Question... Nous recherchons une liste, la plus exhaustive possible, des navires construits par les Chantiers Dubigeon. |
Charlie Walter — Je n'ai pas de liste, mais le PRESIDENT EMILE MARCESCHE (de la Compagnie du même nom, de Lorient) est sorti en 1947 de ce chantier.
J'étais matelot à bord en 1966. Il se disait alors que, commencé avant la guerre, il avait été coulé ; la construction aurait été terminée après renflouement. |
Yvon Perchoc — Voici une photo du PRESIDENT EMILE MARCESCHE, par Fotoflite.
Lancé en décembre 1946 en fait par la Société des Chantiers Réunis
(Loire-Normandie), à Nantes, sous le nom d'ANZIN pour le Gouvernement
Français, en gérance aux Etablissements Marcesche (Lorient). C'est un
cargo doté de la chauffe au charbon, dont 17 t sont engouffrées
quotidiennement dans deux chaudières. En 1949, il prend le nom de
PRESIDENT EMILE MARCESCHE à son achat. En 1966, il devient le libérien IRENE. Entre temps (je n'ai pas su trouver à quelle date), le mazout a
remplacé le charbon dans la chaufferie. C'est ce qui causera sa perte en
quelque sorte. En effet, le 17 mars 1969, il lance un appel de détresse signalant
un problème de gasoil. Il se trouve alors au large des îles Orkney,
faisant route de Granton (Edimbourg) vers Kristiansund (Norvège) et
affrontant une tempête de force 10. Sans propulsion, il est jeté à la
côte sur l'île sud des Orkney, South Ronaldsay, à un demi mille au sud
de Grim Ness Head. |
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Les sauveteurs parviennent à établir un va-et-vient
entre la falaise proche et le navire. Les 17 membres d'équipage sont évacués sains et saufs. Ce naufrage occasionnera cependant une tragédie.
Lors de son retour à sa station, le canot de sauvetage de Longhope (île
de Hoy) chavire dans une lame énorme, noyant ses huit occupants.
Il est possible que la construction de ce navire ait commencé au début
de la guerre. Le Gruss le catalogue dans la liste du programme de
construction Rio (ministre de la Marine Marchande) datant de 1940. |
CW — Je revois toujours régulièrement l'ancien Commandant du moment. (Henri Allain... bénévole au Seamen'sClub de Lorient). Il m'a rapporté qu'il avait embarqué sur ce navire pour la première fois en 1947. Le bateau est passé au mazout pendant son absence pour service militaire, soit en 1949 ou 1950. |
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YP — Appartenant au même armement, il y avait aussi le cargo COMMANDANT A. KERHUEL. Je l'ai retrouvé par hasard en 1999 lors de travaux
hydrographiques en rade de Djibouti, où il attendait au mouillage. Plus,
je me rapprochais de lui en Zodiac moins j'en croyais mes yeux. Sous
le nom de SAFEENAT NOUH, cette vieille coque de 43 ans, certes rouillée, était sans modification, comme à son neuvage.
Ce cargo avait pourtant failli terminer plus tôt sa carrière. Le 8
février 1980, alors sous le nom de AMINA II, il avait été abandonné par
son équipage en Mer Rouge, en panne de machine et faisant eau. Il avait été retrouvé plusieurs jours plus tard échoué près de Edd (Erythrée),
après une dérive d'environ 215 milles (cf. carte). C'est un miracle que cet
obstacle, dérivant sur une route maritime des plus fréquentées, n'ait
pas occasionné une collision. Il sera renfloué et arrivera à Massawa le 2 septembre 1990. Il a effectué son dernier voyage en 2000, arrivant à Alang le 2 juillet
pour y être démoli.
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Françoise Massard — Je ne possède pas non plus de liste, mais je peux simplement rappeler, en quelques lignes, l'histoire de ces chantiers qui auront fait parler d'eux pendant deux siècles et demi et qui auront construit quelque 400 navires.
C'est en 1738 que le charpentier de marine Julien Dubigeon fonde le premier chantier à Nantes : sites de La Fosse, puis de La Chézine. Le site "historique" des Chantiers Dubigeon est celui de Chantenay (ouvert dès 1760 par Théodore Dubigeon) qui reste, au milieu du XIXe siècle, le seul "chantier Dubigeon"... jusqu'à l'ouverture, en 1864, d'un deuxième chantier à Saint-Nazaire cette fois-ci, lequel disparaîtra 40 ans plus tard. L'apogée de l'entreprise se situe dans la période 1875-1910, après quoi des déchirements familiaux vont perturber son développement. Rachetés en 1914 par les Ateliers et Chantiers de la Loire (fondés en 1881 par Louis Babin-Chevaye), ils prennent le nom "d'Anciens Chantiers Dubigeon", puis deviennent "Dubigeon-Normandie" en 1963 (un peu plus de 3 000 salariés). Six ans plus tard, le chantier migre du site de Chantenay (une seule cale) à celui de Prairie-au-Duc (qui en compte deux, en plus de celles dédiées aux sous-marins). Ils redeviennent "Chantiers Dubigeon" en 1983, après leur rachat par Alsthom Atlantique (nom à l'époque des Chantiers STX Europe actuels). Ils sont définitivement fermés en 1987 (le dernier navire construit fut le bâtiment de soutien BOUGAINVILLE, lancé en 1986). Ces chantiers, initialement spécialisés dans la construction des voiliers cap-horniers, diversifia sa production dès après la Première Guerre mondiale, construisant chalutiers, navires de servitude, remorqueurs, dragues, cargos, navires à passagers, et même sous-marins.
Quelques navires sortis de ces chantiers : en vrac, les dragues PIERRE LEFORT et RENE GIBERT, les transbordeurs CORSE, ILE DE BEAUTE, MISTRAL EXPRESS (construit comme ESTEREL), le HORNSTAR, le Ro-Ro/cargo SEA RUNNER (construit comme LE MANS), le pinardier SAHEL II ou encore DAHRA (qui a terminé ses jours comme HAJ ANWAR), l'ancien porte-conteneurs NICOSIA construit comme MEDARIANA, le transport de colis lourds NORD SCAN MUMBAI (construit comme INTERNAVIS 2), les cargos BALCHIK et BILADI (construit comme LIBERTE), le cimentier ANDREAS ADJYKYRIAKOS, etc.
Parmi les premiers navires lancés par ces chantiers, on peut citer le ROSIERE-D'ARTOIS (lancé en 1777), le PROVIDENCE (lancé en 1832), le trois-mâts GIPSY RODNEY (mis en service en 1840) et, bien sûr, le trois-mâts BELEM (lancé en 1896... et qui navigue encore). Le chantier lance le premier vapeur en 1850, c'était le NATHALIE. On peut encore citer le trois-mâts SAINT-ROGATIEN construit en 1901, la goélette OISEAU DES ILES, l'escorteur FLORE (tous deux lancés en 1935), l'aviso COMMANDANT DUBOC (construit en 1939), les sous-marins ASTREE et ANDROMEDE (mis sur cale en 1939 et lancés à la fin de la guerre), Le dernier construit (et le plus grand) sera le ferry SCANDINAVIA. Les chantiers Dubigeon s'étaient d'ailleurs spécialisés, à partir de 1970, dans la construction des transbordeurs, le premier livré ayant été le VILLANDRY (1965). Ils construisirent également des polythermes : POINTE MADAME, POINTE LA ROSE et POINTE SANS SOUCI (1973).
Sources bibliographiques : "Des navires et des hommes. De Nantes à Saint-Nazaire, deux mille ans de construction navale", par Yves Rochecongar - "Les anciens Chantiers Dubigeon, ou deux siècles de construction navale", Journal L'Eclair du 18.10.1956.
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