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1957 - 2000    ma carrière de marin.
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Cloche de plage avant
Janvier 1999 j'embarque sur le Poitou
pour son dernier voyage sous ce nom

La cloche de mouillage est magnifique, une trentaine de kilos de bronze, avec le nom du bateau gravé. Comme le bateau était vendu je me l'étais appropriée, avec l'accord de l'armement, à condition de fournir une cloche règlementaire. Elle est le plus bel ornement de mon intérieur.


Je ne me souviens plus pourquoi la relève se fait sur rade d'Abidjan. Avec moi embarque le Chef mécanicien, François Rehel, un bon camarade. Nous allons charger au Cap Lopez à destination de la Chine. A cette époque c'est très rare, mais nous y allons pour livrer le bateau, vendu aux chinois. C'est un long voyage de 10 000 milles environ. Le Chef se fait un peu de soucis mais tout se passe bien. Le bateau est acheté par la Chine communiste et doit être livré à Dalian. Il prendra le nom de BLOOM SEA, sous pavillon de Panama et naviguera encore deux ans avant de finir à la casse.

 
     
Le bureau et la chambre du commandant
     
La passerelle

Pc machine

Chaudière, un seul brûleur

 

Culasse de rechange

 

Collecteurs d'échappement

Parquet des soupapes

 

Appareil à gouverner

au tour
Je m'amusais parfois au tour, où mes talents sont très modestes. Voyant cela les deux fitters (ajusteurs) m'avaient fabriqué un magnifique cadeau à partir de morceaux de bronze et de lame de ressort inox. Ils étaient venus très fiérement me l'apporter, et nous avions bu un whishy.

les deux fitters
Ils avaient de quoi être fiers de leur travail, et j'étais très touché par ce cadeau. Il s'agit d'un couteau de Batangas, ou couteau papillon, entièrement réalisé au tour. Ils en avaient fait le dessin coté précis et, malgré les jeux du vieux tour, avaient atteint une précision remarquable dans l'ajustement des pièces.

Ce qui avait été exceptionnel c'était surtout l'escale de déchargement en Chine et le débarquement.
Dès que j'avais su que nous allions en Chine j'avais demandé à l'armement si je pouvais rester quelques jours en débarquant. On m'avait répondu d'accord mais on ne s'occupe de rien, vous vous arrangez avec l'agent local. J'avais donc attaqué assez tôt l'agent par telex pour le prévenir que le Chef et moi resterions trois jours à Pékin avant de rejoindre Paris. Aucune réaction, je me demandais si les démarches avec les autorités allaient être possibles. En fait tout s'est déroulé de façon tellement simple que j'ai été ahuri.
Nous sommes arrivés sur rade de Dalian un petit matin, l'équipage chinois nous attendait et a embarqué aussitôt. Le temps de montrer les lieux et une heure après nous débarquions en vedette. Petit déjeuner dans un hôtel, infect, et en route pour l'aéroport et vol de moins d'une heure Dalian-Pékin. A Pekin un agent nous attendait pour nous changer d'aéroport, et je lui dis que nous avons demandé à rester à Pékin trois jours. Pas au courant mais pas de problème, il prend son téléphone parle pendant trois minutes et m'annonce que nos billets ont été changés pour le vol dans trois jours. Parfait, mais l'hôtel? Re-téléphone et en deux minutes nos chambres étaient réservées, et au lieu d'aller jusqu'à l'aéroport il nous dépose à l'hôtel en passant.
Un hôtel splendide, le grand luxe. Dans le hall en marbre, avec cinq ou six mètres de hauteur de plafond, des musiciennes en costume traditionnel jouent doucement. Il y a trois restaurants, et nous sommes en plein centre. Nous irons à pied nous promener jusqu'à la place Tien anmen et visiter la Cité Interdite.

Tout est étonnant, en particulier le contraste entre une ville ultra moderne et des restes de quartiers modestes.
Nous avons affrété un taxi pour aller jusqu'à la Grande Muraille, tout près de Pékin et très frequentée par des touristes chinois.
 
Des petits métiers étonnants : le marchand de communications téléphoniques, le marchand de mort aux rats avec un chapelet de rats morts en trophée.  

 

Après plusieurs mois de congé, j'embarque pour ce qui sera mon dernier contrat. Ce sera à bord du BORÉE, le plus gros que j'aurai commandé, avec pas loin de 300 000 tonnes de port en lourd. Construit en 1976 pour Total, sous le nom de SPIO, il a changé de nom en 1979 à son rachat par la CNN, sous pavillon français. Il a été ensuite racheté par Euronav, et passé sous pavillon Bahamas peu avant mon embarquement. Il naviguera jusqu'en 2001 pour finir à la casse au Bangladesh.
Nous ne sommes que deux Français, le Chef mécanicien et moi. Tous les autres sont des Bulgares, une première pour moi. En tout nous sommes 22.
IMO 7372103 - 343,01 x 53,01 x 28,33 - TE 22,09 - JB 139 019 - TPL 283 861 - 2 146 549 bbls - P 23 583 kW (turbine Hitachi) - 15,5 nds
Construit en 1976 par Hitachi Zosen, Sakai (Japon)
J'embarque encore une fois à Abidjan, et nous allons charger à Cap Lopez. Voyage sans incident pour décharger à Ulsan. En passant nous faisons des vivres au Cap par hélicoptère. Après déchargement retour vers le Golfe, avec soutage en passant à Singapour. C'est gourmand un turbinard, il lui faut environ 150 tonnes de fuel par jour.

Transport d'un élément de tuyautage
pour réparations sur la plage AR
          
Ravitaillement par hélicoptère au large de Capetown

L'ambiance à bord est agréable avec un équipage homogène, content de cette opportunité d'un bon salaire. Tout le monde a pris la pose sur le pont pour la classique photo souvenir. Quelques jours avant d'arriver au Golfe j'ai appris le décès de mon père, à 95 ans. L'armement a été très sympa et m'a proposé de me remplacer en faisant relâche à Khor Fakkan, en mer d'Oman. Les officiers ont organisé un petite soirée d'adieu, et m'ont même offert une cassette VHS de l'évènement. .

       
L'équipage au complet
 
Soirée d'adieu avant mon débarquement
Et voilà, sac à terre pour la dernière fois. Je ne sais pas encore que c'est la dernière. Au mois de juin on me propose un nouveau contrat, mais quatre de mes petits enfants doivent venir passer l'été et je ne veux pas manquer ça. J'ai 62 ans, une carrière bien remplie et je refuse la proposition, il faut savoir s'arrêter. J'ai compté par curiosité les ports où j'avais fait escale depuis 1957 et j'en ai compté 182, un peu partout dans le monde. Grâce à mon site Internet je ne quitte pas tout à fait les bateaux.