Vacances d'un shiplover à Istanbul
(Philippe Lauga- octobre 2011)
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Mercredi 26 octobre.
La journée avait plutôt bien commencé. En ouvrant mon rideau, le ciel est clair. L'un des premiers à passer sous ma fenêtre est tout à fait à mon goût, c'est le cargo classique MEZIYET ANA. Avouez que son portrait avec la Mosquée bleue en arrière plan a de la gueule non?
Lorsque je prends mon poste près d'Uskudar, le ciel se couvre un peu. Difficile de repérer par contraste sur les habitations les grues du vraquier PALAU qui dépasse le vieux NOMAD EAGLE. Et puis miracle, le soleil paraît, irradiant les deux petits caboteurs turcs AKEL et KUM DAS. Il est pas un peu prétentieux celui-là avec ses sept mâts de charge, dressés fièrement comme on les portait au début du siècle passé, alors qu'il ne mesure que 68 m? Entre les deux, je vous propose une vue du palais de Dolmabahçe, dernière résidence des sultans turcs qui trouvaient Topkapi trop vétuste et pas assez luxueux. Atatürk qui y résidait lorsqu'il était à Istanbul (on peut vouloir détrôner les sultans et instaurer une république laïque sans pour autant complètement tourner le dos au luxe et aux dorures) y est mort en 1938. Alors que les nuages reviennent déjà, passent les porte-conteneurs UASC RAMADI puis PIONEER LAKE, qui quittent Istanbul après avoir fait le plein de boîtes!


Meziyet Ana

 

Palau et Nomad Eagle

Akel

Dolmabahce

Kum Das

Uasc Ramadi

Pioneer Lake
En rebroussant chemin, je photographie le chimiquier SICHEM ONOMICHI qui aurait besoin d'une petite peinture et le vraquier KALIAKRA. A partir de 13h, les affaires se gâtent. Tout ça à cause d'une météo peu généreuse qui recouvre Istanbul de gros nuages anthracites et ramène de Russie un désagréable vent glacial. Le SEA PARTNER est toujours là, il a déchargé une cohorte de semi-remorques.

Sichem Onomichi

 

Kaliakra

Sea Partner
Je décide quand même d'embarquer depuis Eminonü à bord d'un Ferry pour une balade sur le Bosphore. Pour 10TL (4€), vous vous baladez jusqu'au second pont en longeant la côte européenne et retour par la rive asiatique. Une bonne heure de croisière qui peut, par beau temps, être réellement délicieuse. Les touristes se massent pour admirer palais et belles résidences les pieds dans l'eau. Pour moi, cette balade n'est qu'un prétexte pour photographier les navires que nous croiserons. Mais cette vilaine météo, les mouvements du bateau vont gâcher la fête et beaucoup de clichés seront flous et inexploitables. Je ne retiendrai que le départ de l'hôtel flottant CELEBRITY CONSTELLATION qui met cap au sud,

Celebrity Constellation

 
 ... le cargo moderne WARNOW MOON, le reefer LADY KORCULA,

Warnow Moon

 

Lady Korcula

 
... le petit cargo turc CELTIKCIOGLU 14, âgé de 42 ans, et le gros pétrolier PRISCO ALCOR .     

Celtikcioglu

 

Prisco Alkor

 
Ça se termine avec un nouvel hôtel flottant, le MSC MAGNIFICA... (Si l'on veut). Sinon, j'ai raté le joli petit cargo HERA (IMO 7052155) de 1971, le tanker fluviomaritime russe PENELOPE (IMO 9540364), le gros pétrolier PHOENIX LIGHT (IMO 9390599), le joli pétrolier grec VASSILIOS XXIII (IMO 8817679), etc... C'est sûr qu'avec cette lumière faible, lorsque vous êtes dans un bateau qui remue ne serait-ce que légèrement et que vous croisez la route d'un navire, c'est pas évident de réussir sa mise au point!!! S'ajoute à ma frustration du jour que le HASAN D (Ex KHALDOUN, IMO 7610270) a attendu que le soir tombe pour relever son ancre et attaquer la descente!!!

MSC Magnifica

 
Alors, tant pis, je le photographie quand même lorsqu'il passe devant ma fenêtre à 20h locales!!!! Non, ce n'est pas la basilique Sainte Sophie de nuit que je veux vous montrer, ce sont ces espèces de trainées de lumières blanches, ses feux de position et cette tache floue dans l'eau. Et oui, il fait nuit et il bouge alors que l'exposition de ma photo est de 5 secondes!!!!!! Pffffff!!

 
Bon, pour demain la météo est encourageante... Alors à demain pour de nouvelles aventures!
Jeudi 27 octobre
Les jours se suivent et ne se ressemblent pas, j'ai pu vérifier ce vieil adage! Le matin est pourtant presqu'aussi gris que la veille. De mon balcon, je photographie le beau vraquier ANDRA qui file vers Cartagena en Espagne. Un détail me surprend : il vient du nord! Normalement, au milieu de la nuit, les navires remontent le détroit. Là, visiblement, ça descend toujours. Etonnant ! Au mouillage de la mer de Marmara, ça commence à s'entasser comme vous pouvez le constater sur la seconde photo du ANDRA.

Andra

 
Un peu plus tard, je reprends mon poste dans le quartier d'Usküdar. Je ne résiste cependant pas à vous montrer ces deux jeunes gars, l'un avec un curieux panneau jaune et l'autre avec un drapeau à damiers. Mais que font-ils au bord de la chaussée? Ils annoncent simplement une station service située juste derrière. Les automobilistes roulent toujours à fond ici, il vaut mieux les prévenir à l'avance car sinon, ils n'auront pas le temps de freiner!!!! Et les turcs payent 4TL (1,60€) le litre!
 
   
Le ciel commence à bleuir par intermittence. Bon signe! Passage du cargo turc KURUOGLU 3. Je photographie également le tanker de brut ISABELLA qui part livrer à Augusta en Italie, le reefer de la Seatrade DISCOVERY BAY...

Kuruoglu 3

 

Isabella

 

Discovery Bay

 
et le cargo libanais MARIA K, un cargo comme je les aime!
 

Maria K

 

Après ma pause déjeuner, toujours dans la même gargote dans le quartier Sirkeçi, où suis toujours très bien accueilli et où je me régale pour 12TL (4,80€) avec le thé offert bien sûr, tradition turque oblige, je décide de me poster à Saray Burnü, sous les remparts de Topkapi. J'aime particulièrement cet endroit pour sa lumière et le fait qu'on observe parfaitement le premier des douze virages à négocier. Ca y est, les bateaux commencent à remonter. Le premier à passer, c'est le paquebot PRINCESS DAPHNE.  Ah, celui-là il me plaît... Normal, il a été construit en 1955 ! A cette époque, les architectes navals avaient encore du goût ! Deux remorqueurs se précipitent, il va faire escale à Istanbul ! Je ne voudrais pas paraître goujat mais aujourd'hui, il valait mieux s'appeler Daphné que Nataly pour avoir du succès... Quoique moi, au moins, j'ai photographié le NATALY 1, retardataire du sens descendant...


Princess Daphne

 

Nataly 1

 
 
Ismail Sener
Voici le ISMAIL SENER, un bien beau cargo,

le KOTA LAJU qui va livrer des boîtes en Roumanie. Heureusement qu'ils ont des couleurs et des noms différents pour les distinguer ces porte-conteneurs quand même...

Kota Laju
Et pendant ce temps, rasant les rochers, deux minuscules caboteurs turcs passent devant moi à une allure de sénateur... D'abord le ERVA puis le SERNAK 1. Ils vont se mettre à couple du PRINCESS DAPHNE.  Le ERVA est un navire de récupération de déchets et le SERNAK 1, lui, est un récupérateur de slops.

Erva

 

Sernak 1

 

Ah, je ne vous en avais pas montré mais il en passe aussi des grosses baignoires flottantes! Voici le Ro-Ro NEPTUNE ILIAD. Le ALSANCAK-2 est un avitailleur de carburant, il quitte la zone d'amarrage des paquebots pour refaire le plein dans la zone de stockage située plus au sud. Un peu plus tard, c'est un nouveau tanker de brut, le MOSCOW. Ce que je pense pour les porte-conteneurs est aussi valable pour les gros tankers!! Juste derrière, un autre tanker. Plus modeste mais plus joli : le SENTOSA ISLAND.


Neptune Iliad

Alsancak 2

Moscow

Sentosa Island
Mais... Mais c'est lui... Ces deux hauts portiques auxquels il ne manque que des balançoires... ce mât antenne en forme de T à l'arrière... Le dernier de la série encore entier! Celui que j'espérais voir et que j'avais manqué d'un rien en arrivant. Il est de retour... Le VYACHESLAV ILYIN !!! Bon, c'est sûr, il aurait besoin d'une bonne peinture mais quelle gueule ! Vous imaginez le mitraillage de star auquel il a eu droit !

 

Vyacheslav Ilyin

 
Une fois passé, il me prend l'idée de le revoir passer encore... Comment faire? C'est simple, je saute dans un taxi et direction la forteresse de Rumeli Hisari, là où le Bosphore est le plus étroit : 700 mètres. Oui, c'est sans compter sur les embouteillages légendaires d'Istanbul. Il n'allait pas vite pourtant le Vyach! Il s'est même fait dépasser par deux ou trois cargos (tant pis pour moi). Et bien lorsque je suis arrivé, je n'ai vu que son cul ou presque (3ème photo présentée)!

Par contre, je n'ai pas manqué le tout neuf mais tout beau vraquier TEO !

Lorsque passe le pétrolier ZARIFA ALIYEVA, le soleil décline et le temps fraîchit, il va falloir rentrer!


Teo

 

Zarifa Aliyeva

Claire

 
En attendant le bus, j'ai le temps de photographier deux porte-conteneurs, disons... euh... différents : le très moderne CLAIRE A et le porte conteneur fluviomaritime répertorié comme cargo ukrainien ATLAS et non pas ATAAC comme on aurait pu le penser!!!!

Atlas
Ce soir, point de frustration, sinon celle de devoir bientôt rentrer. Demain je quitte l'hôtel Harem, que je vous recommande chaudement, et pose mes valises à l'hôtel Osaka pour ma dernière nuit stambouliote, tout à côté de l'aéroport. Je décolle samedi à 6h30 et à cette heure, les ferrys dorment encore. Obligation donc de changer de rive la veille! Dernière journée à admirer le spectacle. Je compte en profiter un max!

Vendredi 28 octobre

Milangaz 3
 
Pour ma dernière journée, j'ai décidé de me lever tôt et il est vrai que la lumière matinale offre parfois de belles surprises, comme le montre cette photo du transporteur de gaz MILANGAZ 3. Au fond, il fait encore nuit et les premiers rayons du soleil éclairent ce joli tanker à la perfection. Je profite de cette belle lumière pour photographier encore la superbe mosquée bleue. Une fois mon déjeuner pris et ma note réglée, je laisse mes bagages à la réception et reprends mon poste à Usküdar. Aujourd'hui, je vous propose le ALEXSANDR KARASTOYANOV dont l'IMO ne trahit pas le grand âge : il a 47 ans! Sur les quais comme partout, on trouve des gargotes offrant au passant l'indispensable thé et de multiples friandises. Petite pause indispensable dans la journée d'un stambouliote... Pas facile de lire le nom de ce petit cargo à coque bleue. On distingue bien mieux son ancienne identité : SEREZ... Il s'appelle en fait GHANIA, et navigue désormais sous pavillon togolais.
 

Alexandr Karastoyanov

 

Ghania

 
Le jour se lève sur Istanbul, le porte-conteneurs KING BYRON manœuvre pour rentrer au port.
Si je vous montre le gros vraquier MURMANSK, c'est pour que vous vous rendiez compte de la vigilance qui doit être observée lorsque vous vous engagez dans le détroit. Ici, le vraquier passe entre deux ferries reliant Sirkeçi à Harem, qui eux doivent stopper pour éviter la collision.

Murmansk

 
 
 
Un peu plus tard, passent le Ro-Ro ZOYA, le cargo moderne PHOENIX dont les ancres ne sont pas complètement à poste, le gros plan permet de distinguer son ancien nom mal effacé : FORTUNE EIGHT, le très beau pétrolier MAX SCHULTE doublant la tour de Léandre et qui ne peut renier ses origines Maersk, le vraquier chinois NEW LIU LIN HAI avec son étrave verticale, le joli navire de croisière de 40 ans CORAL qui escale à Istanbul pour quelques heures.

Zoya

 

Phoenix

 

Max Schulte

 

New Liulinhai

 

Coral

 

Voilà, il est temps pour moi de quitter définitivement la rive asiatique. Lors de ma dernière traversée en ferry, j'observe le passage du porte-conteneurs MSC SAMANTHA mais aussi des monuments historiques de la ville qui ont vu passer des millions de navires depuis des siècles. L'orgueilleuse Mosquée Bleue construite par le génial architecte Mimar Sinan, ancien point de départ des caravanes de pèlerins vers la Mecque d'où ses six minarets afin qu'elle soit repérée de loin. Sainte Sophie, ancienne basilique chrétienne du VIème siècle, devenue mosquée au XVème siècle et aujourd'hui musée. Le Palais Topkapi avec son célèbre harem, résidence des sultans de 1465 à 1853, la tour de Léandre dont la légende dit qu'elle fut construite à la demande d'un sultan pour protéger sa fille de la prédiction d'un oracle qui lui avait annoncé qu'elle serait mordue par un serpent venimeux avant son 18ème anniversaire. Il l'enferma dans cette tour éloignée de la terre et fut seul à lui rendre visite jusqu'au jour de son 18ème anniversaire. La pensant sauvée du mauvais présage, il lui offrit un somptueux panier de fruits exotiques. Cependant, un serpent était caché dans le panier et mordit la jeune princesse, qui mourut dans les bras de son père...


MSC Samantha

Topkapi

Sultanhamet

Tour Léandre
Mais revenons-en aux bateaux. Après avoir pris mes quartiers dans un hôtel proche de l'aéroport, je me fais déposer par un taxi près du petit port du quartier de Bakirköy où j'ai photographié ce caboteur ukrainien, le SAROS. Moins de navires à l'ancre en mer de Marmara, d'où ma décision d'annuler ma balade en bateau, mais j'ai bien aimé cette vue où la lumière joue avec l'ombre des lourds nuages noirs surplombant la région.
                                    Une dernière photo des navires à l'ancre et direction Sarayburnu, à la sortie du Bosphore pour une dernière salve de navires.

Saros

 

 

 

Perge
Voici le cargo PERGE,
faisant route vers Izmit.

Grebe Bulker

 
Le gros GREBE BULKER
a mis le cap vers la Jordanie.
Encore un LPG Tanker, le ESHIPS DANA... puis le gros et moderne cargo ROME TRADER

Eships Dana

 

Rome Trader

 
Je vous propose aussi ces trois navires de pêche, typiques de la région.
Ils remontent le Bosphore pour capturer des poissons en mer noire. Le KEMAL REIS, le KORKMAZLAR 5 et le TOPLU 3.

Korkmazlar 5

Toplu 3

Kemal Reis
 
Départ du navire de croisière STAR PRINCESS. Tout ce que j'aime dans l'architecture navale moderne ! Je ne résiste pas à vous montrer le bec de pélican de son étrave, on dirait qu'il va se refermer pour avaler les petits bonhommes qui s'y sont aventurés, tandis qu'un écran géant sur le pont supérieur diffuse des images de fonds marins, pour rassurer les passagers en cas de naufrage sans doute.

 

Star Princess

 
  Bof, bof !! Je lui préfère le cargo VENTURE SW.
Venture SW

 
 
La lumière décline déjà. Je dois modifier le réglage de mon appareil pour capturer le joli caboteur MARMARA A,
Marmara A

 
 
le LPG tanker BASTOGNE et le cargo gréé CATHARINA 1. Ça devient impossible et je gèle! Je dois me résoudre à rentrer boucler mes bagages. Décollage à 6h demain matin.
Il fait nuit noire lorsque je longe la mer de Marmara, je ne distingue plus que les lumières des navires au mouillage, là, c'est vraiment terminé.

Bastogne

 

Catharina 1

 
Istanbul reste toujours aussi magique, que ce soit pour le shiplover, pour l'amateur d'architecture, d'histoire de civilisations ou de dépaysement.
En ce qui concerne les navires de commerce, le Bosphore est toujours aussi généreux en navires de tous types et de tous âges, même si j'ai pu constater, là-bas aussi, le résultat des récentes et multiples ventes à la ferraille de navires construits dans les années 60 et 70. Le paysage maritime change, c'est inéluctable. Il se modernise et je suis le premier à critiquer l'esthétique froide des navires modernes et à regretter les formes harmonieuses et élégantes des bateaux plus anciens. La flotte des tankers de brut est âgée de moins de dix ans, tout comme celle des porte-conteneurs géants. Les navires les plus anciens sont le plus souvent des cargos de divers, de taille modeste, armés au cabotage entre la mer noire et l'Est de la Méditerranée. Ils battent souvent des pavillons exotiques comme celui du Togo et son port d'attache Lomé. En ce qui concerne les cargos dotés de mâts de charge, seule la Turquie semble continuer d'en utiliser et même d'en construire. Le plus souvent, il s'agit de petites unités qui desservent de petits ports nationaux non équipés. En Turquie, à cause ou grâce à une géographie qui s'y prête, le transport maritime a peu de chance d'être supplanté par le transport routier. En qui concerne la France, j'ai une fois de plus regretté son absence du monde maritime, tant du point de vue du pavillon que celui des compagnies maritimes ou même des constructeurs de navires.
 
J'invite tous les shiplovers à réaliser ce voyage et voici une carte où sont indiqués les principaux postes d'observation évoqués dans ce récit.
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Mise en page Hervé Cozanet, documentation Gwénaëlle Guedez, corrections Pitou




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