seul. Le couple franco-anglais, Peter et sa femme française Elisabeth, font la traversée pour la deuxième fois, cette fois-ci surtout pour échapper à l’hiver anglais. Il est bien réconfortant de constater que je ne suis pas le seul à avoir cette idée (folle pour certains) de vouloir naviguer vers l’autre bout de l’Atlantique juste pour le plaisir.
Peter et Elisabeth sont ‘very British’, ils ont eu un cabinet d’avocats à Londres et vivent, depuis qu’ils sont à la retraite, à la campagne anglaise (the country side), assez loin de la mer. Ils se comportent en vrai gentlemen avec une gentillesse et politesse naturelles, en plus ils s’intéressent à beaucoup de choses et c’est un plaisir de discuter avec eux.
Jean-Claude et Monique sont typiquement français : ils aiment parler et bavarder, surtout des bonnes choses de la vie comme la cuisine, le vin et la vie tranquille à la campagne. Ils vivent à Chantilly (Oise) et ils ont une maison de vacances avec un potager et beaucoup de verdure en Saône-et-Loire. Par un petit côté chauvin (typiquement français) ils supposent que tout le monde voit automatiquement le genre d’environnement que ces deux départements représentent.
Jacques, qui voyage seul, est plutôt du style méditerranéen, il habite Toulouse et il en a l’accent typique. Il vit la moitié de l’année en France et la moitié en république Dominicaine où il possède un appartement, et aussi une amie. Ce qui, selon ces dires, favorise l’intégration dans la communauté locale et évite pas mal de problèmes avec la population indigène qui en général ne voit pas d’un bon œil les touristes riches. Son côté aventurier se manifeste par le fait que cette année-ci il fait la traversée non pas en avion, mais en bateau. Jean-Claude et Monique ont eu la même idée, depuis des années ils passent leurs vacances d’hiver à la Martinique et cette année ils ont aussi ont choisi le bateau pour le voyage-aller.
La vie à bord : le pont E est exclusivement réservé aux passagers et compte sept cabines et un salon commun avec radio, télé, vidéo, une cafetière et une bouilloire. Tous les ingrédients pour se préparer un bon café ou du thé sont mis à la disposition par la maison et le steward prend bien soin de maintenir le stock. Au pont F au-dessus se trouvent les cabines du commandant, du second capitaine et des 1er et 2e officiers-mécaniciens, le pont plus haut est complètement occupé par la passerelle. Les ponts C et D contiennent les cabines de l’équipage, au pont B se trouve d’un côté la cuisine avec le mess officiers-passagers et le mess équipage, et de l’autre côté, en face des mess respectifs le carré des officiers et le carré de l’équipage.
Le pont A, encore un étage au-dessus du pont principal, héberge le centre administratif du bateau, le ‘ship’s office’ où se déroulent toutes les formalités de gestion comme le chargement, l’enrôlement ou l’inscription de l’équipage, la régistration des passagers…etc. Ici aussi l’informatique a fait son entrée, il y a quelques terminaux du réseau de bord, et une caméra numérique avec laquelle on prend une photo de chaque membre de l’équipage et de chaque passager dès qu’ils montent à bord. Ces photos, avec le nom et la fonction de la personne, sont reprises sur une ‘feuille à gueules’ qui est affichée à plusieurs endroits à bord. De cette manière tout le monde sait directement qui est quoi à bord, il n’y a plus d’inconnu et on fait immédiatement partie de la bande.
Je dois avouer qui je n’ai pas encore retrouvé le pied marin et qu’il me faut du temps pour m’adapter. Je n’ai pas vraiment le mal de mer, mais l’estomac n’est pas tout à fait à son aise et la tête n’est pas bien claire non plus, en bref un léger petit malaise encore supportable mais quand même assez fatiguant. Heureusement je ne dois pas travailler, donc peu importe et tantôt il sera l’heure du dîner. Un peu de nourriture me fera du bien parce qu’avec un estomac rempli on reste plus facilement debout. En ce qui concerne la cuisine, le bateau honore tout à fait son pavillon français, le coq est d‘ailleurs un français de souche.
Encore dans la rubrique ‘cuisine’ : sur les tables du mess on trouve chaque matin le menu du jour, rédigé et signé conjointement par le commandant et le coq, manifestement les deux personnes les plus importantes à bord ! Outre les menus du déjeuner et du dîner ce document reprend aussi les notes de service destinées aux passagers et à l’équipage. Dans les instructions de bord on l’appelle ‘le journal officiel’ que tout le monde est censé lire et connaître, même ceux qui ne viennent pas manger. Le système se montre assez pratique, pour le capitaine c’est une manière facile d’informer tout le monde en même temps et d’éviter qu’on lui pose dix fois la même question |