Souvenirs
au long cours Georges Tanneau |
LES KROUMEN...
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Pour bien comprendre comment se faisaient les chargements
et déchargements des cargos sur rades foraines ou dans les ports
du golfe de Guinée avant 1970, il nous faut parler des
Kroumen. Tous les marins du commerce qui ont
un jour embarqué sur des cargos fréquentant la Côte
Occidentale de l'Afrique, entre le Libéria et l'Angola, mais aussi
les passagers de ces anciens paquebots qui desservaient les mêmes
régions, ont en effet en mémoire ces pittoresques dockers
africains que l'on désignait sous cette appellation. Mais
qui étaient-ils ? |
Le nom Kroumen
(Krouman au singulier) est formé du mot "men"
(hommes en anglais, évidemment) et du mot "Krou"
qui est le nom d'une population de l'ouest africain (Côte d'Ivoire,
Libéria). Les marins français ont tendance à préciser
que les Kroumen sont des Krous devenus marins et dockers
(autrement dit les "Krous" à terre et les "Kroumen"
en mer). L'appellation Kroumen en usage serait, d'après
certains, due à la ressemblance avec le mot anglais "crewmen"
(hommes d'équipage)... On trouve aussi les appellations Kroo
ou Kru, mais elles sont anglaises (Libéria), la phonétique
demeurant la même. Les Kroumen sont donc des Krou(s),
autrement dit : "Les hommes issus d'un groupe de tribus que l'on
désigne sous ce nom". On peut alors dire Kroumen
comme l'on dit Frenchmen, Boshimen, etc. |
Cependant, en plus du noyau issu des tribus Krous,
principale composante, une équipe de dockers dits Kroumen,
et comptant entre 60 et 70 membres, pouvait parfois être
complétée par des hommes venus d'autres régions de
la Côte d'Ivoire et même d'autres pays de l'Afrique Occidentale.
Même si certains, comme ceux de l'ethnie "Guéré"
étaient considérés comme apparentés aux Krous,
d'autres comme les "Malinké", les "Lagunaires"
ou encore les "Sénoufo" étaient très
différents. Ils embarquaient souvent pour "faire le nombre".
A bord, nous appelions tous ces hommes, sans distinction, des Kroumen.
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L'origine des Krous | |
Les Krou(s) eux-mêmes sont loin d'être une population homogène. Les tribus sont disséminées le long du rivage ou à travers la forêt. Chaque tribu signifie un clan avec de vagues liens de parenté que la polygamie ou l'échange d'épouses complique à souhait. Le mot "frère" a ici un sens très élargi et il est toujours difficile de savoir si deux hommes sont frères en ayant les deux mêmes parents ou s'ils ne sont que demi-frères ou cousins. "Celui-là, c'est mon frère, même père, même mère" est une formule courante pour faire un distingo. Les grandes tribus portent le nom d'un village (Tabou, Bérébi, Sinoé). On dit ainsi "ce Krouman-là, c'est un Bérébi". |
Les Krou(s)
sont animistes, fétichistes. Leurs divintés sont variables
suivant les tribus. Même quand ils se disent chrétiens et
baptisés, ils n'abandonnent pas pour autant les cultes familiaux
et honorent une multitudes de créatures ou esprits invisibles (esprit
de l'arbre, de la source, du feu, de l'éclair, du vent, esprit
de l'ancêtre, esprit du missionnaire ou de l'institutrice qu'ils
ont mangés... Mais ça c'était il y a... une trentaine
d'années à peine. Mais si !... Ici on a son premier enfant
à 13 ou 14 ans... Chaque famille possède son fétiche protecteur, le "Glé" (petite tête pétrie dans de l'argile et couronnée de plumes). Les grandes divinités créatrices du monde et les maîtres des éléments cosmiques ou atmosphériques font davantage parti du patrimoine historique que d'une religion. Supers héros de légende, ils ne correspondent pas à l'idée que nous nous faisons d'un Dieu puissant et soucieux d'aider ses créatures. Ils n'interviennent jamais dans la marche des événements. Un astéroïde peut tomber sur la terre, le déluge ou une autre calamité, comme la lèpre ou le sida, cela ne les concerne pas. Il n'existe aucun culte en leur faveur. Aucune prière ne leur est adressée. |
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Deux Kroumen sur le LOULÉA
(Delmas, SNCDV) en 1972, à San Pedro. A droite un chef cacatois, à gauche un patron-boat (patron d'une cale) |
LOULÉA
- Constr. 1949 (Ateliers & Chantiers de Saint-Nazaire-Penhoët)
pour la Compagnie Maritime des Chargeurs Réunis (CMCR) - 140,12 x 16,95
m (après jumboïsation en 1962 aux Forges & Chantiers de
la Méditerranée, mais 130,50 m à l'origine)
- TE 7,96 m - JB 6 714 tx (4 460 tx
en 1949) - PL 9 250 t (7 230 t avant allongement)
- P 5 000 ch (3 680 kW) - Mot. Sulzer 2T /
8 cyl. - V 14 nds. Est transféré à
la SNCDV (Société Navale Chargeurs Delmas-Vieljeux) créée
en 1971(par accord SNDV-CMCR sur la ligne de la COA). Revendu en 1972
à la Fédération Internationale des Travailleurs de
la Mer (Panama), il est alors renommé ARMELLE
(Pav. PAN), puis CAPTAIN TIHO (Pav. SOM) en 1973 et encore
KAMENARI. Il devient le grec NOSROS VASOS
après sa revente en 1976. |
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Il sera finalement ferraillé
à Split en 1977, après avoir été jugé
irrécupérable suite à un incendie déclaré
dans sa salle machine (nov. 1976) alors qu'il faisait route de Malte au
Golfe Persique. NDLR (Photo Ch.
Limonier - Infos J.
Beaugé & R.P. Cogan / B.
Cassanou). |
Le "noyau" des
équipes qui embarquaient à bord des navires était
issu de la même famille ou du même village ou élargi
à la tribu (Bérébi, Tabou) et formait les "cadres"
(cacatois, patrons-boats) qui dirigeaient les équipes.
Il fallait ensuite compléter le recrutement avec quelques dizaines
de travailleurs venus de très lointaines contrées, mais
établis pour quelques années dans les villages côtiers
où se faisaient les embauches. Dockers, mais aussi marins, car pour l'administration ivoirienne ils embarquaient sous le nom de "Navigateurs" pour des périodes de un à deux mois. Les ports d'embarquement étaient Tabou ou Sassandra (plus tard: San Pedro et Abidjan). Quelques navires étrangers embarquaient leurs Kroumen au Libéria. Sous le nom général de Kroumen, les marins européens désignaient par conséquent plus une catégorie "socio-professionnelle" qu'une entité purement ethnique. |
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Petit village
Krou, près de San Pedro, en 1972. |
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Mais pourquoi les Krous ont-ils été choisis pour avoir la destinée que nous leur connaissons ? |
Se servant des rivalités locales,
les puissances colonisatrices allaient très vite s'appuyer sur
les populations maritimes africaines avec lesquelles elles avaient davantage
de contacts et qui avaient des problèmes avec les roitelets du
haut pays qui les oppressaient. Les relations des marins européens
avec les pêcheurs Krous commencèrent donc à se développer
positivement dès les premiers contacts. Or, dès le XVe
siècle, les Portugais s'établirent à San Pedro (Sào
Pedro) et à Sassandra (Sào Andrea). Il est probable que
les navigateurs négriers ayant admiré les prouesses des
piroguiers indigènes qui se jouaient des rouleaux et de la "barre"
avec une facilité déconcertante, aient été
les premiers à utiliser les Krous pour la manœuvre des embarcations
amenant à bord les esclaves capturés ou achetés dans
l'arrière-pays. Le temps passa et, après avoir été
arrimeurs de "bois d'ébène", les Krous devinrent
les Kroumen, arrimeurs de bois d'acajou sur les voiliers du XIXe
siècle. Ils trouvèrent dans ces embauches épisodiques
une source de revenus plus intéressante que la pêche en mer
qu'ils ne pratiquaient plus que par intermittence comme source alimentaire. |
Depuis leurs premiers échanges
avec les populations du golfe de Guinée, les navires de commerce
venus d'Europe furent amenés à employer la main-d'œuvre
locale pour effectuer chargements et déchargements. Très
vite, l'habileté et l'endurance des Krous allaient en faire des
partenaires privilégiés des marins, et les villages
de Tabou et de Sassandra (en Côte
d'Ivoire) deviendront alors les centres de recrutement et d'embarquement
pour les voiliers, puis pour les vapeurs français. Dans son livre "Voyage au Congo", André Gide dit que "70 Kroumen (il écrit Croumen) embarquèrent sur le paquebot ASIE pour renforcer l'équipage" (c'était en 1926). |
Les premiers transbordements de la marchandise se
feront à l'aide des pirogues manœuvrées par ces indigènes
habitués à franchir la barre (cf. photos ci-dessus de la
barre en Côte d'Ivoire) et connaissant parfaitement tous les dangers
du rivage. Les Kroumen vont s'adapter à ce métier et se
spécialiser dans les travaux de manutention les plus délicats,
plus particulièrement dans l'embarquement et l'arrimage
des billes de bois. |
La langue des Kroumen | |
Pour
un Européen, il est souvent difficile de comprendre la façon
de penser des Kroumen, leur logique, leurs réactions. Tout cela
semble aux antipodes de notre culture latine, germanique, ou celte. Leur
problème linguistique est aussi compliqué que le problème
ethnique auquel il est étroitement lié. Les langues parlées
par les Krous appartiennent à la famille des langues dites "soudanaises".
Vingt-quatre tribus occidentales et côtières fournissent
la majeure partie du personnel embarquant sur les navires qui desservent
la C.O.A. Malgré leur proximité géographique, les
hommes et les femmes de ces "villages tribus" parlent un amalgame
de plus de "20 dialectes forestiers", dont le seul lien
est une sorte de "pidgin" issu de l'anglais et du français
et accommodé à la phonétique des diverses langues
tribales regroupées sous le nom de langues Krous. Bien que rassemblées
dans un même groupe, ces langues ne se ressemblent que par la structure
de leur grammaire, mais diffèrent entre elles par le vocabulaire,
à telle point qu'un chef cacatois natif de Bérébi
ne peut se faire comprendre d'un manœuvre de Sinoé que par
l'intermédiaire du "Pidgin". Toutes les langues Krous se caractérisent par un aspect assez singulier. Il n'y a pas de conjugaison. Le verbe demeure à l'infinitif et ne peut être différencié du substantif. Seuls l'inflexion de la voix, le ton adopté et la place du mot dans la phrase, compensent en partie la faiblesse relative du vocabulaire. |
Ainsi, quand un Krou dit:
"Manger poisson", il est parfois difficile de comprendre s'il
parle de l'appât qu'il a au bout de son hameçon ou du repas
qu'il se promet de faire quand il aura fini de pêcher. "Toi
maison" peut aussi bien vouloir dire: "ta maison" ou "Vas-t'en
! Retourne chez toi !". Voyager à pied se traduit par : "Pied
la route". Avoir mal à la tête se dit "Nalou Klané
!" ce qui signifie à peu près : "tête malade,
blessée ou tordue..." mais peut aussi être compris comme
"Je vais te casser la tête !" ou encore "ça
ne va pas dans ta tête! Tu es fou !" Les Krous comptent en base cinq (les doigts d'une main deviennent un boulier). "Do, oin, ta, hin, hm !" font: Un, deux, trois, quatre, cinq ! Les chiffres suivants se disent :" Hm do, hm oin" (cinq et un, cinq et deux) et le dix : " Mpou !" La case du "Petit Chef" à San Pedro (et ses décorations... quel est le bateau représenté sur la gauche ?) |
Le Pidgin La diversité des langues Krous fait cependant que la langue véhiculaire adoptée à bord entre le chef cacatois et ses hommes est le plus souvent un "pidgin" dans lequel de nombreux mots sont des mots anglais transformés à la mode créole : Assaye : veut dire dehors : out side. / Miké : milieu du bateau : midship. / La Gaï : est le palan de garde. / Le Wère : est un câble : Wire. Le prélart se dira "Tapo" de l'anglais : tarpaulin. / Larguer devient "Lago" : Let go. / Le marteau ou la masse se disent : "Hamma" : hammer. Le Carayou qui est un câble utilisé pour déplacer un colis horizontalement vient de l'expression : to carry (transporter, entraîner, amener vers) |
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L'embarquement des Kroumen |
Sur les cargos classiques de la compagnie
Delmas et à l'époque où je les ai
connus, les Kroumen embarquaient à Tabou. Ils
arrivaient dans des boats (sortes de grosses pirogues
manœuvrées avec de longs avirons et des pagaies). Ces embarcations
sortaient à quatre ou cinq de la rivière de Tabou et franchissaient
la "barre". Le mouvement des pagaies s'accompagnait généralement
de chants rythmés. Tabou est un simple mouillage qui se trouve
en Côte d'Ivoire (dans le golfe de Guinée, cf. carte en début
de texte) à une douzaine de milles à l'est du cap des
Palmes et à quelques kilomètres du fleuve Cavally
qui forme la frontière avec le Liberia. |
Les boats, une fois le long
du cargo, s'amarraient à une ceinture de filin que les
matelots avaient disposée de l'avant à l'arrière
de la coque, et sous le vent. Des échelles de corde permettaient
aux Kroumen de monter à bord. Puis tous les Kroumen se rassemblaient
et, avec l'aide des cacatois, on procédait à l'appel et
à la répartition des équipes. Il y avait une
équipe par cale. Chaque équipe était sous
les ordres d'un patron appelé patron boat
et comprenait cinq à six manœuvres, deux mouillés,
deux treuillistes, et un chef panneau. L'ensemble
des équipes était en outre dirigé par un chef cacatois,
un second, un troisième et un quatrième cacatois portant
casquette. |
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Dessin de Patrick Jusseaume |
Les repas des Kroumen étaient sous la responsabilité d'un cuisinier-riz entouré de deux ou trois boys. D'autres boys étaient répartis entre les cacatois, le service restaurant et la machine. A partir de 1970, on embarqua aussi des Kroumen sachant lire et écrire pour faire le pointage des billes de bois, et d'autres pour les travaux d'entretien (potasse et peinture). Le gros de la troupe était logé dans une grande cabane aménagée exprès sur la dunette. Des latrines entourées de toiles de prélart étaient suspendues aux batayoles et faisaient comme un balcon au-dessus de la mer. Les cacatois avaient droit à de petites cabines. Les Kroumen viennent d'embarquer.
Le second capitaine, le bidel et les cacatois |
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Chargement des billes |
Les Kroumen étaient surtout spécialisés
dans le chargement et l’arrimage des grumes de bois exotique
extraites de la forêt équatoriale de l’Afrique de l’Ouest
et que les cargos réceptionnaient près des estuaires et
sur rade foraine.
Les forestiers coupaient le bois en forêt et regroupaient les rondins dans des dépressions, des petites vallées, qu’ils inondaient ensuite en édifiant un système de barrages à échelons. Les barrages étaient ouverts les uns après les autres, le déferlement entraînant, par étapes, les billes de bois vers les petits cours d’eau en aval, avant d’atteindre les rivières plus larges. Arrivées près de l’estuaire ou d’une confluence assez importante, les grumes étaient rassemblées en radeau (drome) à l’aide d’un fil d’acier (appelé wère) et de lances à boucle (appelées pigouilles), formant des trains de billes. |
Une grosse bille était choisie
pour être la tête de la drome. Une des extrémités
du fil d’acier l’enroulait solidement (on y ajoutait quelquefois
des serre-câbles ou morpions). Après avoir passé
le "wère" dans toutes les boucles des pigouilles enfoncées
dans les rondins, une autre bille de bois était choisie pour être
ceinturée comme la bille de tête et devenir ainsi la queue
de la drome.De petits remorqueurs faisaient franchir la barre (rouleaux
marins provoqués par la houle et une différence brusque
de la profondeur aux approches du plateau continental). La longue drome
arrivait le long du bord pour y être fixée par des câbles
de retenue placés à intervalles réguliers : sept
à huit câbles pendaient ainsi le long du bord. C’était
le premier travail des "mouillés"
de mailler ces câbles sur le wère. Un mouillé au travail |
Un lieutenant comptait les billes du radeau et comparait
le nombre trouvé avec celui indiqué par le bon de chargement.
Le chargement pouvait commencer ! Les mouillés faisaient sauter
les pigouilles à l’aide d’une masse (plus tard à
l’aide d’un petit croc fixé sur le cartahu débordant
et placé près de l’élingue). La pigouille enlevée,
un mouillé élinguait la bille avec une élingue déjà
prête à se refermer en laguis (cordage qui, muni d'un
nœud coulant, "nœud d'agui" – ou "noeud
de chaise" légèrement modifié, est employé
pour serrer un corps qu'il entoure, par le seul effet du poids de ce corps
- NDLR). Quand la bille était grosse les mouillés se
mettaient à deux pour passer l’élingue. Les élingues
devaient se resserrer vers le premier tiers des billes afin de les faire
se pencher légèrement en montant. |
Pour embarquer une bille de bois tout à fait ordinaire, il y avait deux façons de procéder. Ou l’élingue était maillée aux deux cartahus réunis par un trèfle à chaînes doublé d’un émerillon, ou l’élingue n’était maillée qu’au seul cartahu débordant. Dans ce cas précis, le cartahu rentrant devait porter lui aussi une élingue que le "chef panneau" passait autour de la bille lorsque celle-ci arrivait à hauteur de la lisse. (voir le dessin à gauche). Le chef panneau dirigeant la manœuvre des treuillistes à l’aide de signes et de mots précis, la bille finissait par arriver au-dessus de la cale pour y être descendue. Dans la cale, c’était au tour du "patron boat" et de ses manœuvres d’entrer en action pour procéder à l’arrimage en se servant du "carayou" et des poulies de retour. Poulie de carayou (extrait d'un dessin de P. Jusseaume - Série Tramp) |
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Les équipes |
Les premiers (ou grands) cacatois
étaient des chefs incontestés. Ils n’avaient d’ordre
à recevoir que du commandant ou du second capitaine. Tous les Kroumen
étaient sous leur responsabilité et quand ils donnaient
des ordres, ceux-ci n’étaient jamais discutés. Ils
pouvaient infliger des punitions corporelles ou des amendes à leurs
subordonnés. D’eux seuls dépendait tout le recrutement
et, pour être accepté dans une équipe, il fallait
bien souvent faire un cadeau ou laisser un pourcentage de son salaire.
Les autres postes à responsabilité : second ou troisième cacatois,
patron de cale, chef panneau,
étaient attribués à des membres de la famille ou
a de très bons amis. La place de chef cacatois se transmettait
souvent de père en fils. A terre, dans leur village, ces meneurs
d’hommes étaient considérés comme des notables,
des conseillers coutumiers et avaient droit de siéger, près
du chef du village, sous "le grand arbre à palabres".
Leur nom de "cacatois" venait probablement du nom des voiles
les plus hautes que l’on nommait ainsi sur les anciens voiliers.
Chef panneau (lorsque la bille de bois est trop lourde, on double le cartahu à l’aide d’une chape (grosse poulie) comme sur cette photo) |
Les Kroumen donnaient une forme arrondie
aux pontées en faisant attention à ne pas recouvrir les
trous de sondes (visités chaque matin par le charpentier) et en
tenant compte des parcs à treuils qui donnaient accès aux
portes des magasins. De fortes chaînes maillées sur des mains
de fer au pied des pavois partaient de bâbord comme de tribord pour
se rejoindre au sommet de la pontée où des ridoirs les réunissaient.
A partir des années 65, les pavois des Libertys seront rehaussés
de grosses poutres de fer fixés aux jambettes (cf. ci-contre photo
M. Pailleux). Ce qui permettait de donner encore plus de
volume à la pontée mais comportait aussi quelques risques
par gros temps. La pression exercée sur les chaînes au roulis
devint alors si importante que des accidents se produisirent. |
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