Naufrage à Bayonne. Le LUNO était un caboteur espagnol, que nous avions déjà vu à Bayonne. C'était un joli petit cargo déjà un peu ancien, 20 ans, mais en bon état apparent. Classé par le Lloyds, il était sur la liste blanche du Memorandum de Paris et n'avait pas fait l'objet d'une détention au cours des trois dernières années. En septembre dernier il avait été inspecté par les autorités maritimes du Portugal, sans problème. Bref c'était un cargo normal, mais aucune machine n'est à l'abri d'un incident de fonctionnement. Quand cet incident se produit au mauvais moment les conséquences peuvent être lourdes. C'est ce qui est arrivé hier matin. Philippe Lauga raconte :
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Le régulier LUNO, un petit cargo battant pavillon espagnol, s'est planté sur un épi rocheux proche de l'embouchure de l'Adour après que sa machine est tombée en panne alors qu'il entrait au port à vide vers 10h ce matin. Georges Strullu le pilote était à bord. Le remorqueur BALEA a été appelé et a essayé de passer une remorque pour éviter le naufrage. Pris dans le bouillon, le tug a manqué chavirer, il a été couché sur le flanc par une grosse lame mais s'est fort heureusement redressé et a pu se sortir de là. Une vidéo montre l'intervention. On imagine la frayeur de l'équipage. Le LUNO, lui, est allé se planter sur l'épi et s'est rapidement brisé en deux. Vers 12h30 l'hélitreuillage des 13 membres de l'équipage a pu commencer. C'est à ce moment là que je suis arrivé sur les lieux et que j'ai essayé de trouver un passage au travers de tous les barrages de police qui interdisaient de s'approcher. J'ai essayé divers endroits de prise de vue. L'arrière est planté dans l'épi et on craint évidemment la fuite de son combustible. L'avant est pratiquement sur la plage tandis qu'une embarcation de sauvetage retournée est arrivée sur la plage. Les hélicoptères balayaient le ciel. Un naufrage, c'est toujours triste mais le plus important bien entendu, c'est que tous les membres de l'équipage aient pu être sauvés. On imagine cependant la peur qui a du être la leur!!!
Il faut se souvenir qu'en décembre 1969, un autre navire s'était cassé en deux à quelques centaines de mètres de là, contre la digue Nord. C'était le cargo Romulus, ancien français Île Grande. Le commandant Mazzolini et trois hommes d'équipage avaient péri dans le naufrage." |
LUNO
Santa Cruz de Teneriffe |
IMO 9072329 - Cargo de divers - 100,65x14,80x7,80 m - TE 6,01 m - JB 3 446 - PL 4 635 t - P 1 492 kW (Wartsila 6R32D) - V 11,6 nds
Constr. 1994 - Propr. Nabilbo Shipping (Chypre) - Propr/Gérant/Oper. Murueta Naviera (Espagne) - Pav. ESP |
L'AIS et les sites Internet spécialisés permettent de suivre les évènements minute par minute. En particulier Localizatodo.com permet de montrer une animation. Hier matin le Luno arrive de Pasajes, sur ballast. Le cargo Andrea Anon sort à 9h00, son pilote débarque et va servir le Luno vers 9h15 . Un autre cargo, le Star Curacao, sort du port et passe le brise-lames à 9h20, c'est au tour du Luno de rentrer. A 9h50 il fait route vers l'entrée et passe le brise-lames à 10h00, à 4,5 noeuds. Ensuite il se passe quelque chose, on parle de disjonction générale, le redouté "black-out". Les choses se sont mal passées, on voit que le navire s'est écarté puis qu'il a stoppé et a été rapidement drossé sur la côte, malgré les efforts du vaillant Balea ! La trajectoire du navire avant l'accident peut paraître erratique, mais dans une mer formée un bateau peut zizaguer pour ajuster son heure et son cap de présentation au pilote, plutôt que de stopper.
Ce qui est remarquable ensuite c'est de lire et d'entendre les commentaires des medias. Tout le monde comprend qu'un journaliste doit faire vite et publier sur des sujets dont il ignore tout, en se fiant à des sources plus ou moins compétentes. On a eu cette fois ci encore un florilège de bêtises, magnifique et affligeant. C'est lamentable quand cela vient d'"autorités" dont on attend un minimum de compétence.
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Marinetraffic.com |
La réaction quasiment générale démontre tout de suite un manque complet de compassion pour les marins. Les titres disent tous "Naufrage, pas de risque de pollution!", on aurait préféré lire "Naufrage, les marins sont sains et saufs !". Cela commence avec notre ministre des transports à qui on prête ce commentaire "Les risques de pollution massive sont à priori écartés." C'est une évidence qu'un navire vide, contenant quelques tonnes de gasoil, ne risque pas de provoquer une pollution massive. Cependant le maire d'Anglade se déclare "pas totalement rassuré". Il est vrai qu'un membre d'une association de surfeurs se plaint que cela sente le gasoil. Pauvre chéri, il risquerait de salir sa combinaison s'il allait surfer tout de suite à cet endroit là.
Les grands journaux rivalisent :
Libération nous informe que le Luno quittait le port de Bayonne.
Le Nouvel Observateur s'est inquiété en apprenant le naufrage mais a été soulagé qu'une pollution massive ne soit pas à craindre. Il plaint cependant les spécialistes de dépollution dont le travail va être rendu difficile. (En effet ça va être difficile de trouver quelque chose à nettoyer !)
L'Express craignait aussi la pollution mais avait été rassuré par "le site internet spécialisé bateaux-fécamp.fr"
Il faut lire un journal d'un grand pays maritime comme la Suisse pour voir en titre "Un navire espagnol avec onze marins à bord s'est coupé en deux mercredi après s'être échoué sur une digue à Anglet . Un marin a été blessé dans le naufrage"
Bref comme toujours en cas d'accident de mer c'est l'indignation générale, et il faut vite trouver des coupables et si possible obtenir des dommages & intérêts. Le dernier souci c'est le sort des marins.
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