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Pilot | Elève | Lieutenant 1964 1970 |
Second 1970 1971 |
Second 1972 1975 |
Second 1976 1977 |
Cdt 1978 1982 |
Cdt 1983 1986 |
Bahamas 1986 |
Cdt 1987 1990 |
1990 1994 |
1994 1998 |
1999 |
Passager |
Des visiteurs de mon site www.marine-marchande.net m'écrivent souvent pour me dire que leur père ou leur grand-père naviguait à telle époque et qu'ils cherchent comment trouver trace de leur carrière. J'ai donc entrepris de retracer ma carrière pour faciliter les éventuelles recherches de mes descendants. Pourquoi devient-on marin ? |
Pilotin |
Avant tout on m'a conseillé de m'assurer de ma vocation en embarquant comme pilotin. J'ai fait mon premier embarquement pendant l'été 1957, à bord du Ville du Havre. C'était un liberty ship construit en 1944, le "Williams M. Eastland", attribué à la France en 1946 et donné en gérance à la N.C.H.P. en 1947. Muni d'une promesse d'embarquement j'avais passé à Brest la visite médicale, et on m'avait donné une feuille tenant lieu provisoirement de fascicule. Convoqué à Rouen le 26 juillet j'étais arrivé la veille au soir et j'étais allé jusqu'au quai où était accosté le bateau. Il n'y avait pas d'activité, la muraille m'avait paru impressionnante et je n'avais pas osé me présenter avant la date. J'avais donc passé la nuit dans un hôtel modeste à proximité. |
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C'était décidé je voulais être officier de la marine marchande. Pour cela il fallait obtenir un diplôme et ça n'a pas été facile. Mauvais élève, surtout à cause d'un conflit permanent avec l'autorité des professeurs, j'ai redoublé ma classe de terminale. Mal conseillé j'ai ensuite fait une année de préparation
inutile. Tout cela pour échouer au concours d'entrée à l' "hydro" . Accident éprouvant, j'ai été sec à l'oral en maths !!! Le black-out total, je ne savais plus rien sur une question pourtant banale, la division harmonique.
Mon début de carrière a donc été difficile. J'ai d'abord rembarqué comme pilotin
toujours à la NCHP. |
Le feu à bord . Le 11 juin au lever du jour, à la sortie du golfe de Suez, on aperçoit de la fumée sortant par les manches à air de la cale 2. Le Commandant est prévenu et donne le branle-bas général. C'est un homme jeune et dynamique, il fait ouvrir le prélart d'un coin du panneau de cale, il met lui même en batterie une lance à incendie et commence à arroser. Le Second, plus pondéré, est allé consulter le plan de chargement. Il vient en courant sur le pont et fait stopper l'arrosage ! Explication, sur le panneau de l'entre-pont sont arrimés des dizaines de fûts de carbure de calcium. Carbure + eau = acétylène, hautement inflammable. On referme donc et le Cdt ordonne le demi tour vers Suez. Il n'y a pas à bord d'autre moyen de lutte contre l'incendie et il faut donc de l'aide. A Suez nous allons au mouillage, où nous recevons la visite d'experts et officiels en tous genres. Il est décidé de saturer la cale en gaz carbonique. Pour cela on nous fournit une rampe permettant de brancher douze bouteilles de gaz à la fois et de les vider dans la cale par un trou de sonde. Un remorqueur approvisionne des dizaines de bouteilles et l'opération commence. La manipulation des bouteilles est assez laborieuse. La température est relevée toutes les heures à trois hauteurs différentes en filant un thermomètre par des tuyaux de sonde. Au bout de deux ou trois jours, je ne sais plus, on estime que la cale est saturée, la température est stable, et le navire est autorisé à partir pour Djibouti le 17 juin. Le Cdt a rédigé un rapport fleuve sur l'incident et il faut le taper à la machine en plusieurs exemplaires, pour cela il a mobilisé le "pilot", dont c'est à peu près la première expérience de machine à écrire. Quel calvaire ! Une ou deux fautes de frappe ça passe, mais davantage il faut recommencer la page. Vive le traitement de texte par ordinateur ! L'escale à Djibouti était prévue mais pas comme cela. La cargaison avait été déclarée en avarie commune, c'est à dire que tout le monde partage les frais occasionnés par le sinistre, et les assureurs avaient décidé de décharger entièrement la cale 2 à Djibouti. Une cargaison de 2 ou 3 000 tonnes de divers c'est impressionnant : fûts de carbure..., mais aussi colis postaux, caisses de cognac, cartons de bière, voitures, et beaucoup de ballots de friperie. C'était là l'origine de l'incendie, du coton humide, souillé et comprimé peut prendre feu spontanément. Les dockers avaient refusé bien entendu de descendre dans la cale et c'est donc l'équipage qui s'en est chargé, tout l'équipage. Ce sont les mâts de charge qui ont été utilisés. Il fait très chaud à Djibouti fin juin, mais Il faisait dans les 50° dans la cale, l'air était tout juste respirable, et nous étions organisés en bordées de quatre hommes qui faisaient une seule palanquée puis remontaient. Petite compensation, l'assureur avait dit carrément "Tout est considéré comme perdu, si vous pouvez récupérer des choses servez vous!". Certains ont trouvé des trucs intéressants, moi je n'ai déniché qu'une chemisette grise affreuse. Le feu couvait mais n'était pas éteint. Quand nous avons fait des palanquées de friperie, les ballots étaient chauds, mais semblaient éteints. Mais quand ils sortaient de la cale et arrivaient à l'air libre des flammes apparaissaient aussitôt. Pour décharger des voitures on devait casser des vitres et passer une élingue en acier en travers. Un massacre nécessaire. Le déchargement de la cale dure une longue semaine. Je ne me souviens hélas pas si nous sommes repartis avec la cale 2 complètement vide, mais j'espère que le chargement des cales 1 et 3 avait été réparti. |
Dix jours après, le premier toucher à Madagascar était Majunga où nous restions sur rade, pour décharger sur des barges. Il n'y avait pas de radar à bord évidemment, le balisage était inexistant et après un atterrissage à vue il fallait rejoindre le point de mouillage. Pour cela le commandant utilisait la méthode des arcs capables. Je crois bien que c'est la seule occasion où j'en ai vu l'usage. Deux lieutenants, chacun muni d'un sextant qu'il tenait à l'horizontale mesurait l'angle entre des amers, ils annonçaient leur mesure à haute voix et le commandant, qui avait en tête le schéma qu'il avait préparé, ajustait le cap en conséquence jusqu'à arriver pile au point choisi, l'art de la navigation !.
Escale suivante Nossi Bé, magnifique rade, paradis tropical. L'eau est transparente comme du cristal, et me permet d'admirer un énorme requin. Il est vraiment d'une taille impressionnante, peut-être 4 m de long. Des matelots mettent à l'eau une ligne en fil d'acier avec un énorme hameçon tenant un gros morceau de viande. Le "jean-louis", accompagné de sa petite cour de poissons pilotes et remoras, tourne autour lentement mais ne s'en approche pas. Pas faim ou méfiant? En tous cas voilà toute envie de baignade envolée ! La compagnie me fait une grande faveur, pour me permettre de revenir en France avant la fin des vacances, je débarque là pour être transféré sur un autre bateau qui a terminé sa tournée de Madagascar. En plus je reste à terre huit jours, hébergé par l'agent local, pour attendre "Les Comores". |
Après deux mois de congé je ne sais pas très bien comment poursuivre mon chemin et je rembarque le 23 novembre 1959 au Havre, cette fois ci sur un ex cargo mixte le "Ville de Tamatave". |
Construit en 1949 par les Ateliers et Chantiers de la Seine Maritime. 148,58 x 18,87 x 11,58 m, TE 8,07 m Jauge brute 9 019 Tx, Port en Lourd 10 845 tonnes. 5 cales,avec shelter decks, 16 mâts de charge et 1 bigue de 30 tonnes. |
Un beau bateau, construit comme cargo mixte pour 28 passagers, ce nombre est réduit à 12 en 1958, et une partie des locaux rendus disponibles transformée en garage à voitures. Propulsé par un moteur Sulzer 10SD72 de 8 000 Cv, il atteint la vitesse de 18 nœuds aux essais. Les emménagements sont agréables et je bénéficie d'une grande cabine, prévue pour deux, au niveau du pont principal. Après sept mois et demi je passe une semaine de congés et je rembarque pour deux mois et demi sur son sister ship le Ville de Tananarive. Mes souvenirs des deux bateaux se mélangent. J'ai le sentiment d'avoir appris beaucoup de choses. Je suis à la fin capable d'assurer seul le quart à la passerelle, sous la responsabilité du Second. Et les opérations commerciales me sont familières, j'ai assisté le Second dans toutes ses tâches. Je lui reste d'ailleurs reconnaissant de m'avoir beaucoup fait travailler. |
Ces deux cargos faisaient la ligne Europe - Madagascar. En gros Hambourg - Anvers - Dunkerque - Bordeaux - (Alger) - Marseille - Canal de Suez - Djibouti - Majunga - Diego-Suarez - Tamatave - (Tuléar) - Port des Galets, et retour. Les cargaisons vers Madagascar étaient très variées, en lots parfois peu importants, et le plan de cargaison était un beau puzzle, sans aucune aide informatique évidemment. Au départ de Marseille nous avions de la bière, des vins et alcools divers, des véhicules, des ballots de friperie, du ciment, des fers à béton, des colis postaux, etc. Au retour c'était du sucre, du café, des peaux de zébus, des coquillages, de la vanille, de la viande congelée, etc. |
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