Journal d'un shiplover à Istanbul
(Philippe Lauga - août 2018)

"A la recherche des derniers mâts de charge d'Istanbul"

Page 1 Page 2 Page 3 Page 4
Juin 2006, avril 2008, octobre 2011, juillet 2012, août 2013. Cette année du 1er au 9 août, c'est mon sixième séjour au paradis des shipspotters, Istanbul. Cette année, j'ai choisi de résider au nord du Bosphore, sur la rive européenne, dans la commune de Sariyer. Un appartement doté d'une terrasse avec une vue fabuleuse sur le détroit.
Frustré par la triste uniformité que nous proposent nos ports de commerce occidentaux, j'espère ici observer plus de variété et surtout avoir la chance d'admirer quelques cargos classiques, gréés, si possible, de mâts de charge.       Les caractéristiques des navires sont sous forme de fichier tableur à télécharger ici (50 Ko)

3 août Je ne le sais pas encore, mais ce vendredi 3 août va me réserver l'une des plus belles surprises de mon séjour. Pourtant tout avait commencé très moyennement avec le cargo CENK TÜRMEN, dernier navire montant de la matinée, qui a perdu tous ses mâts de charge depuis la dernière fois où je l'ai vu, en octobre 2011. Un de plus. Comme le précise Roland Grard, les cargos perdent leur mâture d'une part du fait que les ports qu'ils fréquentent se sont mécanisés, et d'autre part, parce qu'entretenir un gréement devenu inutile, qu'il faut faire certifier régulièrement, représente des dépenses importantes pour les armateurs. Le premier descendant, c'est le pétrolier NISSOS THERASSIA, en panne, pris en charge par une flottille de remorqueurs. Le passage du convoi, à moins de 5 nœuds, provoque l'arrêt total du trafic pendant plus de trois heures.

Cenk Türmen
        
Nissos Therassia
Au menu du jour, la plage. Eh oui, il y a quelques rares plages au nord du Bosphore. Ce qui n'est pas pour me déplaire, c'est qu'à proximité, il y a l'un des plus beaux points de vue pour photographier les navires en transit. La côte de Telli Baba. En y passant, je m'arrête pour photographier le chimiquier grec, mais de fabrication turque, EVIAPETROL V. À cet endroit, on bénéficie d'une vue imprenable sur le pont Yavuz Sultan Selim, qui enjambe le Bosphore à l'entrée de la mer noire. En descendant vers la plage, je croise le vraquier TS DELTA, qui se rend à Wilmington, aux USA. Depuis la plage, on a une bonne vue sur le trafic. Moi, une plage comme celle là, j'en redemande. À mon avis, c'est assez unique dans le monde. Le TURKAN SAYLAN est un vraquier vraiment élégant. Il vient de Novorossiysk et se rend à Iskenderun.

Eviapetrol V

pont Yavuz Sultan Selim

TS Delta

Turkan Saylan
Je capture aussi le passage du pétrolier fluviomaritime russe VF TANKER 20. Et encore deux cargos en partie ou totalement "castrés". Le HILMI K garde néanmoins belle allure. Il se rend à Tagirdag, un port turc à l'ouest de la mer de Marmara. Le YALIKOY, lui, se rend à Nemrut, tout à côté de Aliağa. Et voilà un porte-boites! Le MSC ELEONORA, 2 600 evp, avec son château au design singulier. Il vient de Korfez et se rend à Yarimca.

VF Tanker 20

Hilmi K

Yalikoy

MSC Eleonora
 
Les mouvements AIS, que je suis avec régularité me donnent une information qui m'impose de quitter promptement la plage et de rejoindre la côte de Telli Baba. En chemin, un nouveau gros porte-conteneurs me dépasse. Il s'agit du MAERSK BRATAN, 3 400 evp, qui vient de Yuzhny et se rend à Ambarli, le port dédié aux conteneurs d'Istanbul.
     
Maersk Bratan
 
Me voilà à mon poste, tout en haut de la côte. Un repaire bien connu des shipspotters européens. Voici le petit chimiquier NECATI ALPAGÜL, que je n'avais pas particulièrement pisté, mais qui vaut le détour. Des lignes à l'ancienne, les ouvertures de coursives extérieures arrondies dans les angles, un château qui va de bord à bord, un cul rond! Et pourtant, il a été construit en 2002. Étonnant!
            
Necati Alpagül
J'en arrive donc à l'objet de mon excitation soudaine. Ce n'est pas un, ni deux, mais trois cargos classiques qui vont entreprendre la descente du détroit, l'un derrière l'autre. Il y a d'abord le JINAN. Lui il est indiscutablement japonais d'origine avec sa puissante mâture et ses prélarts grossièrement saisis. Il vient de Kherson et se dirige vers Aliağa. Il est chargé, j'espère donc qu'il ne s'agit pas de son ultime voyage.
               
Jinan
Ensuite, c'est le MEGA SUN. Ce très joli cargo a été fabriqué à Séoul en 1984. Même s'il a perdu ses deux cornes de charge et qu'il ne lui reste que sa double grue centrale, c'est un navire très élégant.
                 
Mega Sun
Et enfin, il y a le ECE G, construit par les chantiers néerlandais Bodewes à Hoogezand en 1985.           
Ece G
Le trafic descendant va bientôt s'interrompre. Les deux derniers navires sont le cargo SOPHIA I qui vient de Constanta et qui se rend à Tarragona, en Espagne et le porte-conteneurs de 1 496 evp, AS ROSALIA, qui fait route vers Ambarli.
     
Sophia I
     
AS Rosalia
Il faut compter une heure trente avant de voir les premiers navires du trafic montant. Largement le temps de retrouver ma terrasse. Je vous propose cinq navires supplémentaires en commençant par le chimiquier KAPIDAG, qui fait route les citernes vides vers Taman, un port Russe, comme son nom ne l'indique pas vraiment. Beaucoup auront reconnu l'ancien TOUR MARGAUX. de la Navale Française. Ce sera hélas la seule fois que je vous parlerai d'un bateau français...
Mais voici deux vraquiers. D'abord le HOKKAIDO BULKER, de fabrication japonaise, à n'en point douter, qui vient de Tuzla et se rend à Constanta et le très beau BEREKET, qui remonte vers Varna.

Kapidag

Hokkaido Bulker

Bereket
Le SOURIA est issu d'une série que l'on connaît bien en Europe occidentale et qui a fait le bonheur des compagnies Beluga et BBC Chartering. Passé sous pavillon syrien, le SOURIA est l'ancien BBC CALIFORNIA.

Souria
Pour terminer la journée, j'ai dû pousser les ISO pour capturer le RAOUF-H., un cargo gréé de mâts de charge, que j'ai vu à chacun de mes séjours à Istanbul. La dernière fois, il s'appelait CENK CENER.

Raouf H

4 août 6h00 ou à peu près. Lorsque je débarque sur ma terrasse, j'ai juste le temps de capturer le cargo RIZE, qui passe au même moment.
Le caboteur turc KAAN SONAY est un peu mon cargo fétiche, ici à Istanbul. Je le vois plusieurs fois à chaque séjour, et phonétiquement, Kaan Sonay, ça ressemble au gascon Cansounayre, le chansonnier, ou plus trivialement, le fatigant. Lorsque j'étais enfant et que j'ennuyais ma grand-mère, celle-ci me sortait inévitablement, "Que tu es Cansounayre mon pauvre enfant!" Le KAAN SONAY est donc pour moi une sorte de madeleine de Proust. Il ne va pas aller bien loin puisqu'il va mouiller une ancre dans la baie de Sariyer pour le week-end.

Rize
          
Kaan Sonay
Au programme de la matinée, grimpette jusqu'aux ruines du château d'Anadolukavağı, sur la rive asiatique, en face de Sariyer. La montée jusqu'aux ruines est rude, mais de là-haut, la vue est magnifique sur l'entrée nord du Bosphore et le pont Yavuz Sultan Selim. Cette matinée est celle des minéraliers.
 
Au cours de la traversée, je croise le minéralier Mini Capesize STAR ZULU qui se rend à Iskenderun.
          
Star Zulu
 


 
De là haut, je capte le Capesize BRAVERUS. Un gros bébé qui vient de Yuzhny, en Ukraine, et qui va décharger à Singapour.
     
Braverus
En retraversant, je croise le Panamax NAVIOS DOLPHIN. Il semble plutôt étroit. Je ne suis pas un spécialiste mais je me dis que c'est sans doute pour lui permettre de passer les écluses des grands lacs canadiens et américains. Il vient de Novorossiysk et fait route vers Marghera, le port marchand de Venise. Le soleil est au zénith lors du passage du porte-conteneurs CMA CGM CONGO, qui porte les couleurs de son propriétaire, Rickmers. Ce n'est pas terrible d'un point de vue de la lumière. Parvenus au ponton de Rumeli Kavağı, mon regard est attiré par l'une des vedettes des services de pilotage du Bosphore. Il s'agit du KILAVUZ 1. Et me revoilà à la plage. Le trafic n'est pas passionnant cet après-midi. Je ne retiendrai que le cargo AHMET AGAOGLU, qui a été amputé de son mât central et d'une partie de ses cornes de charge.

Navios Dolphin

Cma Cgm Congo

Kilavuz

Ahmet Agaoglu
En fin d'après-midi, depuis la terrasse, le trafic monte en intensité. Voici d'abord le porte-conteneurs ZIM INDIA. 260 mètres et 4 250 evp. Et maintenant, c'est au tour du vraquier ASIA PEARL II, qui, avec son port en lourd de 35239 tonnes, est classifié Large Handysize. Il vient de Casablanca et fait route vers Varna. Ah! Enfin un. Je commençais à croire que mes trois cargos classiques d'hier n'étaient qu'un miracle sans lendemain. En voici un autre. Magnifique, et plutôt récent puisque le NAFKRATIS a été construit en 2000, au Japon. Seuls les japonais construisent encore au XXIème siècle des beaux cargos de ce type.

Zim India

Asia Pearl II
     
Nafkratis
Derrière lui, j'espérais voir d'autres mâts de charge avec le YARA J, plus ancien et issu d'une série japonaise importante. Mais hélas, plus aucun mât sur le pont de ce cargo qui conserve néanmoins belle figure. Il est rattrapé par le pétrolier d'origine coréenne MATALA, qui fait route vers Novorossiysk. Le CAPTAIN YOUSIF porte indéniablement la marque des chantiers allemands JJ Sietas. Le JILDA, autre petit cargo sans gréement, a été fabriqué en Chine en 2006. Il se rend en Ukraine, à Kherson.

Yara J

Matala

Captain Yousif

Jilda
Derrière lui, un navire dont l'allure nous est familière. Le PACIFIC DAWN est l'un des quatre cargos de type T18, de conception très moderne de la compagnie Global Seatrade, économes et pourtant rapides, spécialisés dans le transport de colis lourds. Il se rend à Chornomorsk, port de l'oblast d'Odessa, en Ukraine. Et maintenant un chimiquier. Le PARSA est un très beau navire de fabrication japonaise. Si j'ai particulièrement aimé la construction navale russe, ou plutôt soviétique des années 60-70, j'avoue que les japonais sont aujourd'hui ceux qui, pour moi, construisent les plus beaux navires marchands. Surtout ceux de taille moyenne. Tiens, le MSC ELEONORA est déjà de retour. Parfaite illustration de la vitesse avec laquelle les opérations de chargement et de déchargement de conteneurs sont réalisées. Et pour terminer la journée comme je l'ai commencée, voici le KUMDAS, un minuscule cargo gréé d'une forêt de cornes de charges levées vers le ciel.

Pacific Dawn

Parsa

MSC Eleonora

Kum Das
Page 1 Page 2 Page 3 Page 4

Cette page appartient à Marine-marchande.net